Y’a pas que les sapins qui ont les boules! Rencontre avec Linda Roux

Dans le cadre de l’enseignement optionnel d’Histoire des Arts, les élèves ont rencontré Linda Roux au CDI du lycée. Gabrielle G, élève de 1ère, nous livre son ressenti. Merci à elle.

Linda Roux

« Ce mercredi 19 janvier 2022, le groupe d’option d’Histoire des Arts s’est réuni avec le groupe d’option Arts Plastiques au CDI afin d’assister à l’intervention d’une artiste locale et engagée : Linda Roux.

Au cours de cette séance, cette artiste nous a présenté son métier, son parcours et, plus fondamentalement, son projet artistique, le tout agrémenté de quelques anecdotes, rendant le propos très personnel. Le puissant engagement politique de Linda Roux a fortement teinté son propos et a permis d’appréhender différemment son travail plastique.

Son exposition, WasteLand, présentée cet hiver au lycée, réunit une série d’œuvres peintes narrant la vie de personnages divers dans une ville fictive, sinistrée et peu attrayante ; une ville, à bien des égards, analogue à Saint Etienne ! Le projet artistique vise à mettre en avant (et à dénoncer !) l’apathie collective que provoque la société capitaliste libérale. L’engagement politique de Linda Roux affleure donc d’emblée, dès la mise en forme du projet qui se réfère par ailleurs explicitement à l’atmosphère macabre de The Walking Dead pour illustrer cette zombification fruit de l’exploitation capitaliste.

Linda Roux, Dimanche, 16:45, acrylique sur toile, 150 x 120 cm, 2015

Cette exposition met en scène les vies mornes, et parfois illusoires, de personnages inspirés d’amis de l’artiste ; des anti-héros fondamentalement attachés à leur classe sociale. « Classe sociale » ! L’expression est lâchée ! Cette notion de sociologie (un peu datée, il faut bien l’avouer !) a en effet souvent été convoquée au cours de l’échange que nous avons eu avec Linda Roux, l’artiste la désignant comme un “déterminant tenace” qui nous enracine et nous permet de (contraint à ?) nous rappeler nos origines.

Ainsi, de toile en toile, les personnages partagent avec nous, qui les vicissitudes de sa condition prolétaire, qui son quotidien étriqué de petit bourgeois appartenant à la classe moyenne désillusionnée en voie de paupérisation. Chaque « portrait » est titré en anglais et ne manque pas de faire un clin d’œil à la pop culture et aux séries dont ces classes populaires sont souvent friandes.

Nous avons, par exemple, Pierre (personnage de l’une des toiles) qui a préféré fuir la vie urbaine en raison de sa misanthropie et qui a décidé de s’installer dans une simili-campagne semblable à celle que l’on peut trouver à Saint Martin La plaine, la bourgade où Linda Roux a grandi ; le « monde des haies » dit-elle en référence aux lotissements qui marquent l’urbanisme un peu anarchique des couronnes périurbaines des grandes agglomérations françaises.

Linda Roux, Le train à destination de Tokyo va entrer en gare (de Ozu à Takahata),
acrylique sur toile, 170 x 140 cm, 2018

Puis, figure Stéphane, un homme qui s’est « surclassé » en s’arrachant à sa classe sociale d’origine : ce fils de paysan a en effet réussi à devenir professeur d’Arts plastiques. Las, il subit depuis lors une routine morose dont il tente de s’extirper en fumant de temps à autre des cigarettes « spéciales » ( !)… Nous retrouvons ici la charge véhémente de Linda Roux à l’endroit du « métro, boulot, dodo » qui structure la vie de nombreux Français des classes moyennes et populaires.

Enfin, voici Valérie, une femme dont la situation financière s’avère instable et qui jongle avec des petits boulots. La faiblesse des revenus et la précarité de sa situation ne l’empêchent pas, bien au contraire, de garder un peu de temps pour se divertir ; son passe-temps favori est la lecture de mangas qui lui permet de s’évader en voyageant dans des campagnes japonaises fictives. D’ailleurs, cette émancipation par le divertissement ne serait-elle pas fictive, comme les rizières des mangas ? Après tout, l’étymologie du mot « divertissement » (et la philosophie de Blaise Pascal !) devrait nous mettre en garde… « Panem et circenses » (« Du pain et des jeux ») disaient les Romains dans la même veine… avec Paul Veyne !

L’œuvre de Linda Roux prend ainsi les apparences d’une chronique du monde contemporain tel qu’il va… ou ne va pas ! L’approche politique tend à faire de son travail artistique une étude sociologique et psychologique ; une étude subjective, incarnée par des personnages ordinaires dont le quotidien désespérant émeut. Les protagonistes de l’œuvre, ces « anti-héros du quotidien », sont des vaincus qui tentent en vain de s’émanciper. « La mélancolie des vaincus », tel aurait bien pu être le titre de cette exposition si Eric Manigaud ne l’avait pas déjà si brillamment illustré au MAMC+ au printemps dernier (avec une toute autre approche par ailleurs !).

Un autre des maîtres mots de cette exposition est donc « subjectivité » ! Vous l’aurez compris, l’artiste témoigne du pluralisme des points de vues sur la vie. Car en effet notre rapport à la vie est multiple : on peut la subir, l’accepter, l’accueillir ; elle peut être un supplice quotidien, elle peut s’avérer in fine confortable… ou bien seulement acceptable et être le fruit de la résignation…

La vie et la manière dont on l’aborde dans sa subjectivité, c’est aussi la perspective de la mort… Mort physique, mort sociale, mort culturelle… La mort, Linda Roux l’a mise à l’honneur lors de sa présentation. Elle a montré en quoi la dualité vie/mort structurait son travail. Dans la série d’œuvres de Wasteland, on retrouve souvent ces deux élans qui s’opposent tout en étant intimement mêlés. L’artiste a partagé avec nous sa vision de la mort ; elle s’apparente à une porte de sortie, une échappatoire, lorsqu’on ne veut plus subir cette vie. Mais cette alternative est irrémédiable et son caractère définitif nous raccroche donc à la vie en nous incitant à tenir une sorte de comptabilité. Tant que le passif ne l’emporte pas sur l’actif… Comme Linda Roux nous l’a dit “la Vie est renforcée par la Mort”.

L’échange s’est terminé dans une atmosphère plus légère ; Linda Roux est revenue sur son parcours et son métier d’artiste. Le bilan en demi-teinte qu’elle en dresse l’a poussé à nous encourager à explorer, à découvrir, à être curieux de tout. Car de l’épanouissement dans les arts et la culture naît l’émancipation !

Pour d’informations sur l’artiste, consultez son blog.

Autodidaxie… énigme résolue ?!

Le 2 décembre dernier, les élèves inscrits en terminale HIDA spé se sont rendus chez nos amis du MAMC+ de Saint-Etienne pour visiter l’exposition « L’énigme autodidacte ». Evaëlle DSG nous livre ses impressions. Merci à elle!

« Nous sommes allés, dans le cadre de la spécialité Histoire des arts, visiter l’exposition « L’énigme autodidacte » au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint Etienne ; le commissariat de cette exposition qui se tient jusqu’au 3 avril 2022 a été assuré par Charlotte Laubard. Cette enseignante en école d’art a mené une enquête minutieuse pour résoudre l’une des grandes énigmes de l’Histoire de l’Art : l’autodidaxie ou comment produire des oeuvres d’art sans avoir été initié, formé (formaté?), policé? Cette exposition met donc en lumière des artistes (dont beaucoup de femmes) pratiquant ce qui relève peu ou prou de l’« Art Brut ». Nous pouvons ici rappeler ce que ce concept doit au grand Jean Dubuffet qui considérait que cette pratique artistique se caractérisait par l’indifférence de l’artiste à l’opinion d’autrui et par des références marginales mettant en avant la « mythologie » personnelle de l’artiste « brut ». Certains parlent «d’art des fous » pour évoquer cette pratique parfois proche, en effet de « l’art thérapie ».

Emma Kunz, Sans titre n°015, crayon, 93 x 93 cm, présenté au MAMC+ de Saint Etienne

L’exposition s’étale sur 1000m² et accueille plus de 200 œuvres. Parmi elles, nous retrouvons celles d’artistes des quatre coins du monde, telles qu’Irma Blank, Emma Kunz, Judith Scott, Ceija Stojka, Carole Rama ou encore Wendy Vanity. Autant d’univers artistiques et personnels différents et fascinants!

J’ai tout d’abord été séduite par la variété des types d’arts présentés car en effet, nous retrouvons aussi bien des photographies, que des sculptures, tableaux, écrans de télévisions, objets en tous genres en pâte à modeler… puis impressionnée par la diversité que l’art Brut peut créer à travers les différents artistes. Il laisse libre court à l’imagination et à la sensibilité de chacun ; une liberté qui concerne aussi bien l’artiste que le regardeur/spectateur. Par exemple, nous retrouvons l’artiste Emma Kunz, magnétiseuse et télépathe de profession qui réalisait ses tableaux grâce à un pendule puis reliait ensemble, les points qu’elle obtenait à l’aide d’un crayon de couleur ou d’un crayon gras. Pour elle, ses œuvres étaient des « matérialisations des forces magnétiques ». J’ai trouvé cette manière de traiter l’art très originale et mystérieuse. Que nous soyons adeptes ou non, il faut bien reconnaître que le résultat obtenu est « bufflant »…et curieusement symétrique.

En parcourant les salles de l’exposition ma curiosité, tout comme celle de la plupart de mes camarades, a été piquée par une œuvre en particulier : une salle composée uniquement de murs blancs éclairés par une agressive lumière très claire, presque aveuglante. Cette oeuvre de Tania Mouraud est une oeuvre immersive qui nécessite d’y pénétrer pour l’appréhender et l’apprécier. Nous avons donc eu la possibilité d’entrer seuls dans cette étroite pièce et de la laisser nous procurer des émotions et des sensations. Certains d’entre nous ont ressenti un certain onirisme et y trouver une ambiance invitant à la relaxation et redonnant de l’énergie… quand d’autres y ont plutôt  vu une salle de torture !

Vue des salles du MAMC+ « L’énigme autodidacte »

J’ai trouvé cette œuvre de Tania Mouraud intéressante car elle offre l’opportunité aux visiteurs d’expérimenter de nouvelles sensations et de laisser libre cours à leur imagination et à leur sensibilité. En effet, certains dansaient, fermaient les yeux, marchaient, se couchaient… profitaient tout simplement de ce moment dépourvu de tout regard pour faire ce qu’ils avaient envie. Je vous conseille fortement de visiter cette exposition car il y en a pour tous les goûts (pour peu que l’on accepte de se laisser surprendre par ces oeuvres toutes plus originales et novatrices les unes que les autres!) et elle met en valeur des génies formés à « l’école de la vie »! »

Où sont les femmes?! Au MAC Lyon!

Le 1er décembre dernier, les élèves inscrits en enseignement optionnel HIDA (ainsi que quelques aficionados de terminale spé!!), découvraient les expositions présentées au Musée d’Art Contemporain de Lyon. Voici ce que nous en dit Chiara B. qui a bien voulu partager ses impressions. Merci à elle!

Au MAC Lyon

« Femmes, art, femmes artistes, modernité, émancipation, réussir, se libérer, dépasser les codes, s’intégrer, égalité, accomplir, laisser une place aux minorités, stéréotypes, exposer, créer…

Du 15 septembre 2021 au 02 janvier 2022, le Musée d’Art contemporain de Lyon s’engage dans un éternel combat : celui de la place de la femme dans les arts. C’est ainsi que les élèves de l’option Histoire des Arts du lycée Honoré d’Urfé ont eu la chance de se retrouver au cœur d’une exposition entièrement orchestrée par des femmes.

En effet, plusieurs artistes féminines interviennent : Hélène Hulak (en dialogue avec Mel Ramos et son « male gaze« ), Christine Rebet, Delphine Balley, Jasmina Cibic ainsi que le couple Abramovi? & Ulay.

Truck (camion) d’Erwin Wurm, 2007 devant l’entrée du musée d’art moderne de Lyon L’oeuvre a été créée spécialement pour le MAC de Lyon. Elle prend la forme d’un véhicule qui remonte sur le mur, défiant les lois de la pesanteur et dont la courbure, totalement illogique, remet en question le sens commun.

L’exposition était faite de telle manière qu’à chaque étage, une artiste intervenait. Les univers étaient tous très différents : nous pouvions passer d’un espace clair, coloré à un espace sombre et intimiste. L’occasion de se plonger dans des univers bien distincts.

Dans le hall, nous avons été directement immergés dans l’univers de Hélène Hulak. Un univers tout de couleurs fluorescentes, voire criardes, un univers marqué au coin de la provocation. L’artiste caricature le « male gaze » dans son dialogue irrévérencieux avec Mel Ramos. Elle reprend, tout en les détournant les codes esthétiques des magazines dont les unes font la part belle aux femmes. Elles sont représentées nues ou seulement très peu vêtues. Leur particularité est aussi marquée par leur visage très peu attirant voire effrayant. Une manière d’interroger le visiteur sur sa vision des femmes! La visite est lancée! Poursuivons !!

Helène Hulak – dialogue avec M. Ramos, au MAC Lyon

Nous montons un étage pour découvrir l’exposition de Christine Rebet, Escapologie. Ici, un tout autre style, des couleurs épurées, des films d’animation, un univers plus calme (même s’il nous réserve des surprises…). Cette artiste pratique l’art de l’évasion mêlant le dessin à des petits films. Elle crée 6 espaces immersifs représentant un pays, une thématique… Prenons, par exemple, l’espace Otolithe. Premièrement, nous avons découvert les dessins qui ont permis la réalisation du film : des cercles roses, un œil, etc. Nous nous demandons où l’artiste veut nous emmener. Pour ce faire nous nous installons dans l’espace immersif pour visionner quelques minutes de film. Enfin nous avons notre réponse : ces dessins représentent les chants traditionnels des pêcheurs de perles, nous découvrons leur histoire. C’est comme cela que nous nous immergeons dans le travail de cette artiste !

Ensuite, nous continuons notre visite à l’étage supérieur. Deux artistes interviennent, Delphine Balley pour Figure de cire et Jasmina Cibic pour Stagecraft – une mise en scène du pouvoir. Deux expositions au même étage et pourtant deux univers sensiblement très différents. Chez Delphine Balley, nous pénétrons dans un espace sombre, presque inquiétant, ponctué par des vidéos sans paroles. Et puis, ce sont des photographies à la chambre, d’une pureté sans égale ; un velouté, une finesse de rendu… Une pratique propre à cette artiste dont nous ne manquerons pas de reconnaître dorénavant la patte! Et puis, un propos tenu de salle en salle : une réflexion sur le temps, sur la mort, sur la fragilité de l’humain… Troublant! Jasmina Cibic quant à elle aime reprendre des éléments historiques et mettre en avant les liaisons (dangereuses?!) que les arts entretiennent avec les pouvoirs politiques. Deux artistes, deux univers mais une même affirmation dans leurs choix esthétiques et « philosophiques » !

Au Mac Lyon

Ça y est, nous arrivons! Au dernier étage! Pour y découvrir un couple… et pas des moindres ! Le couple Marina Abramovi? & Ulay! Ils sont là, ils investissent les lieux pour Performances 1976-1988. Ce sont les pionniers de la performance en Europe (quel honneur !). Dans leurs œuvres, ils mettent l’existence humaine à l’épreuve : rester assis durant tout une journée face à face pour une exposition, cela pendant 90 jours. Vous en voulez plus ?! Ils se mettent nus à l’entrée de leur propre exposition et les visiteurs doivent ainsi leur passer, littéralement, sur le corps avant d’entrer. De nombreuses expériences toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Des performances qui marquent, à n’en pas douter, l’histoire de l’art contemporain!

Et voilà, nous redescendons tous ces étages par un ascenseur… Le marathon en terre féminine est terminé! Cette visite fut pour moi inspirante car elle m’a permis de voir des femmes, des artistes femmes, des femmes artistes (comme on voudra!) se réaliser dans leur travail, dans leur art! Une émancipation par l’art en quelque sorte. »