L’ENT Itslearning, des améliorations possibles ?

« Le Vademecum : des usages pédagogiques du numérique » que nous a communiqué l’inspecteur d’allemand la semaine dernière préconise : « des logiciels dont la configuration n’autorise à passer au point suivant que si les réponses sont bonnes ».

Actuellement, la plateforme ENT Itslearning déployée dans l’académie de Caen ne le permet pas.

Voilà donc ce que je voulais réaliser :

  1. une série de quatre exercices

  2. des exercices progressifs : l’accès à l’exercice 2 ne pouvait être possible qu’après la réalisation de l’exercice 1 et ceci, jusqu’à l’exercice 4

  3. chaque exercice devait permettre deux tentatives

  4. après la première tentative, les élèves devaient repérer leurs erreur et se corriger.

Cela n’a pas fonctionné :

  1. Je n’ai pas réussi à paramétrer la progressivité des exercices. Contrairement aux jeux vidéo où il vous faut débloquer un niveau pour passer au stade supérieur, l’arborescence de l‘ENT Itslearning met à la disposition de l’élève tous les éléments de manière simultanée. A l’élève de choisir… Donc pas de progression par paliers.

  2. Je n’ai pas non plus réussi à paramétrer un mode essai / erreur. Soit on peut autoriser deux tentatives avec solution après deuxième tentative, mais dans ce cas, il suffira à l’élève dès la première tentative, de cliquer sur « afficher » pour obtenir la réponse. Soit on verrouille la correction ce qui empêche l’élève de se corriger seul s’il s’est trompé lors de sa deuxième tentative.

Certes il est possible que je n’aie pas su manipuler les fonctionnalités de la plateforme. Toutefois, mon référent numérique au lycée ainsi qu’un formateur académique n’ont pas été en mesure de me proposer de solution. Leur verdict : la plateforme ne le permet pas.

D’où une série de questions :

  1. Comment, en tant qu’entreprise, Itslearning compte-t-elle prendre en compte l’expérience usager ?

  2. Comment notre région, autrefois Basse Normandie, aujourd’hui Normandie, qui est le donneur d’ordre certes mais sans compétences pédagogiques, envisage-t-elle de faire remonter cette expérience usager ?

  3. Comment les enseignants, dans leur pratique quotidienne, pourront-ils s’approprier la plateforme et mettre en place ce qui leur est suggéré par leurs autorités de tutelle ? A quel prix ?

  4. Quel rapport qualité / prix entre l’investissement lourd du contribuable et le bénéfice escompté en termes de savoirs et de compétences pour les élèves ?

Bref, quelques améliorations que j’espère possibles seraient fort souhaitables.

Cartes heuristiques et cours de langue vivante au lycée et en prépa.

La semaine dernière, mes deux collègues d’espagnol, à savoir notre stagiaire et sa formatrice, m’ont demandé de leur faire une formation sur les cartes mentales. Pour voir, ce que moi professeure d’allemand, j’en fais dans mes classes du secondaire et de CPGE. Pour comprendre l’intérêt pédagogique que j’y trouve. Car selon elles, je les utilise beaucoup pour plein de trucs différents.

Elles ont raison. J’utilise Freemind au moins une fois par semaine. Autant pour moi que pour les élèves. Autant seule à la maison qu’en classe où je les manipule et les fais manipuler. Tout cela avec des objectifs très variés.

Afin de m’y retrouver dans mes pratiques et de « cuisiner » à mes collègues une formation « aux petits oignons », j’ai décidé de me lancer dans une série d’articles consacrés à quelques utilisations pédagogiques possibles des cartes mentales en cours de langue.

Pour les utilisations possibles des cartes mentales en cours de langue, voir :

La carte mentale en langue vivante : un support pour l’expression orale (1) : construire des phrases correctes.

La carte mentale en langue vivante : un support pour l’expression orale (2).

Trace écrite et numérique.

Grâce à ma stagiaire qui rencontre des difficultés à gérer le tableau et la trace écrite, je me suis rendu compte à quel point le numérique avait, de mon plein gré mais à mon insu, modifié mes pratiques dans ce domaine.

Car depuis maintenant un an, toutes mes séances en plénière dont l’objectif est de mettre en commun les travaux des uns et des autres se déroulent accompagnées de l’ordinateur. En effet, je nomme un secrétaire de séance chargé de prendre en note le vocabulaire nouveau et les éléments pertinents du contenu. Il peut être amené à utiliser soit le traitement de texte, soit la carte mentale et le tout est vidéo-projeté. Ce qui veut dire que la trace écrite du cours, chez moi, est instrumentée. Sans ma stagiaire, je n’en aurais pas pris conscience. Il va sans dire que ce processus ne s’est accompagné d’aucune évaluation.

Cependant je vois de nombreux avantages à cette pratique.

  1. D’abord, je suis plus détendue. En déléguant la prise de notes aux élèves, je peux me consacrer davantage à l’animation du cours, à la régulation de la prise de parole et au contenu. Cela diminue le stress du dos tourné systématiquement lié à des chuchotements dont on ignore l’origine.

  2. Ensuite, cela me permet de garder une trace de ce qui s’est dit en classe, de cette part d’imprévu qu’on a oublié en fin de journée.

  3. Enfin, il suffit d’un copier-coller pour publier une trace écrite fiable sur le blog, bien utile aux dys, aux absents et aux sérieux qui veulent vérifier s’ils ont bien tout noté.

Que du confort pour moi. Et les élèves dans tout ça ? En fait, je ne sais pas bien car je n’ai pas évalué cette façon de travailler ni chercher des critères pertinents pour le faire. Mais je constate un certain nombre de choses.

  1. D’abord, le secrétariat de séance est un puissant révélateur des compétences des élèves en matière de traitement de texte. Elles sont indigentes. Par exemple, rares sont ceux qui savent mettre un tréma sur une voyelle. Quant aux touches de navigation, mises à part la suppression avant et arrière, elles sont tout bonnement ignorées. Ce qui est en contradiction avec les pratiques qu’ils peuvent avoir sur les jeux en ligne pour faire avancer leurs personnages. Autre point : ils ne regardent pas l’écran quand ils écrivent et ne voient pas que certains mots, en général les plus complexes, apparaissent en surbrillance et qu’il suffit d’appuyer sur la touche « entrée » pour ne pas avoir à la saisir. Si bien que si j’étais prof de technologie en collège, je leur ferais recopier un texte en mode plein écran sans souris sous l’intitulé « maîtriser le clavier ».

  2. Par ailleurs le secrétariat de séance permet de se faire une idée de la capacité des élèves à prendre des notes. Certains écrivent tout tout de suite de peur de perdre le fil. D’autres attendent que je leur donne le feu vert en faisant répéter X fois la même phrase à leur camarade. Certains, rares, trouvent le tempo exact entre ce qui est dit, ce qui est corrigé et ce qui reste à garder pour l’écrit.

  3. Le troisième point est le climat d’échange que cela génère autour de l’exactitude de la mise par écrit. Les erreurs sont corrigées collectivement, découvertes aussi et réexpliquées dans une atmosphère d’entraide. On observe aussi que le secrétaire devient plus attentif aux erreurs qui s’avèrent redondantes chez lui même si cela ne se fait pas sans un peu d’agacement parfois.

Et l’évaluation dans tout ça ? Pour l’instant, je n’ai pas du tout envie de m’y atteler. Il me paraît trop lourd d’évaluer le secrétariat de séance lors de chaque séance, surtout dans les groupes à 29 élèves que je vois deux fois par semaine, donc au maximum 60 heures par an. Ensuite, j’aime cet espace de libre erreur où l’on apprend ensemble des trucs dont on sent bien qu’ils nous resserviront un jour. Libérer une tâche de la pression évaluative me permet alors d’ouvrir tout grand la barrière du champ de l’erreur, ce qui est une façon comme une autre de réhabiliter celle-ci dans les apprentissages. Et je le vis comme une grande bouffée d’air frais.

La question de l’outil.

Les cartes heuristiques sont un outil numérique pédagogiquement intéressant. Elles gagnent d’autant plus en efficacité que les élèves les élaborent eux-mêmes.

Sauf que, techniquement et dans le cadre de l’institution, les choses ne sont pas aussi simples.

  • D’abord parce que, si les ordinateurs personnels des lycéens sont tous équipés d’une plateforme de téléchargement musical, il n’y a jamais dessus de logiciels de carte heuristique par défaut. Dans ce domaine, l’enseignant est prescripteur. Et comme chacun, en pédagogie, a ses habitudes de travail, le risque de prescriptions multiples n’est pas négligeable.

  • Ensuite parce que les postes du réseau de l’établissement où j’enseigne sont équipés d’une version de Freemind compatible avec Windows XP. Or je viens d’installer ce logiciel sur mon Windows 7. Il s’avère que le Freemind installé sur mon poste ne lit pas la version du lycée et vice-versa. Le travail des élèves risque alors d’être réduit à néant.

  • L’interopérabilité ne fonctionnant pas, il devient nécessaire de surmonter les difficultés techniques avant toute mise en oeuvre pédagogique.

Selon quels critères, dès-lors, choisir les outils ?

  • Ils doivent être premièrement faciles à utiliser et disposer d’une ergonomie conviviale et intuitive.

  • Ils doivent deuxièmement être aisément accessibles, sans installation fastidieuse.

  • Car nous devons être réalistes. Les compétences techniques de la majorité de nos élèves ne sont pas si importantes que cela, surtout depuis que les ordinateurs sont vendus pré-installés et que l’informatique dans le nuage permet d’accéder à de nombreux services uniquement sur la base d’un compte gmail.

Il est donc grand temps que nous, enseignants, investissions l’Accompagnement personnalisé afin de réellement former nos élèves au numérique. Ce ne serait pas non plus un luxe si, au moins à l’échelle de l’établissement,

  • nous engagions une réflexion et une mise en pratique collectives et cohérentes,

  • nous nous mettions d’accord, par exemple, sur UN logiciel de carte heuristique commun.

Car il y a des jours où j’ai le sentiment de piétiner et de passer à côté d’expériences intéressantes et constructives. Des jours avec trop d’obstacles ! Des jours aussi où l’on constate que l’enseignant doit aussi penser technique.

Arrêtons se surestimer les compétences numériques de nos élèves !

Nicolas Roland, dans le webinaire ITyPA, et Perine Brotcorne, dans un article publié sur Educavox ont un point commun : ils ont observé les étudiants utiliser les outils numériques lors de leurs apprentissages.

Sur un certain nombre d’éléments, leurs observations convergent. On imagine nos élèves nés avec une souris à la main. On croit leur maîtrise des technologies innée. Or, selon Nicolas Roland, ils ne sont pas nécessairement compétents en technologie et pas nécessairement détenteurs de stratégies. Créer une page Facebook pour travailler de manière collective n’est pas nécessairement un signe de compétence. On peut y voir l’expression de leurs limites technologiques en terme de gestion de contenus. Quant à Perine Brotcorne, elle estime que les jeunes ne savent pas utiliser internet comme outil de travail. C’est en particulier la compétence informationnelle qui leur manque. Ce n’est pas parce qu’on sait ACCEDER à un contenu qu’on sait l’ORGANISER et l’EXPLOITER. Ce n’est pas parce qu’on manipule vite les touches d’un clavier qu’on gère le fond des choses de manière complexe.

Ces constats coïncident avec les expériences que je fais en classe. Par exemple, je complète le cahier de textes en ligne en mettant à la disposition des élèves les supports que j’utilise que ce soit sous forme de textes, de documents sonores ou de liens vers des sites. La plupart rencontre des difficultés à télécharger les documents audio parce qu’ils ne disposent pas de leur plateforme de téléchargement habituelle. De plus, ils n’ont pas le réflexe de classer les supports ainsi mis en ligne. Et il suffit que plusieurs enseignants procèdent d’une manière analogue à la mienne pour que leur stockage d’informations devienne illisible.

Je pense qu’il y a des risques réels à vivre dans l’illusion que les élèves maîtrisent mieux que nous les technologies.

  1. Nous risquons de ne pas leur apprendre ce dont ils auront besoin dans le monde du travail, à savoir gérer des contenus complexes avec les outils spécialisés dans leur domaine.

  2. Nous risquons de les amener à considérer l’adulte comme systématiquement incompétent et à se voir eux-mêmes comme nullement dans l’obligation d’apprendre. Danger réel ou imaginaire ? En tout cas, quand, récemment, un de mes élèves de seconde a bloqué sa session sur le réseau (justement en téléchargeant un fichier son) et que je suis venue le voir, il m’a très bien fait comprendre que les manipulations que je testais, ils les avait déjà mises en oeuvre, mieux que moi (puisqu’il me disait au fur et à mesure comment faire). Ayant toujours un plan B, je l’ai renvoyé à sa place travailler sur un lecteur MP3. Heureusement pour moi, j’ai réussi à remettre sa session en place. Dernièrement, ce même élève a rencontré des difficultés pour accéder à un site dans ma discipline. Pas ses camarades (ouf!). En tout cas, en voilà un qui est convaincu de savoir, de savoir mieux que l’autre (surtout quand l’autre est un adulte). Ne risque-t-il pas d’oublier d’apprendre ?

Usages de l’informatique : de l’absence de mode d’emploi comme tremplin vers une réflexion pédagogique.

Madame Louise Merzeau que l’on peut écouter sur le site « interstices » de l’INRIA a raison. Une des caractéristiques de la culture informatique est l’absence de mode d’emploi.

Comment, dès-lors, les jeunes s’approprient-ils le monde logiciel qu’ils découvrent. Ils ont deux méthodes :

  1. D’abord, ils tâtonnent. Ils cliquent et observent l’effet produit par leur clic.

  2. Ensuite, ils visionnent des tutoriels, le plus souvent réalisés par des amateurs qui n’ont qu’une envie : faire partager les astuces qu’ils ont découvertes.

D’où ma question concernant la pédagogie. Pourquoi les tutoriels sont-ils si peu utilisés dans l’enseignement ? Pourquoi si peu d’enseignants se sont-ils appropriés les logiciels de capture d’écrans qui leur permettraient de ne pas répéter pour la énième fois la conjugaisons des verbes au présent ?

Quels usages du net enseigner aux élèves ?

Je n’ai pas de preuve de ce que j’avance mais une intuition. J’ose poser la question d’un usage savant du web. Je ne parle pas de bon ou de mauvais usage. Mais d’un usage ou d’usages au pluriel qui investissent le champ des connaissances et des savoirs et qui deviendraient des usages à enseigner.

Or, pour l’instant, j’achoppe sur la définition de ces usages. Certes, il y a l’opposition entre le ludique et le sérieux, entre activité professionnelle et activité de loisir, entre passe-temps individuel et commerce.

Mais le champ de l’enseignement est autre. Michel Serres me suggère une piste de réponse. Recevoir, stocker, traiter et produire de l’information : là est le nerf de la guerre de l’enseignement.

Mais une autre idée émerge de mes lectures. Toutes ces traces que je dépose, tous ces sites que je fréquente, toutes ces communautés auxquelles j’adhère, tous ces gens que je contacte sans connaître, tout cela me rend visible et fonde mon identité sur le net. Qu’en est-il de cette dimension avec les élèves que je fais travailler avec et sur la toile ?

Quand je crois que les élèves savent faire.

« Ils savent mieux que nous ». Alors, moi, je crois qu’ils savent faire. Et puis, il arrive – souvent – que je fasse une manipulation, plutôt sur le traitement de texte. Et là fuse la remarque : « C’est bien ce truc là, vous avez fait comment ? »

Il arrive aussi que je leur demande de faire des choses : je peux me le permettre, ils sont nés avec, et en plus, ils ont tous le B2I. Mais stupeur : ils ne savent pas faire.

Alors j’ouvre les yeux. Certes, ils sont tombés dans la marmite quand ils étaient tout petits… mais savent-ils cuisiner la soupe ? Pas si rarement, il y a des jours sans.

A la découverte de Danah Boyd.

Merci à Place de la Toile pour le grand entretien avec Danah Boyd diffusé le 16 mars 2013. Danah Boyd est une ethnographe américaine qui consacre ses travaux aux nouvelles technologies et à la manière dont les gens les utilisent, en particulier les adolescents.

D’elle même, elle raconte qu’ « elle a grandi en ligne » et que cela fut pour elle une riche expérience de socialisation . Cependant, elle reconnaît que cette expérience présentait des aspects contradictoires. D’une part, elle n’éprouvait ni le désir ni la volonté consciente de prendre des risques. D’autre part, ce qu’elle faisait n’était quand même pas sans danger.

Toutefois, cela l’a amenée à beaucoup réfléchir à l’usage des technologies, en particulier chez les jeunes. Pour cela, elle part d’un double questionnement :

  1. Qu’est-ce que les jeunes font réellement sur le web ?
  2. Qu’est-ce qu’on imagine qu’ils font sur le web ?

Elle confronte donc la réalité avec nos représentations de cette même réalité (où l’on trouve beaucoup d’anxiété et de mythes) pour tenter de définir les risques et les enjeux réels.

Ses premiers travaux de recherche ont porté sur l’usage que les jeunes faisaient de my space. La problématique en était : comment les jeunes construisent-ils leur identité (expression, socialisation et rapport aux pouvoirs) sur le web. La méthode consistait à se connecter régulièrement au hasard sur des profils inconnus et à rencontrer des jeunes en vrai. Pour en arriver à la conclusion que sur le net, les jeunes trainent comme autrefois les générations précédentes trainaient devant le supermarché du coin. Internet est donc un espace public où les jeunes se rencontrent sans rien faire de plus. On peut dès-lors se demander pourquoi ils ont quitté l’espace physique du supermarché pour rejoindre l’espace virtuel du web. Les raisons en sont diverses, mais les principales sont l’interdiction parentale de sortir, l’accroissement du nombre d’activités en dehors de l’école et donc de temps disponible et enfin l’absence de voiture. Cependant, il y a des différences notoires entre l’espace public et l’espace web. Dans ce dernier, le contenu est durable, reproductible , traçable, il peut aussi être amplifié ce qui peut conduire à un brouillage entre vie publique et vie privée.

Doit-on en conclure que les jeunes se désintéressent de ce qui relève de la vie privée ? D’après la chercheuse, non. Mais les jeunes rencontrent de nombreuses difficultés à défendre leur espace privé. D’abord parce qu’il est particulièrement compliqué de se retrouver dans les paramètres de confidentialité des sites dans la mesure où ils changent tout le temps. Ensuite parce que le contrôle exercé par les mères devient plus serré. Enfin, elle pose la question de l’idéologie de la transparence mais ce point mérite approfondissement.

Par la suite, Danah Boyd développe son point de vue sur le big data. Elle estime qu’une idéologie sous-tend l’évocation de ce nouvel univers de données. On imagine qu’en collectant beaucoup de données, on comprendra enfin l’humanité et qu’on en résoudra les problèmes. Mais pour l’instant, ce sont les entreprises qui le font et elles le monnayent . A ce sujet, Danah Boyd délaisse le registre du quantitatif pour poser la question en terme de pouvoirs et constate une différence entre l’Europe et les Etats-Unis. Si les Européens craignent l’intrusion des entreprises dans leur vie, les Américains redoutent celle de l’Etat. Mais pour elle, le danger est ailleurs. Quant on parle de liberté, on raisonne à l’échelle de l’individu. Or le changement introduit par le net, c’est la dimension réticulaire. Elle clarifie son propos en citant deux exemples. Celui du génome : quand je diffuse mon génome sur la toile, je le fais à titre individuel certes. Mais j’engage aussi toute ma famille, les enfants que je n’ai pas encore aussi. Quant à Facebook, quand un ami m’annonce l’ouverture de son compte, même si moi je n’en possède pas, je suis déjà quelque part sur le site comme ami (e) de, donc comme celui ou celle qui ressemble à. Danah Boyd estime donc qu’à partir de tous ces éléments, nous nous trouvons dans une situation tendue entre l’évolution du marché, les normes sociales, la loi et l’architecture sociale.

C’est alors dans ce cadre qu’elle définit son positionnement. Beaucoup lui reprochent de travailler pour Microsoft. Mais elle se considère comme une activiste dont la mission est de mettre en relief les complexités, les tensions et les peurs suscitées par un monde nouveau afin de faire de nous un public éclairé capable d’exercer son sens critique.

Pour ce qui me concerne, deux points ont particulièrement attiré mon attention :

  1. ses tentatives pour faire la distinction entre les changements réels liés aux nouvelles technologies et ce que nous en fantasmons
  2. ses interrogations sur les pouvoirs qui émergent de ces technologies et sur notre liberté vraie qui est une question qu’on ne se pose sans doute pas assez aujourd’hui.