La France diminue le nombre d’heures d’allemand.

Exceptionnellement, je publie ici la traduction d’un article de presse paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung  concernant la réforme des #college2016. Exceptionnellement, car mon blog est avant tout consacré à ma recherche sur les TICE en classe. Cette traduction est d’abord destinée à mes abonnés Twitter qui ne maîtrisent pas l’allemand et qui sont curieux de savoir ce qu’on pense de nous ailleurs. Et comme je ne veux priver personne de mes privilèges de linguiste…

Protestation contre la réforme

La France diminue les heures d’allemand.

La ministre de l’Education nationale française considère l’enseignement de l’allemand en France comme « trop élitiste ». Elle veut réduire l’offre de formation. Les enseignants et les parlementaires s’y opposent.

Najat Valaud-Belkacem, 37 ans, jeune ministre de l’Education en France, se voit comme à l’avant-garde du combat contre les traditions élitistes du système scolaire publique. Elle prévoit une réforme du collège qui aura pour conséquence de réduire fortement dès l’année prochaine l’offre de formation en allemand.

Pour la ministre originaire du Maroc, les classes proposant un enseignement approfondi de l’allemand sont trop élitistes et trop appréciées des familles bourgeoises. Elle les critique, voyant en elles une des raisons de la ségrégation sociale dans les collèges. C’est pourquoi les classes bilangues ainsi que les classes européennes qui proposent un apprentissage renforcé des langues vivantes doivent disparaître dès la rentrée 2016 et ne plus être enseignées dans les écoles publiques. Contrairement à l’Allemagne, les petits Français fréquentent le collège unique, le lycée débutant en 10° classe.

Les classes bilangues où les élèves de 6° apprennent deux langues en parallèle, surtout l’anglais et l’allemand, connaissent un grand succès depuis leur introduction en 2003. Ces classes ont largement contribué à la remontée du nombre d’élèves apprenant l’allemand après le creux des années 90. Mais les professeurs d’allemand craignent désormais la « fin programmée de l’allemand ». C’est le titre de la pétition que destine l’ADEAF au président de la République.

Même le président du groupe pour l’amitié franco-allemande à l’Assemblée nationale, le socialiste Pierre-Yves Le Borgn’ lance un cri d’alarme. « La réforme amputera les horaires d’allemand de manière drastique ». Ainsi, à l’avenir, tous les élèves commenceront une deuxième langue vivante en 5°, mais elle ne sera plus enseignée que 2 heures 30 par semaine. Jusqu’alors, les élèves de 6° bénéficiaient de 8 heures de cours de langue par semaine.

Le Borgn’ prévient : « à moyen terme, les changements envisagés remettent en question l’amitié franco-allemande ».  Ce qui est scandaleux, c’est que la réforme a été décidée sans qu’auparavant n’ait été effectuée une étude des conséquences possibles. On peut craindre qu’à l’avenir de nombreuses institutions franco-allemandes telles que l’Université franco-allemande et l’OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse) ne manquent de candidats maîtrisant la langue allemande. Le directeur de l’Institut Goethe de Paris Joachim Umlauf considère la réforme comme une violation des accords passés entre les gouvernements français et allemand. Récemment, en 2013, lors du 50° anniversaire du Traité de l’Elysée, Paris et Berlin auraient promis de poursuivre la politique favorisant l’apprentissage de la langue du partenaire. « Maintenant, l’allemand se trouve relégué au statut de culture des orchidées », déclare Umlauf. Il est faux de dire qu’on ne trouve de classes bilangues que dans les secteurs de recrutement de la bourgeoisie. Au contraire, elles ont permis aussi à des écoles dans des quartiers sensibles de pousser des élèves doués et de lutter contre l’exclusion sociale. Selon Umlauf, cette réforme ne favorisera plus l’égalité dans les écoles publiques. Selon le secrétaire général de l’OFAJ, Markus Ingenlath, on confond politique sociale et politique éducative. Cependant, il salue l’effort de la ministre d’introduire l’enseignement de l’allemand dès le CP. Il n’y a pas que l’enseignement de l’allemand qui est victime de la réforme. Le latin et le grec aussi qui sont eux-aussi aux yeux de la ministre trop élitistes.

Traduction par mes soins d’un article de

Michaela Wiegel

correspondante à Paris de la FAZ

(Frankfurter Allgemeine Zeitung)

publié le 15 avril 2015