C’est ici que vous trouverez les bilans d’expériences réalisées par d’autres ou par moi-même.

Les compétences fondamentales de l’apprentissage à distance.

Pour moi, deux compétences sont fondamentales pour réussir son apprentissage à distance : l’auto-discipline et l’organisation.

C’est le bilan que je tire de mes années d’expérience. Après avoir passé le CAPES d’allemand en suivant les cours à l’Université (Paris X Nanterre), j’ai repris mes études en 1992 pour préparer l’Agrégation d’allemand. Mais en 1992, je travaillais déjà : j’ai pris un petit temps partiel passant de 18 à 15 heures hebdomadaires. Une fois par semaine, je suivais les cours magistraux dispensés à l’Université de Paris IV. En même temps, j’étais inscrite au CNED où je rendais régulièrement mes entrainements. En 2004, j’ai repris des études d’histoire à l’UCBN auprès de ce qui s’appelait à l’époque le CTEU : Centre de Téléenseignement Universitaire. Nous recevions des cours par courrier et avions une séance par trimestre en présentiel pour chacun des modules. J’ai ensuite préparé une Agrégation d’histoire uniquement avec le CNED. A partir de 2012, mon intérêt pour le numérique s’est développé et j’ai suivi des Moocs : le premier d’entre eux Itypa. Je vous invite à lire ce que j’ai pensé de ces nouvelles manières d’apprendre sur le moment.

J’ai donc une longue expérience de l’enseignement à distance. Certes elle est portée par une motivation personnelle et une grosse curiosité intellectuelle. Mais à chaque fois, ce qui a fait la différence, c’est l’auto-discipline et l’organisation.

L’auto-discipline, c’est tout simplement se lever le matin et s’y mettre. Ou se fixer des créneaux dans la semaine consacrés exclusivement à l’apprentissage. Sans se laisser interrompre ou pire encore distraire. Car seule la régularité et la persévérance payent. Une fois trouvés le rythme et l’espace, l’apprentissage se déroule facilement. C’est comme si on se fixait un rendez-vous régulier avec quelque chose, éventuellement avec soi-même quand l’apprentissage à distance est choisi. Et à un moment, ceci devient une habitude.

L’organisation, c’est fixer des limites à ce temps qu’on met à part. Une fois ce temps écoulé, on ferme la porte et on prend en compte toutes les autres facettes de sa vie, qui sont aussi importantes et vitales. L’organisation, c’est l’art de trouver son équilibre intérieur entre la tâche qu’on se donne, le quotidien et sa vie personnelle.

Quand le confinement lié à la covid 19 a été mis en place et nous a forcés à pratiquer l’enseignement à distance, ce sont ces deux compétences là, à savoir, l’auto-discipline et l’organisation que j’ai visées. Avec deux objectifs phares : premièrement mettre en œuvre tous les moyens à ma disposition pour que les élèves s’y mettent, ce qui a impliqué non seulement la mise en ligne de contenus mais aussi d’activités diverses à rendre. Deuxièmement les accompagner dans leur organisation, en publiant les contenus avec régularité, en vérifiant leur travail et en les rappelant à l’ordre en cas d’oubli. Jusqu’aux vacances de printemps, ce suivi a fonctionné. Il devient plus difficile à mesure que les jours fériés s’enchainent, que les bulletins sont faits et que les conseils de classe ont lieu. Mais je suis fière de ce que certain(e)s ont appris durant cette période. Car s’il est important de s’intéresser aux décrocheurs, ceux qui se sont challengés méritent aussi notre attention.

Enseigner par temps de confinement : pourquoi j’ai aimé.

Oui, j’ai aimé enseigner par temps de confinement pour trois raisons :

  1. D’abord parce que je considère cette expérience comme un recentrage sur le coeur de mon métier à savoir l’enseignement et l’apprentissage.

  2. Ensuite parce que ce temps m’a permis d’explorer d’autres manières de faire apprendre.

  3. Enfin parce que cette distance physique a permis des échanges individuels plus suivis avec les élèves.

Pour ce qui est du recentrage sur l’enseigner et l’apprendre, il s’est imposé dès l’annonce du confinement. Les questions essentielles à ce moment-là étaient : qu’est-ce que je vais proposer aux élèves, quel enseignement vais-je délivrer pour qu’ils conservent des habitudes d’apprentissage ? Comment vais-je m’y prendre ? Avec quels supports ? Diffusés comment ? Concrètement, c’était une libération par rapport aux tâches administratives et matérielles habituelles. Pas de photocopies à faire sur une photocopieuse en panne, par exemple. Ou pas d’information sur la prochaine portes ouvertes à faire passer aux élèves. Pas de choix cornélien non plus entre le fait d’assister à l’un de mes 17 conseils de classe ou faire cours. Juste enseigner et faire apprendre.

Ce temps à l’écart m’a aussi permis d’expérimenter des stratégies pédagogiques différentes. J’ai fait mes premières capsules vidéo. Parce que j’avais envie que la bonne prononciation accompagne les éléments de correction ou de synthèse de travaux soumis. J’ai aussi essayé ce que j’appelle aujourd’hui des mix : soumettre aux élèves des vidéos en allemand (lexicales, grammaticales, thématiques) à partir desquels ils doivent présenter un travail personnel. Par exemple, les secondes devaient présenter leur logement à partir de deux vidéos allemandes, l’une décrivant les différents types de logement et les différentes pièces, l’autre décrivant différentes chambres. L’objectif, les préparer à me raconter comment ils ont vécu le home-schooling.

Enfin, j’ai beaucoup apprécié une nouvelle forme d’échanges avec certain(e)s élèves, plus continu en fait, grâce au chat, aux mails et aux discussions sur le cahier de textes en ligne. Car quand un élève vous envoie un message et que vous y répondez, l’échange s’instaure en continu. Et même si vous reprenez cette discussion plus tard dans le temps, l’historique en a été gardé. Ce qui n’est pas le cas en présentiel. En classe, la communication est d’abord collective et peu se hasarderont à évoquer des choses personnelles devant le groupe classe : qui, devant ses camarades, osera dire qu’il n’a pas de traitement de textes à disposition ? De plus, les instants de dialogue en fin d’heure sont toujours tronqués, rapides, un peu volés. Car autant l’élève que le professeur doit se rendre vers le cours suivant, ou libérer la salle, ce qui implique, échanger dans le couloir.

Certes, la réflexion collective, le côté ruche de la salle de classe me manque. En même temps, quand je tends un miroir attentif à la situation d’enseignement par temps de confinement, j’y trouve des éléments de satisfaction. D’autres perspectives sur la pédagogie.

Confinement : un dispositif pédagogique 100 % FOAD.

Depuis le 16 mars 2020 que les écoles ont fermé et que les enseignants font cours à distance à l’aide du numérique, j’ai décidé de mettre en place un dispositif correspondant aux critères de la formation à distance (FOAD).

Concrètement cela signifie :

  1. Mise à disposition de contenus disciplinaires didactisés : des cours.

  2. Remise de travaux de la part des élèves : des mises en activité des élèves.

  3. Un accompagnement : permanence ENT du lundi au vendredi de 13 à 14 heures.

  4. Un suivi sur les travaux rendus : des bilans généraux s’adressant à tous, des corrections individuelles, et des exercices en correction automatique.

Pourquoi ces choix ?

  1. Parce qu’ils permettent d’utiliser les outils fournis par l’employeur, de tester leur potentiel mais aussi leurs limites. J’utilise donc l’ENT (environnement numérique de travail) et le gestionnaire de vie scolaire (nom commercial : Pronote / cahier de textes en ligne).

  2. Parce que c’était dans le droit fil des habitudes de travail de mes élèves. Tous mes cours sont sur l’ENT depuis plusieurs années. Je les publie au fur et à mesure de leur déroulement en classe. Il y a aussi des documents qui restent là toute l’année, voire sur les trois années de lycée. Par exemple, certaines fiches de grammaire, de vocabulaire, certains exercices en auto-évaluation. Partir de la base de travail habituelle permet de mieux gérer les adaptations nécessaires à une nouvelle manière d’apprendre. C’est une forme de continuité pédagogique formelle.

Pour quels objectifs ?

  1. Le premier objectif est de maintenir le contact avec les élèves.

  2. Le deuxième objectif est de maintenir des habitudes de travail intellectuel. Penser à l’après. Comment imagine-t-on le retour à la « normale » en septembre avec un certain nombre d’élèves qui n’aura pas fait d’effort d’apprentissage construit depuis le 16 mars ? On perd vite : autant l’habitude de travailler que les connaissances qui ne sont pas réactivées.

  3. Le troisième est d’accompagner et de suivre les élèves. Ceci est toujours plus facile avec des outils déjà utilisés auparavant. Parce que installer un nouveau logiciel, ouvrir un compte sur un / des nouveaux service(s) peut singulièrement compliquer la question de l’organisation du travail à distance de l’élève.

  4. Le quatrième objectif, c’est d’évaluer le potentiel et les limites de l’ENT et du cahier de textes en ligne. A mes yeux, les avantages de l’ENT sont considérables. Les élèves retrouvent leurs cours au fur et à mesure des semaines. Par exemple, les élèves en garde alternée qui se retrouvent une semaine sur deux sans connexion, ont accès aux contenus et aux travaux à faire indépendamment du moment où ceux-ci ont été postés contrairement au cahier de textes en ligne qui défile dans le temps. De mon côté, tous les travaux se retrouvent là ce qui me permet de centraliser mes contacts avec les élèves. Je plains mes collègues qui ont choisi de suivre leurs élèves par mail.

  5. Le cinquième objectif (qui me paraît le plus important) est l’observation.

    1. Observer les manières de travailler des élèves. Comment certains décrochent petit à petit (à cause de la masse de travail) et voir comment on peut les épauler. Comment d’autres construisent une forme d’auto-discipline qui augmente leur confiance en eux. Comment un grand nombre se sert d’autres outils numériques pour se faciliter la tâche : je pense ici au rôle des traducteurs ou des sous-titres des vidéos. Travailler alors la compréhension (écrite ou orale) devient un vrai challenge

    2. Observer la fréquentation et les habitudes de travail générées. Concrètement, au cours de ces quatre dernières semaines, j’ai gardé le contact avec les élèves qui avaient au minimum donné des nouvelles la première semaine. Petit à petit, ils se sont mis au travail, peut-être en « trichant », mais ce n’est pas grave. Ils étaient là et ont appris à mieux utiliser l’internet.

    3. Expérimenter l’accompagnement et le suivi des élèves sur des dispositifs simples et connus. Certains ont eu du mal. À cause d’un manque de littéracie numérique (certains savent juste envoyer des mails mais pas publier sur internet). À cause de problèmes logistiques (rendre des productions écrites quand on dispose uniquement du traitement de textes du téléphone portable n’est pas simple!). À cause de situations familiales complexes (être l’ainé d’une famille dont les deux parents sont réquisitionnés pour le coronavirus et ainsi faire la classe aux plus jeunes n’est pas évident!). Essentiellement à cause de difficultés d’organisation (certains ont voulu suivre l’emploi du temps habituel mais ne s’en sortaient pas. À peine rentrés dans une activité, ils en sortaient et laissaient leur premier travail en jachère).

Bref, j’ai cherché la simplicité numérique. Essentiellement parce que le travail à distance exige des compétences « douces » bien solides. À savoir : l’auto-discipline, le sens de l’organisation et la persévérance : une autre manière d’aborder la question de l’autonomie.

De l’autorégulation en compréhension orale : ma fiche de lecture.

Il s’agit ici de ma fiche de lecture sur un article que vous pourrez lire sous le lien http://alsic.revues.org/413. Il s’intitule : « Des baladeurs MP3 en classe d’allemand – L’effet de l’autorégulation matérielle de l’écoute sur la compréhension auditive en langue seconde ». Il a été écrit par Stéphanie Roussel, Angelika Rieussec, Jean-Luc Nespoulous et André Tricot. Il a été publié en 2008.

Objet de la recherche :

Il s’agit de comprendre les stratégies mises en place par les élèves lors des exercices de compréhension orale et lesquelles sont les plus à même de les conduire à la réussite. Avec trois questions :

  • Le niveau initial des élèves est-il déterminant ?

  • Entre l’écoute auto-régulée et l’écoute imposée, laquelle s’avère la plus efficace ?

  • Certaines stratégies sont-elles meilleures que d’autres ?

Un protocole de recherche rigoureux :

Les chercheurs ont renoncé à la méthode qualitative fondée sur des témoignages. Ils ont privilégié les outils numériques qui leur ont permis de filmer l’écran au moment où les élèves étaient plongés dans l’activité d’écoute auto-régulée. Ils ont choisi d’observer l’activité en train de se dérouler et non pas l’activité reconstruite dans le déclaratif. Afin de mieux évaluer l’auto-régulation, ils ont aussi placé les élèves en écoute imposée.

Résultats :

  • C’est l’écoute auto-régulée qui donne le meilleur score.

  • Le niveau initial, en particulier lexical, est déterminant pour la réussite.

  • Une stratégie donne systématiquement des mauvais résultats : celle qui consiste à se limiter à une écoute purement analytique. Le discours y est fortement segmenté par les pauses faites par les élèves. Par ailleurs, ceux-ci réécoutent en boucle ce qu’ils ont compris.

  • La stratégie qui donne les meilleurs résultats est celle qui mêle écoute globale ininterrompue suivie (ou précédée aussi) d’une écoute analytique. Dans ce cas, les élèves font des pauses ciblées sur des éléments de repérage dans le document et quand ils reviennent sur un passage, c’est pour en décrypter les difficultés.

Mes conclusions :

  • D’abord, pour le bac, j’ai arrêté d’entrainer mes élèves en utilisant l’écoute auto-régulée bien qu’elle soit plus performante. Pour la simple et bonne raison que le jour de l’examen, l’écoute est obligatoirement imposée. D’où l’idée de ne pas leur faciliter la tâche lors des entrainements.

  • Ensuite, lors des révisions que je demande à mes élèves de faire entre chaque entrainement, je mets l’accent sur l’acquisition du lexique dans la mesure où il est déterminant pour la réussite.

  • Enfin, lors de la correction de la compréhension orale, je pratique une double approche : globale et de détail en essayant d’amener mes élèves à faire des allers-retours entre l’un et l’autre. Par exemple, l’étude du titre nous permet de travailler les représentations globales tandis que faire des montages isolant des éléments courts du document permet de cibler certains éléments. Par ailleurs, la carte mentale peut s’avérer être une aide précieuse.

Utiliser les outils numériques en classe : mes principes pédagogiques de base.

La société (parents, enseignants, élèves et représentants de l’Education Nationale) pense que ses « digital natives » savent se servir des outils technologiques parce qu’ils sont nés avec. Observer l’attitude des élèves en classe prouve qu’il n’en est rien. Les jeunes ont besoin d’une initiation systématique à tous les sites et les logiciels utilisés en classe. J’ai donc systématisé les principes suivants.

Le questionnaire de début d’année :

En début d’année, je distribue un questionnaire à mes classes. Je veux savoir si mes élèves sont connectés et comment ils le sont. Ils me décrivent le matériel dont ils disposent, les logiciels qu’ils utilisent, les sites sur lesquels ils se rendent. S’ils n’ont pas internet, ce qui est rarissime, je m’organise aussitôt avec ma collègue documentaliste pour leur faire réserver un ordinateur sur une de leurs heures de permanence.

Des pratiques systématiquement cadrées :

Lorsque je commence à les emmener sur internet, je délimite très précisément les pages web à visiter. Car ils doivent apprendre à surfer dans la langue cible, en l’ocurence l’allemand. Il me paraît important qu’ils repèrent précisément ce qu’ils peuvent faire sur la page. J’utilise beaucoup les sites de la Deutsche Welle, la chaine publique de radio allemande destinée à l’étranger. Celle-ci permet aux internautes de télécharger en toute légalité des documents textes, audio ou vidéo. Mes élèves doivent donc apprendre à faire ces manipulations sur leur session dans un dossier destiné à l’usage exclusif de l’allemand.

Un accompagnement systématique lors de la phase de découverte :

Chaque nouvelle page, chaque nouvel outil fait d’abord l’objet d’une heure de cours en présentiel avec un tutoriel dédié. Puis, en devoir à la maison, ils doivent refaire à l’identique le même type de travail que celui réalisé en cours. Lors de la séance suivante, ils présentent leur travail et exposent les difficultés auxquelles ils se sont trouvés confrontés. Cette séance ne donne jamais lieu à évaluation.

Une directivité pleinement assumée :

Cette procédure paraît directive. Mais elle permet un certain nombre de choses.

  1. D’abord, elle génère de l’entraide entre élèves lors de la séance en plénière.

  2. Ensuite, elle génère des échanges entre élèves, entre professeur et élèves , lors de la séance « devoirs » où tout le monde peut parler de ce qui ne marche pas. J’adore le moment où le premier élève se lance pour dire « moi, je ne suis pas arrivé à faire cela ». Parce que c’est comme si un vent frais soufflait tout à coup dans l’espace classe. La parole se libère. On ose dire ce qui ne va pas et on remercie l’autre parce qu’il s’est lancé et a tellement bien exprimé ce qu’on n’arrivait pas à dire.

  3. Puis, elle permet d’identifier les difficultés réelles des élèves ainsi que les élèves réellement en difficulté sur le plan numérique et qui autrement n’auraient pas osé demander d’aide.

  4. Enfin, elle permet d’identifier les problèmes réels de connexion ou de virus, car il y en a. Les élèves sont alors particulièrement ravis de découvrir les plans B possibles ou bien l’existence du club informatique du lycée où ils pourront trouver des copains pour les épauler.

  5. C’est grâce à ce genre de séances qu’aujourd’hui je sais à quel point les virus pourrissent la vie numérique de nos jeunes et à quel point les vrais élèves geek sont rares. Arrêtons donc de surestimer les compétences de nos élèves.

Trace écrite et numérique.

Grâce à ma stagiaire qui rencontre des difficultés à gérer le tableau et la trace écrite, je me suis rendu compte à quel point le numérique avait, de mon plein gré mais à mon insu, modifié mes pratiques dans ce domaine.

Car depuis maintenant un an, toutes mes séances en plénière dont l’objectif est de mettre en commun les travaux des uns et des autres se déroulent accompagnées de l’ordinateur. En effet, je nomme un secrétaire de séance chargé de prendre en note le vocabulaire nouveau et les éléments pertinents du contenu. Il peut être amené à utiliser soit le traitement de texte, soit la carte mentale et le tout est vidéo-projeté. Ce qui veut dire que la trace écrite du cours, chez moi, est instrumentée. Sans ma stagiaire, je n’en aurais pas pris conscience. Il va sans dire que ce processus ne s’est accompagné d’aucune évaluation.

Cependant je vois de nombreux avantages à cette pratique.

  1. D’abord, je suis plus détendue. En déléguant la prise de notes aux élèves, je peux me consacrer davantage à l’animation du cours, à la régulation de la prise de parole et au contenu. Cela diminue le stress du dos tourné systématiquement lié à des chuchotements dont on ignore l’origine.

  2. Ensuite, cela me permet de garder une trace de ce qui s’est dit en classe, de cette part d’imprévu qu’on a oublié en fin de journée.

  3. Enfin, il suffit d’un copier-coller pour publier une trace écrite fiable sur le blog, bien utile aux dys, aux absents et aux sérieux qui veulent vérifier s’ils ont bien tout noté.

Que du confort pour moi. Et les élèves dans tout ça ? En fait, je ne sais pas bien car je n’ai pas évalué cette façon de travailler ni chercher des critères pertinents pour le faire. Mais je constate un certain nombre de choses.

  1. D’abord, le secrétariat de séance est un puissant révélateur des compétences des élèves en matière de traitement de texte. Elles sont indigentes. Par exemple, rares sont ceux qui savent mettre un tréma sur une voyelle. Quant aux touches de navigation, mises à part la suppression avant et arrière, elles sont tout bonnement ignorées. Ce qui est en contradiction avec les pratiques qu’ils peuvent avoir sur les jeux en ligne pour faire avancer leurs personnages. Autre point : ils ne regardent pas l’écran quand ils écrivent et ne voient pas que certains mots, en général les plus complexes, apparaissent en surbrillance et qu’il suffit d’appuyer sur la touche « entrée » pour ne pas avoir à la saisir. Si bien que si j’étais prof de technologie en collège, je leur ferais recopier un texte en mode plein écran sans souris sous l’intitulé « maîtriser le clavier ».

  2. Par ailleurs le secrétariat de séance permet de se faire une idée de la capacité des élèves à prendre des notes. Certains écrivent tout tout de suite de peur de perdre le fil. D’autres attendent que je leur donne le feu vert en faisant répéter X fois la même phrase à leur camarade. Certains, rares, trouvent le tempo exact entre ce qui est dit, ce qui est corrigé et ce qui reste à garder pour l’écrit.

  3. Le troisième point est le climat d’échange que cela génère autour de l’exactitude de la mise par écrit. Les erreurs sont corrigées collectivement, découvertes aussi et réexpliquées dans une atmosphère d’entraide. On observe aussi que le secrétaire devient plus attentif aux erreurs qui s’avèrent redondantes chez lui même si cela ne se fait pas sans un peu d’agacement parfois.

Et l’évaluation dans tout ça ? Pour l’instant, je n’ai pas du tout envie de m’y atteler. Il me paraît trop lourd d’évaluer le secrétariat de séance lors de chaque séance, surtout dans les groupes à 29 élèves que je vois deux fois par semaine, donc au maximum 60 heures par an. Ensuite, j’aime cet espace de libre erreur où l’on apprend ensemble des trucs dont on sent bien qu’ils nous resserviront un jour. Libérer une tâche de la pression évaluative me permet alors d’ouvrir tout grand la barrière du champ de l’erreur, ce qui est une façon comme une autre de réhabiliter celle-ci dans les apprentissages. Et je le vis comme une grande bouffée d’air frais.

Merci Twitter.

Ça y est : les dys arrivent dans les lycées d’enseignement général de centre-ville. Une réunion « PAI » s’est tenue, où nous avons glané quelques informations. Toute heureuse que mon blog de cours soit une aide pour notre dyslexique puisqu’il peut y retrouver la trace écrite des cours sans erreur, j’envoie un tweet de joie.

Et c’est là que je vis mon premier « miracle du réseau ». Des participants du #twittMOOC, enseignants eux-aussi, me donnent des noms de comptes à suivre sur le réseau. Les contacts sont fructueux et me font parvenir des informations ciblées. Pédagogiques d’abord : avec le logiciel « opendyslexic », une police open source qui facilite la lecture, avec le blog de C. Guerrieri qui permet de se faire rapidement et efficacement une idée des implications pédagogiques de la dyslexie. Institutionnelles ensuite avec des liens autant vers des partenaires précis que vers des textes officiels. Bilan : en deux heures, j’en sais autant que mon infirmière scolaire qui tente de débroussailler le terrain depuis l’an dernier mais uniquement par la voie administrative. Conclusion : il y a des jours où critiquer les réseaux sociaux peut ne pas paraître pertinent.

La question des fournitures en prépa.

La question des fournitures en CPGE n’est ni futile, ni anodine, ni puérile. Au contraire, elle mérite notre attention. Surtout quand il s’agit de choisir entre le traditionnel classeur à intercalaires et l’ordinateur.

Dans notre structure, l’usage de l’ordinateur ne fait pas l’unanimité dans l’équipe enseignante. Donc, selon les cours,  les étudiants peuvent ou non apporter leur outil.

De mon côté, j’ai décidé de les laisser choisir. Ils arrivent en effet à un âge où ils doivent savoir comment ils travaillent au mieux. Cette année, leur choix est le suivant. Au 2/3, les 2° années ont opté pour l’outil informatique. Quant aux 1° années, ils sont unanimes pour le trio classeur, papier, crayon.

Analysons. Le premier point concerne les étudiants. Il semble que nos « nés dans le numérique » ne soient pas si numériques que cela. En tout cas, s’ils le sont dans leur pratique musicale, ils ne le sont guère dans leurs apprentissages. Il vaudrait donc mieux, dans ce domaine, les qualifier de mutants avec tout ce que cela comporte de résistances et d’interrogations.

Le second point me concerne moi en tant qu’enseignante, mutante aussi. A quelles répercussions m’attendre ? Matériellement ce choix laissé aux étudiants représente un surcroit de travail. D’abord, je dois prévoir des documents sous des formats différents. Car les étudiants qui utilisent l’ordinateur rencontrent des difficultés à compléter des documents papier. Ils sont alors obligés de les scanner ou de les retaper. Quant aux « papivores », il me faut prévoir des lecteurs MP3 pour les formats audio. Ensuite, je dois aussi nommer et organiser clairement les fichiers que nous partageons afin que contenus et progression restent lisibles. Mais je constate également que les étudiants, s’ils veulent apporter leur contribution, doivent eux-aussi se soumettre à cette exigence de lisibilité et d’organisation à cause de l’usage collectif impliqué par la « dropbox ». Car on passe d’une logique de diffusion de contenus par l’enseignant à une logique de partage entre tous.

Comme quoi, la question des fournitures et donc des outils de travail est loin d’être anodine.

Mes résolutions pour cette nouvelle année scolaire.

Déconnecter, tel a été le maître mot des dernières vacances. M’asseoir sur la berge, me retirer du flux. Dégager des priorités.

J’ai donc émondé mon web afin d’en consolider le fût. Elaguer, c’est-à-dire : supprimer les doublons, réorganiser le pearltrees, en éliminer les pages non actualisées, sélectionner les articles. Discipliner aussi le nombre de comptes ouverts pour des services que je n’utilise pas. Délimiter le temps de l’internet, aussi.

Mais le plus ardu est de cibler des priorités.

La première, ce sont les élèves et les étudiants, la formation dont ils ont besoin pour entrer dans leur vie de demain autant professionnelle que personnelle.

La deuxième, c’est l’enseignement que je leur organise pour atteindre ce but.

La troisième, c’est la manière dont moi-même je me construis face au monde de demain qui, ne l’oublions pas, sera leur présent à eux.

J’ai donc fait des choix. Le premier, c’est de garder le blog de cours, de le nourrir et surtout de le faire évoluer, en fonction de l’expérience élève. Tout comme les entreprises intègrent dans leur démarche l’expérience client. Je veux construire, non pas un blog de prof pour les profs, mais un réel outil de travail pour les élèves. Cela impliquera nécessairement un approfondissement du dialogue avec eux, voire avec leurs familles.

Mon deuxième choix émane d’une demande des étudiants de prépa : se constituer une « dropbox », commune aux étudiants des deux années et à l’enseignante. Il s’agit pour eux d’abord de retrouver leurs cours facilement, ensuite de profiter des cours de l’autre niveau et enfin de pouvoir partager les informations qu’ils trouvent et qu’ils ont parfois du mal à évaluer. Ceci impliquera sans doute un rapport plus égalitaire avec les étudiants.

Mon troisième choix concerne ma formation personnelle. Moins surfer sur la vague de l’événementiel éducatif. Plonger davantage dans la recherche fondamentale, ses méthodes et ses canaux qu’elle soit française, canadienne, suisse, allemande ou anglophone. Parce que je suis convaincue que c’est ce qui me fait progresser le plus, que je veux le vérifier et le prouver.

Bref, deux axes se dessinent : une pratique plus horizontale avec une relation aux apprenants qui ne manquera pas d’évoluer et un choix affirmé pour les travaux de sciences de l’éducation.