FOAD en temps de confinement : les élèves sont-ils tricheurs, rusés ou pragmatiques ?

Je ne sais pas si les élèves qui reçoivent un enseignement à distance depuis le 16 mars 2020 trichent, sont malins ou ont le sens de l’efficacité. Ce que je sais, c’est que certain(e)s utilisent les fonctionnalités d’internet pour accomplir les tâches demandées par leurs enseignants. Aux dépens des apprentissages ? Parfois oui.

Quelles fonctionnalités d’internet les élèves ont-ils donc utilisées pour effectuer les travaux de langue vivante 2 que je leur ai demandés ?

  1. En tête arrivent les traducteurs (reverso, google traductions).

  2. Ils sont suivis par les sous-titres générés par les plates-formes de vidéo.

  3. Arrivent ensuite les moteurs de recherche (je veux dire google car ils n’utilisent pas les autres).

  4. Et enfin le copier-coller.

Le traducteur automatique est une fonctionnalité utile. Il y a quelques années, nous avions accueilli une jeune Tchèque qui ne parlait ni anglais ni allemand, que tchèque. Personne ne parlant tchèque à la maison, le traducteur nous a beaucoup aidés.
Mais qu’en est-il des apprentissages ? Je ne suis pas sûre que certain(e)s élèves aient d’abord réfléchi à ce qu’ils étaient capables de faire seuls avant d’utiliser les traducteurs. Par exemple dans des fiches de vocabulaire. Je leur donnais à traduire la forme verbale conjuguée « ich schickte » (présente dans le texte précédemment étudié), ce qui donnait « j’envoyais ». Ensuite, je leur demandais de trouver la forme infinitive de « ich schickte ». La réponse attendue était « schicken ». Or beaucoup de réponses ont donné « senden » qui ne ressemble en rien à « schicken » sur le plan formel mais qui signifie aussi « envoyer ». Dans cet exemple, la réflexion grammaticale sur la forme verbale est passée à la trappe. Tout le travail a été effectué via le traducteur (sans reprise du texte ou des fiches de vocabulaire préalablement fournies). Aujourd’hui, je comprends mieux pourquoi parler de « verbe à l’infinitif » ne veut plus rien dire pour un élève. Avec les traducteurs, nous n’en avons plus besoin, alors qu’avec le dictionnaire, cette connaissance était indispensable. Il s’agit là d’un des premiers effets contreproductifs du traducteur que j’ai pu observer. Le deuxième concerne les tâches de compréhension de l’écrit. Il est évident que certain(e)s élèves copient le texte qu’ils ont à travailler pour le coller dans le traducteur et ainsi penser avoir compris le texte en question. Troisième impasse : donner de la traduction à distance. Je pense que certain(e)s étudiant(e)s de prépa ont fait moins d’erreurs sur certaines difficultés habituellement mal maîtrisées. Quant aux phrases de thème grammatical, j’ai décidé de les bannir dans le travail à distance.

Passons maintenant aux sous-titres des vidéos. Ils peuvent être présents ou non. La plupart du temps, ils sont générés automatiquement, d’abord dans la langue d’origine, éventuellement ensuite dans une autre langue. Si la restitution de la langue d’origine sous forme de texte correspond plutôt à ce qui est dit, la qualité de la traduction est aléatoire. Que font certain(e)s élèves ? Ils/elles vérifient systématiquement la présence de ces sous-titres, comme ils/elles le font habituellement sur Netflix. Pour leur plus grand bien, car cela améliore nettement leur compréhension de la vidéo, dans la mesure où ils/elles peuvent comparer ce qu’ils/elles voient à l’image et ce qui est effectivement dit. Ils/elles peuvent aussi fixer des mots et faire la recherche de leur sens dans le traducteur. Les sous-titres permettent de faire avancer la compréhension et de débloquer des élèves qui ne se repèrent pas dans les données sonores.

Les moteurs de recherche jouent aussi un rôle important. Certain(e)s élèves parviennent à retrouver rapidement les sources que j’utilise. Si ces sources sont didactisées avec les bonnes réponses, je retrouve les dites bonnes réponses. Comment s’y prennent-ils ? Soit ils repèrent les morceaux d’adresses html que j’ai pu oublier sur certains documents et le reste est un jeu d’enfant. Soit, j’ai pris mes précautions, c’est-à-dire retiré tout repérage possible de l’adresse web ainsi que le titre du document. Certain(e)s, après avoir compris le titre de l’audio ainsi que des éléments de sens, retrouvent le script. J’en ai eu la preuve la semaine dernière. J’avais donné un audio à travailler (tiré de Top Thema de la Deutsche Welle). J’ai mal géré l’adresse web de la page, mais j’avais retiré le titre et certains éléments de contenus. Quelle n’a pas été ma surprise de retrouver dans le retour d’un(e) élève des phrases (et donc des informations) que j’avais ôtées du document original. Preuve que l’élève n’a pas travaillé sur les documents que je lui avais fournis.

Enfin, il y a le copier-coller. Observé sur les exercices de vocabulaire en illimité et en correction automatique avec révélation des bonnes réponses à chaque essai. Ces exercices ont pour but d’aider les élèves à s’entrainer pour apprendre. Certain(e)s élèves font une première fois l’exercice sans compléter aucune des rubriques. Toutes leurs réponses s’affichent donc en rouge. Mais après ce premier essai, ils ont récupéré les bonnes réponses, les ont copiées et les collent ensuite. Cela se voit lors du deuxième essai : tout est vert et parfaitement complété. Le travail est fait. Le vocabulaire est-il appris et su ? Je ne sais pas.

Toutefois, ces observations m’amènent à dresser le bilan suivant : certaines activités d’apprentissage doivent être faites en cours.

Certes l’enseignement à distance avec le numérique est porteur d’opportunités. Apprendre avec des vidéos sous-titrées est une chance. Pouvoir s’entrainer avec des exerciseurs en est une autre.

Par contre, la formation à distance en langue (FOAD) a des limites. Les traducteurs nous obligent à repenser notre pédagogie. Donner des exercices de traduction à distance est devenu risqué, en tout cas ne permet pas d’affirmer si la compétence est réellement acquise. La vérification de l’apprentissage du vocabulaire à distance ne garantit pas la réelle connaissance du sens des mots. Bref, pour pouvoir réellement certifier les connaissances et compétences des élèves, le présentiel en cours a encore de beaux jours devant lui.