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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

Ecriture Vs Parole

Dans Les Origines de la pensée grecque, Jean Pierre Vernant retrace l’émergence de la philosophie (et de la démocratie) en Grèce antique. Il souligne l’importance de la révolution mentale opérée par le courant des « physiciens » (Thalès, Anaximandre) lorsque, pour la première fois, ils décidèrent de rompre avec le discours religieux officiel sur les origines du monde pour coucher par écrit (et sans aucun travail poétique de style) leurs réflexions cosmologiques.

L’écriture permet en effet plus de recul critique : proposer par écrit une théorie à la lecture d’un tiers, c’est d’emblée accepter qu’il pourra prendre tout son temps pour analyser l’enchaînement des idées et les tester. Ce comportement d’examen scrupuleux était alors radicalement nouveau, il tranchait avec la fascination qu’opérait la parole religieuse. En effet, jusque-là, le discours sur les origines du monde était le privilège (et le monopole) des personnalités sacerdotales : les Rois-magiciens, « maîtres de vérité ».

Une fois l’an, lors d’une grande commémoration rituelle, le roi-magicien racontait les origines du monde en même temps qu’il mimait le combat contre les Forces du Chaos ; la scénographie, à grand renfort d’encens, de torches et d’effets sonores, plongeait l’assistance dans la stupeur et ne contribuait pas peu à entretenir dans l’esprit du peuple le prestige symbolique du roi identifié au dieu vainqueur du Chaos. Le mythe que le roi (ou grand prêtre) proférait était reçu comme la vérité, inspirait la soumission et n’était pas discutable. A cette époque, la valeur antinomique de la vérité n’était pas l’erreur, mais l’oubli – un oubli sacrilège puisque le mythe était au fondement de toutes les hiérarchies instituées et de toutes les traditions d’usage.

Le courant des physiciens, en proposant par écrit des explications du commencement du monde qui refusaient de faire intervenir des agents divins, non seulement opérait une désacralisation du monde, mais permettait l’émergence d’un type de pensée extérieure à la religion et ouverte au débat d’idées.

C’est dans ce contexte démocratique que la parole joue le rôle essentiel qu’on lui connaît dans la Cité antique. Il aurait été certes impensable alors qu’un orateur lût son discours, tant l’écriture paraît figer un enseignement destiné au contraire à se vivifier par l’oralité spontanée. Telle est la conviction que manifeste Socrate dans le Phèdre : « Une fois écrit, tout discours roule de tous côtés ; il tombe aussi bien chez ceux qui le comprennent que chez ceux pour lesquels il est sans intérêt ; il ne sait point à qui il faut parler, ni avec qui il est bon de se taire. S’il se voit méprisé ou injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père, car il n’est pas par lui-même capable de se défendre ni de se secourir.» Dans l’Antiquité, privée des moyens techniques modernes qui lui donnent un autre statut, la parole remplit parfaitement ses trois fonctions qui sont d’exprimer, d’informer et de convaincre. Dans chacune d’elles, certes à des degrés divers, l’émetteur est bel et bien présent, mais c’est le récepteur qui la conditionne comme le montre le jeu subtil de cache-cache qui peut s’installer dans les fonctions du langage. 

écriture : L’invention de l’écriture 3000 av JC, est un tournant dans l’histoire de l’humanité. Les premiers signes écrits furent probablement destinés à consigner le montant des premières grandes récoltes : l’invention de l’écriture a permis d’organiser le développement économique et la gestion de l’agriculture mécanisée à une échelle inédite; c’est ainsi que l’on sort de l’économie de subsistance caractéristique des temps historiques cas avant l’écriture. la découverte de l’écriture en effet, enclenche l’histoire sa rationalité mais aussi ses violences : on voit immédiatement l’ambivalence des progrès constitutifs à cette invention. car instrument de différenciation : catégories socio économiques distinctes, castes, voire asservissement.

précieuse pour transmettre les idées indispensable pour fixer les savoirs et la mémoire sociale, l’écriture peut se retourner contre ce qui semble être sa vocation : faciliter et enrichir la communication et l’expression de la pensée.

Dans Phèdre, Platon présente ainsi ce don d’un dieu aux hommes comme un cadeau empoisonné : s’ils se reposent sur l’écriture les hommes épargneront puis finiront par négliger leur mémoire 274d. En outre et plus radicalement la connaissance indirecte, figée, extérieure, que fournit l’écrit n’est qu’un simulacre de savoir et non la science elle-même.

// Rousseau : froideur, sécheresse, inauthenticité de ce mode de communication. écriture alphabétique : rationalisation des langues triomphe de l’abstraction par rapport à l’immédiateté (transparence et intimité) des relations de proximité de l’homme à l’état sauvage : «  l’écriture qui semble devoir fixer la langue est précisément ce qui l’altère. »

Essai sur l’origine des langues chap 5

instrument particulièrement efficace et approprié au négoce et au commerce international l’écriture convient aux peuples policés, mais elle n’est qu’un succédané ou encore une parodie de la parole vive 

Chacun voit bien que l’écriture conformément aux intuitions de Rousseau ne fait souvent qu’accentuer les écarts que le langage tend à creuser entre les individus. cette fonction stigmatisante et discriminante de l’écriture et du langage a largement été dénoncée par de nombreux philosophes et sociologues contemporains. l’écriture n’est pas qu’un simple instrument (nocif voire improductif) : elle est au contraire douée d’une certaine autonomie d’une puissance vire d’une violence inattendue.

chez les grecs, tout dépendait du peuple et le peuple dépendait de la parole » Fenelon Lettre à l’Académie IV, : procédé de conservation est la mémoire personnelle et sociale civilisation de l’on-dit, de la rumeur, de la formule du secret de la magie l’autorité appartient aux anciens aux vieillards

à la civilisation orale correspond une culture diffuse une littérature anonyme où les oeuvres non signées appartiennent à tout le monde et à personne c’est l’âge patriarcal de l’épopée = ce qu’on exprime par la parole de la légende ce que l’on raconte de la ballade du conte du dicton inconscient collectif

la parole avait donné la domination de l’espace immédiat liée à la présence concrète l’écriture permet de séparer la voix de la présence réelle fixer le monde le stabiliser, signer son nom et s’affirmer au delà des limites de son incarnation l’écrit consolide la parole

la premiere écriture est magique sacrée hiéroglyphes signes divins réservés aux prêtres et aux rois droit écrit sur tables de la loi dieux communiquent aux hommes

la parole des dieux devient écriture sainte

on passe des orateurs aux lettrés

naissance de caste de privilégiés, langue écrite langue parlée ex : arabe littéraire et parle

invention de l’imprimerie  : pour tous l’esprit critique est né , l’humanisme de la Renaissance se fonde sur l’édition des classiques grecs et latins comme la réforme est rendue possible par la diffusion de la Bible imprimée.

le rôle de la parole ne cesse de diminuer tandis que l’imprimé multiplie sans fin la possibilité de communication entre les hommes

moyens d’enregistrement et diffusion

La parole Gusdorf :

p 113 Nous assistons à une restitution globale de la réalité comme si la civilisation contemporaine civilisation de masse qui rend les hommes absents les uns aux autres s’efforçaient de compenser cette absence en multipliant les possibilités de présence artificielle.

p114 futur :)

une telle transformation ne bouleversera pas seulement la pédagogie. Elle modifiera la structure meme de la pensée car la pensée n’existe pas en dehors de ses instruments et comme préalablement à son incarnation. De même que la parole n’est pas un moyen d’expression mais un élément constitutif de la réalité humaine de meme les techniques d’enregistrement mécanique feront très probablement sentir leur influence au niveau même de l’affirmation personnelle  dans un sens qui demeure pour nous imprévisible. La civilisation du livre cèdera la place à une civilisation de l’image et du son.

 la valeur de l’Ecriture

L’écriture apparaît tantôt comme une fixation trop rigide du langage oral, dont il faut se méfier si l’on veut conserver au langage sa fluidité et son pouvoir indéfiniment créateur ; tantôt comme un moyen précieux de donner au langage une stabilité qu’il ne possède pas naturellement, d’en étende la portée dans l’espace, d’en fixer dans le temps la durée. — On trouve chez Platon le mythe suivant. Le démon Theuth vantait les mérites de l’écriture, qu’il venait d’inventer, au roi égyptien Thamous : “L’enseignement de l’é­criture, ô roi, dit Theuth, accroîtra la science et la mémoire des égyptiens ; car j’ai trouvé là le remède de l’oubli et de l’igno­rance”. Mais Thamous contestait cela : “(…) elle produira l’oubli dans les âmes en leur faisant négliger la mémoire: confiants dans l’écriture, c’est du dehors, par des caractères étrangers, et non plus du dedans, du fond d’eux-mêmes qu’ils chercheront à susciter leurs souvenirs; tu as trouvé le moyen, non pas de retenir, mais de renouveler le souvenir, et ce que tu vas procurer à tes disciples c’est la présomption qu’ils ont la science, non la science elle-même; car quand ils auront beaucoup lu sans ap­prendre, ils se croiront très savants et ils ne seront le plus souvent que des ignorants de commerce incommode parce qu’ils se croiront savants sans l’être.” (Platon)

Julia Kristeva relève une autre fonction de l’écriture : celle qui permet à un sujet d’habiter un réel en le parcourant “horizontalement”, en le traversant infiniment, sans pouvoir cependant le dépasser vers un au-delà transcendant. L’écriture dure, se transmet, agit en l’absence des sujets parlants. Elle utilise pour s’y marquer l’espace, en lançant un défi au temps : si la parole se déroule dans la temporalité, le langage avec l’écriture passe à travers le temps en se jouant comme une configuration spatiale. Elle désigne ainsi un type de fonctionnement où le sujet, tout en se différenciant de ce qui l’entoure, et dans la mesure où il marque cet envi­ronnement, ne s’en extrait pas, ne se fabrique pas une dimension idéale (la voix, le souffle) pour y organiser la communication, mais la pratique dans la matière et l’espace même de cette réalité dont il fait partie, tout en s’en différenciant parce qu’il la marque. Acte de différenciation et de participation par rapport au réel, l’écriture est un langage sans au-delà, sans transcendance.”

Publié par Didier Moulinier à 17:26 pastedGraphic.png

Libellés : * Cours, Langage

 

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One comment

  1. Ping by Plan du cours : la parole | PhiloStjo on 2 novembre 2016 at 18 h 29 min

    […] aphasie, bégaiement, schizophrénie, -fonctionnement de l’appareil phonatoire -orthophonie E- Ecriture    Platon Rousseau 2) Les pouvoirs de la parole. Outil de domination culturelle et sociale, […]

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