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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

Archive for janvier, 2017

Corrigé : Avoir la parole

  • Faculté de parler.

    -Discours (ce que l’on dit)

    Promesse, engagement donné verbalement.

    Avoir la parole s’offre à nous comme une évidence : il est naturel de parler comme marcher, ou respirer. Cette aptitude semble même définir l’homme de sorte qu’il ne viendrait pas à l’idée de priver l’enfant de l’apprentissage de la parole. Nous parlons avant même de réfléchir aux mots que nous utilisons, avant même de connaître toutes les subtilités grammaticales du discours. Avoir la parole, c’est en premier lieu être doté d’un outil de communication qui nous permet de transmettre une information à autrui.
     Mais s’il peut nous arriver de trébucher ou tousser, cela est sans comparaison avec la fréquence des échecs de la parole. Qu’elle nous échappe, que les mots nous manquent, ou qu’ils aient dépassé notre pensée, la parole se révèle souvent inefficace, inadéquate, inappropriée, inutile ou déplacée. Ainsi avoir la parole (capacité) et savoir parler (apprentissage de la langue) ne suffirait pas pour avoir la parole facile ou le bon mot, c’est-à-dire, pour prétendre la maitriser afin de toujours parfaitement exprimer ce que l’on VEUT dire.
  • Autrement dit, qu’est- ce que cette faculté sonore et intérieure qui nous sert à communiquer et qui se révèle inapte à sa fonction première ? Quelle est cette énigme qui fait que notre aptitude nous dessert plus souvent qu’elle ne nous sert ?

    De plus, la parole sert à engendrer, à façonner, à communiquer, à traduire mais elle sert aussi à travestir et à tromper. Ainsi avoir la parole c’est aussi pouvoir la donner et la recevoir (avoir la parole de quelqu’un) mais prendre le risque que l’autre revienne dessus ou ne la tienne pas. Cette ambivalence est à la source même de sa richesse. « Words, words, words » s’exclame le Prince du Danemark, perdu dans le labyrinthe des mensonges et faux semblants qui enserrent son existence… Comment parvenir à la vérité des êtres s’ils vous mentent ? Comment accéder à autrui s’il s’échappe par le subterfuge du langage ? 

    Car avoir la parole n’est pas seulement parler de quelque chose mais surtout à quelqu’un : interlocuteur qui fonde ma parole au sens où toute parole est d’abord reçue. Avoir la parole c’est donc un don d’autrui qui confère, un temps donné, de la légitimité à mes dires, du poids à mes mots. Mais qui donne la parole à qui et au nom de quoi ? Selon quels critères ?  Car ce temps de parole, même (d’autant plus ?) quand il se veut équitable, se doit d’être le plus clair et efficace possible, laissant donc tout le monopole aux « professionnels de la parole » et devenant par la même facteur d’inégalité. Avoir la parole serait donc le spectacle du « droit du plus fort », où les vainqueurs ne seraient pas les plus véraces mais les plus éloquents, où les mots seraient « des pistolets chargés ».

     

I Faculté Conditions techniques pour avoir la parole : privilège de l’humanité ?

phrase thèse : apanage et privilège

On a considéré cette énigme de la parole qui transforme le son en significations comme une qualité humaine impropre à l’animal (pour preuve l’anecdote, racontée par Diderot dans le troisième Entretien, du cardinal Melchior de Polignac : « parle et je te baptise » aurait-il dit à un orang-outan présenté au jardin du roi).

Avoir la parole, c’est avoir une capacité innée, une faculté spécifique, propre à l’humanité.

-avoir la parole c’est avoir un langage et une langue : particularités du langage humain par rapport à la communication animale (temps, conditionnel, abstraction, signes, objet non déterminé, pas suscité pour besoins, métalinguistique, connaissance, dialogue,)

Benvéniste Problèmes de linguistique générale : « C’est un code de signaux. Tous les caractères en résultent : la fixité du contenu, l’invariabilité du message, le rapport à un seule situation, la nature indécompable de l’énoncé, sa transmission unilatérale. »

Descartes, enfant sauvage, Rousseau, expérience des Primarck, Karl von Frish, Saussure

-c’est pouvoir dire Je et se détacher du monde, le nommer, pour le connaître, énoncer des jugements sur lui.

Kant, Descartes,

-conditions de la vie sociale et politique Rousseau, Aristote,

la parole semble tellement une caractéristique humaine que les muets ont longtemps été considérés comme des idiots, fous ou sous-hommes. parole outil de communication mais sert et dessert. pb d’échecs de la communication, quiproquo, mensonge…

Avoir la parole ne suffit pas pour savoir s’en servir. C’est donc un pouvoir dont l’usage peut varier.

II Usage , Maitrise,

  • Si on remonte aux origines, prêtons l’oreille à Esope : on raconte que son maître lui demanda un jour de disserter habilement devant les invités d’un banquet. Le docte esclave devait exposer ce qu’était la meilleure chose au monde. Il répondit que c’était la langue parce qu’elle servait à s’exprimer, à louer les dieux, à faire des serments d’amour… Le maître fut satisfait. Renouvelant plus tard l’expérience, il exigea d’Esope qu’il décrive devant les convives la pire des choses. L’esclave expliqua qu’il s’agissait de la langue qui sert à mentir et se parjurer, maudire les dieux et tromper qui vous aime… laissant maîtres et invités dans la plus grande des confusions.

    -possibilité de dysfonctionnement

    -nécessité d’apprendre pas juste inné comme le langage , langue, => perfectibilité Rousseau possibilité d’échec de la transmission, ou perte

    -échec de communication :

    -capacité d’inventer des mots pour des choses qui n’existent pas = croire au lieu de savoir, fiction, fabulation (étymologie)

    -travestir la réalité, la déguiser : les sophistes

    transition : => parole = acte  car toute parole a des conséquences sur le monde et autrui; pas juste des paroles en l’air ; possibilité de faire un usage immoral, faire du mal et le mal

III Morale et Droit : responsabilité éthique de la parole révèle l’humanité morale de l’homme sa dignité. avoir la parole de quelqu’un, n’avoir qu’une parole

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Peut-on tout dire (à autrui) ?

I- Peut-on tout dire (à autrui) ?

 

Les différentes formes de l’impossibilité de dire : de l’interdiction logique,technique, sociale (tabous), à l’interdiction morale (le respect et le tact), en passant par le problème de la liberté d’expression.

Possibilité technique et logique :

-le contradictoire

-l’irréel : ce qui n’existe pas

-l’insensé, incompréhensible « charabia » : grâce à la structure du langage, phonème/monème pouvoir génératif infini

Pb : en disant tout, on vide la parole de tout contenu, de sa raison d’être et son authenticité.

Impossibilités et interdictions sociales et morales :

  1. A) Le tabou : Ce qui se dit/ce qui ne se dit pas. (Origine et fonction du tabou : d’où viennent les tabous ?) : La  loi du silence  comme instrument de domination et de protection des groupes qui détiennent le pouvoir (cf. : le secret de famille, les villages, petites sociétés) ? Faut-il vivre sans tabous ? Peut-on tout dire (pour autant !) ?

Débat possible : sur Le problème de la liberté d’expression et de ses limites. Films possibles : Chomsky & Cie (Dvd 1, chapitre 5) (ex : propos racistes, Noam Chomsky sur Faurisson). + « C’est dur d’être aimé par des cons » sur le procès de Charlie Hebdo et des caricatures. Se donner la possibilité de différencier le tabou (interdiction silencieuse) et la loi.  

  1. B) Le tact, la délicatesse et la politesse : Différence entre le tabou social et la parole respectueuse : ce qui n’est ni tabou, ni interdit par la loi et qui pourtant ne se dit pas. La politesse comme espace public non contigu. Pour une éthique du tact, de la politesse (2 figures de la délicatesse) comme éthique du langage même (cf. Barthes, Cours sur le Neutre LN3,  4e scintillation de la figure portant sur la « délicatesse » : la politesse 17m30s-22m28s. Ex. du Tao et de la politesse du mort… + La société intégrale, Cédric Lagandré. +Le pathos de la distance chez Nietzsche, 25 Par de-là le Bien et le MalGénéalogie de la Morale 1 §2 lié au problème de la hiérarchie et à la critique de l’égalitarisme et de l’indifférenciation)+ Norbert Elias, La civilisation des moeurs. 
  2. C) L’éthique de la discussion, Jurgen Habermas. Introduit par la chanson « Paroles, paroles… »  Dalida et Alain Delon. Les paroles ne sont-elles que des mots ? Parler c’est « prendre la parole », « donner sa parole », s’engager, « prendre position », se mettre à exister hors de soi, dans l’espace public.  

 

  II-Y a-t-il de l’indicible ? (Ce que le langage ne parvient pas à dire) (soit excès soit pas assez)

  1. A) Le langage et l’indicible : 

 

  1. a) La critique Bergsonienne du langage : Nommer c’est classer (classer c’est « subsumer ») Qu’est-ce que Nommer ? Dieu le Verbe, l’enfant… Les catégories du langage correspondent-elles à la réalité ?

 

  1. b) « Le réel est ce contre quoi je bute », Lacan. Ce qui nous arrive de grand nous prive de parole : être « sans voix », l’impuissance du discours. « Y’a pas de mots !!! » (ex : la mort , la joie, le coup de foudre…). FRAGMENTS D’UN DISCOURS AMOUREUX,Roland Barthes : tentative de description de l’être aimé. Adorable p.   . Nommer c’est réduire (le désir d’être sans noms). Impossibilité de dire ou difficulté à dire ?

 

  1. c) Débat sur les images et l’inimaginable : L’interdiction de la représentation…
  • Shoah, Claude Lanzmann : Dire l’indicible ?

(Transition : à mettre en // avec la polémique autour des films La vie est belle de Roberto Benigni et La liste de Schindler de Steven Spielberg)

  • Images malgré tout,  Georges Didi-Huberman. La shoah est-elle inimaginable ? INIMAGINABLE ET IMPENSABLE. (+ Ce qui reste d’Auschwitz, Giorgio Agamben). Textes : La polémique autour de l’exposition (4e de couverture), l’accusation de Lanzmann de vouloir produire une fascination par l’horreur, la tentative nazie de détruire les images et de produire de l’inimaginable, inimaginable et impensable, l’image comme source de connaissance consciemment lacunaire et comme libération (Naufragé et rescapé, Primo Lévi sur son agacement face au thème de l’incommunicable. Jorge Semprun, L’écriture ou la vie : devant les images de son camp vue aux actualités).
  1. B) L’indicible et l’impensable : Peut-on penser sans les mots ?
  2. a) La critique hégélienne de l’indicible (ineffable) :

intro : On a souvent l’impression qu’on peut avoir compris sans réussir à réexpliquer (cf en cours !). On dit alors « J’ai saisi mais  je ne sais pas comment dire. J’ai pas les mots… ». Qu’ai-je lorsque je n’arrive pas attraper ce que j’ai saisi !?

Texte de Hegel, Phénoménologie de l’Esprit (compléter avec le texte de Merleau-Ponty sur le fait de « penser dans les mots »)

 

  1. b) Si on pense dans et avec les mots : La langue dans laquelle on s’exprime influence-t-elle notre pensée ? + problème linguistique et métaphysique Sans les mots y aurait-il des choses ? Texte de Martinet « La langue n’est pas un calque du monde » Texte de Nietzsche, Le livre du philosophe : « Derrière chaque grammaire se trouve une métaphysique ». Le problème de la création des langues chez Nietzsche : Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge du point de vue extra-moral.

+ texte de Benveniste

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Questions sur le cours : la morale

Questions sur le cours : la morale

1-Donnez les trois conditions pour parler de moralité chez l’homme.

2-La morale est soit acquise soit innée. Quels problèmes rencontre-t-on si elle est acquise ? Sur quoi repose-t-elle si elle est innée ?

3-L’expérience de pensée du chemin de fer permet de dégager deux types de morale, lesquelles ?

4-Trouvez les deux réponses contradictoires dans l’introduction

5-Pourquoi peut-on reconnaître une valeur sociale au mensonge ?

6-La vérité est-elle la suprême valeur ?

7-Tout le monde mérite-t-il d’être respecté ?

8-Pourquoi ne peut-il y avoir de droit (juridique) au mensonge ?

9-Quel problème y a-t-il à se fonder sur les conséquences pour décider moralement ?

10-Pourquoi une action morale doit-elle être désintéressée pour Kant ?

11-A quoi le Prince est-il comparé par Machiavel ? Pourquoi le mensonge d’Etat est-il selon lui légitime ?

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Peut-on parler pour ne rien dire ? Corrigé

 

Pour commencer, un travail d’analyse du sujet très intéressant :

http://www.lfm.edu.mx/media/1900/peut-on-parler-pour-ne-rien-dire.pdf

 

Peut-on parler pour ne rien dire ?

Si nous considérons le langage comme un instrument destiné à traduire la pensée, il semble impossible de parler pour ne rien dire. En ce sens, parler  devrait toujours signifier quelque chose. Il faut donc prendre ce sujet en un sens métaphorique pour essayer de savoir dans quelle mesure nous pourrions parler pour ne rien signifier, c’est-à-dire pour ne rien dire de particulier, dire des choses inutiles ou dépourvues de sens.

« Le langage est à la fois le bien le plus précieux et le plus dangereux qui ait été donné à l’homme, a dit le poète allemand Friedrich Hölderlin. Ce « bien précieux », ne le gaspillons-nous pas lorsque nous « parlons pour ne rien dire », c’est-à-dire lorsque nous bavardons ? Faut-il alors préférer à la futilité du bavardage, à son inutilité, le sérieux et l’efficacité de la parole ?

« Bavarder » vient de « baver » ; bavarder, c’est parler abondamment de choses oiseuses, insignifiantes. Parler et bavarder sont deux modalités du langage ; le langage est le moyen de communiquer sa pensée à autrui, c’est du moins ce qu’affirme le sens commun. Parler, c’est donc mettre en oeuvre une intention active et consciente de communication ; la parole vise à l’efficacité, elle se veut utile, sérieuse, individualisée. Le bavardage, au contraire, est une parole oiseuse, inutile, stéréotypée, impersonnelle.

Toutefois, même dans ce cas, il est possible de nous demander si le langage ne traduit rien. Ce qui est absurde ou inutile dit encore des choses sur celui qui le dit. Une parole insignifiante (sans importance) est-elle pour autant non signifiante (dépourvue de signification) ? Dit-on quelque chose même quand on ne veut rien dire ?

De plus, comme la raison humaine est limitée (nous ne pouvons tout savoir ni tout entendre), il apparaît que nous ne disons rien quand nous parlons si nous n’arrivons pas à formuler clairement ce que l’on veut dire ou à faire comprendre ce que l’on a dit. L’intention de communiquer suffit-il pour dire quelque chose ? Nos paroles, mêmes confuses et vides, seraient  alors toujours en excès, en diraient toujours plus. La parole se réduit-elle à son contenu ?

Enfin on peut se demander si nous parlons « pour dire quelque chose ». Y a-t-il d’autres fonctions du langage que celle du transfert d’information ? Une parole dont le but n’est pas d’informer ne dit-elle rien ? Le sens se limite-t-il au contenu informatif du message ?

Nous réfléchirons ,dans un premier temps, sur le pourquoi de cette parole « sans importance » que nous opposerons dans un second temps au sérieux des discours. Puis nous nous demanderons si le « dire » est le domaine d’une parole authentique.

I/ Bavarder  

Ils jacassent, glosent, bavardent, devisent, papotent, blablatent, caquètent, jactent, jaspinent ou encore si nous étions en Belgique, ils babelent, ou au Québec, ils placotent. Toutes ces paroles pour ne rien dire. Toute cette salive gaspillée pour ne rien dire. Toute cette énergie, toute ce brouhaha pour au bout du compte ne rien dire. Beaucoup de bruit pour rien en quelque sorte …

  1. Pourquoi parle-t-on pour ne rien dire ?

-(cause) Contrairement aux animaux, dont la communication est directement motivée par des besoins (nutrition, reproduction, prédation), l’homme peut parler pour ne rien dire. En effet, l’objet de la communication n’est pas déterminé à l’avance comme c’est le cas par exemple des abeilles. Leur communication est une réponse à un stimulus ou attend en retour une réaction et non un dialogue. L’homme peut parler de tout (et donc de rien !) puisque le lien entre sa communication et et son objet n’est pas programmé.

but premier communication seconde pour l’animal / inverse pour l’homme. De plus, la structure du langage composé de morphèmes et phonèmes permet une infinité de combinaisons possibles (pouvoir génératif du langage). Le lien entre signifiant et signifié étant conventionnel, on peut aussi imaginer inventer des mots qui ne correspondent à rien qui existe, à des pures abstractions.

Cf. Saussure

– (but) Pour échapper à l’ennui, pour passer le temps, pour se distraire (cf. le thème du « divertissement » dans « Les Pensées » de Pascal). On parle « de tout et de rien », est-ce pour échapper à la peur du « rien » ? Ne pouvant parler du « tout » (Dieu, l’infini), on comblerait notre finitude par une logorrhée indigeste.

  • Pour échapper à la solitude, pour établir un lien, même superficiel, éphémère et dérisoire avec autrui (cf. la notion de « contagion affective » dans « Nature et formes de la sympathie » de Max Scheler)

 

b) Le caractère superficiel du bavardage (de rien d’intéressant en particulier): On bavarde « de choses et d’autres », « de tout et de rien ». Si l’on passe aussi facilement d’un sujet à l’autre, c’est que tous les sujets se valent et qu’ils valent tous aussi peu. L’opinion ne dispense d’une justification, argumentation, n’étant que la rumeur, le oui-dire, le cancan ou le commérage qui ne survit qu’en s’altérant dans la bouche de ses colporteurs.

ex : proverbes, lieux communs, prêt à penser, légendes urbaines, superstitions…

Cf. Bachelard « l’opinion a en droit toujours tort » Formation de l’esprit scientifique. 

c) Le caractère impersonnel et stéréotypé du bavardage (de rien de personnel, intime, singulier) :

  • Le bavardage requiert et maintient l’anonymat des consciences ; le « je » et le « tu » s’abolissent dans l’anonymat du « on ». Le bavardage relève de l’opinion : ce qui intéresse tout le monde n’intéresse personne en particulier. Le bavardage dégrade la relation en contact et fait du message un prétexte. Pour Soren Kirkegaard, le verbiage est la caractéristique essentielle de la foule. »
  • Bourdieu : sujets des journaux pour susciter le consensus, langue de bois

d) Inutilité du bavardage :

Le bavardage ne vise aucune fin particulière, il est à lui-même sa propre fin.

 

Transitions-objections ;  personne n’échappe tout à fait à la fonction « phatique » du langage. le « bavardage » n’est pas « inutile », il a une fonction sociale bien précise : établir un contact, créer des liens ; De ces petites paroles de la vie qui ne disent rien : « ça va ? », « il fait beau aujourd’hui ». Sommes-nous sûrs de vraiment considérer la santé de la personne à laquelle on s’adresse ? Que dire des interjections, des accents, des formes verbales ? Tout cela serait-il un parasitage du message ? On peut en effet s’accorder sur les multiples façons de n’avoir rien à dire, même lors qu’on veut dire quelque chose. On rate le message, l’adresse, et la personne à laquelle on parle ne comprend rien. Dans une telle situation, qui ne comprend pas ? Celui qui s’exprime ou celui qui écoute ? Où se trouve le parasite ? Quand bien même c’est le locuteur qui émet les parasites avec des « euh » par exemple, est-ce de son initiative seule ou est-ce induit par celui qui écoute ? Qui produit le parlé ? Celui qui parle ou celui qui écoute ? Est-ce parce que quelqu’un écoute qu’on parle ou est-ce parce qu’on parle que quelqu’un écoute ?

qui sommes-nous, après tout pour décider que telle parole est « oiseuse » et que telle autre ne l’est pas ? 

 

 II/ « Parler pour dire » : 

 

a) Pourquoi parle-t-on ?

 

– La parole se veut « sérieuse » (cf. les termes « animaliers » pour désigner le bavardage. On ne cherche pas à s’évader de la réalité, mais à la rejoindre, à la comprendre, à agir sur elle.

  • Parler, c’est transmettre un message à autrui, déployer une intention active et consciente de communication, c’est la fonction référentielle du langage comme le décrit Jakobson – (ou « dénotative » : le message est centré sur le référent ; le langage parle du « monde ».)

Nous parlons pour dire quelque chose :

Parler, au sens large = utiliser une langue, pas nécessairement oralement, pour communiquer. Une langue est un système de signes qui sert à communiquer (Ferdinand de Saussure).

Nous parlons pour communiquer, c’est-à-dire transmettre par un canal à un récepteur un message au sujet d’un référent. Ce message n’a-t-il pas un sens ?

En règle général, donc, parler, c’est dire quelque chose à quelqu’un.

 

b) Ce message pour ne pas être vide doit respecter certaines conditions. Toute parole ,pour ne pas parler de rien, doit s’exprimer de façon claire et argumentée. En ce sens, si « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », une parole pour ne pas être palabre, ou verbiage doit contenir un minimum de rhétorique. Si le rien est le contradictoire, alors pour parler de quelque chose, il faut les respecter les règles de tout discours cohérent. (Cf. Organon Aristote).

c) La parole authentique se distingue de l’opinion. Elle s’assume, se défend, s’argumente. Elle ne craint pas les oppositions car elle est construite et claire. Ainsi parler c’est risquer le dissensus, le désaccord, le conflit. C’est non seulement discuter mais aussi disputer. C’est fuir les stéréotypes, les lieux communs pour une parole authentique, personnelle. C’est parfois être le seul à défendre ses idées contre tous.

Cf. Montaigne, Voltaire, Zola, Martin Luther King…

Objections-Transitions  :

Cependant cette critique du bavardage et cette valorisation d’une parole dont la fonction serait de dire quelque chose présuppose d’une part que celui-ci se servirait à rien et ne signifierait rien, d’autre part que elle-là n’aurait d’autre fonction, pouvoir que de véhiculer une information. Ce serait à condition d’omettre les différentes fonctions de la parole.

Ainsi même si son objet peut être irréel (mythe ou fable), c’est-à-dire rien qui n’existe, la parole, en ne disant rien, peut servir plus efficacement les buts pédagogiques ou didactiques par exemple. 

Plus généralement, aucune parole n’est neutre mais vise l’efficacité (Les techniques modernes de communication cherchent à agir sur autrui, la science parle en langage mathématique, condition d’une action sur les choses.)

La parole revêt elle aussi, par son souci de sérieux, souvent un caractère anonyme, impersonnel (la propagande, la publicité, le langage scientifique et technique…) On se sert souvent du langage pour communiquer des données impersonnelles ; la communication sociale nous fait participer à un monde commun, mais ce monde est un monde de concepts et non de consciences. La caractère impersonnel du bavardage pourrait donc n’être qu’une caractéristique plus essentielle de toute parole (publique). 

De plus, le langage devrait-il toujours servir à « dire quelque chose » ? Sommes-nous sûrs dès lors que nous disons toujours quelque chose lorsque nous parlons ? Que dire alors de ces formes de langage comme la poésie dadaïste par exemple ? Ou encore de ces chansons dans une langue inconnue ? De la musique même ? 

 

III Les fonctions d’une parole authentique

a- la communication d’un message ou l’expression d’un sentiment n’est pas la seule fonction de la parole

Outre le fait que certaines parole soient insignifiantes(c’est-à-dire sans importance ou hors de propos) ou même incohérentes (le cas du délire), certaines fonctions du langage ne visent pas directement à transmettre un sens (Cf. les différentes « fonctions » du langage selon Roman Jacobson) :

Parler peut être un moyen d’établir le lien préalable à toute communication. C’est la fonction phatique (établir le contact entre l’émetteur et le récepteur, attester d’une reconnaissance réciproque). Ex. « Allô ? ». Dans ce cas, je ne parle pas pour dire quelque chose mais avant de dire quelque chose pour m’assurer que quand je dirai quelque chose, mon message sera bien transmis (c’est une des fonctions du bavardage). => Mauss don http://www.cairn.info/revue-transversalites-2009-3-page-115.htm

Parler peut aussi consister à faire quelque chose plutôt qu’à dire quelque chose (conative). C’est la fonction performative (Austin). Dire « je te promets de venir demain », ce n’est pas simplement communiquer l’information que je viendrai, c’est aussi faire la promesse de venir. Il n’y a pas d’autres façons de promettre que de dire que l’on promet (d’où le titre de l’ouvrage de Austin : Quand dire, c’est faire).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Acte_de_langage

https://fr.wikipedia.org/wiki/Performativité

Parler peut enfin consister à créer des formes. C’est la fonction esthétique (créer un univers poétique). La forme du message est alors plus importante que le contenu du message. « Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville » n’est pas équivalent à « je suis très triste ». Le poème n’informe pas sur les états d’âme du poète, mais crée un univers poétique indépendant du sens propre. C’est particulièrement évident dans le cas des poèmes de Mallarmé du fait que leur interprétation littérale est impossible. //fin en soi

En outre, la parole peut également ne rien dire au sens où elle est circulaire (ou elle parle d’elle-même) jusqu’à ne désigner rien d’autre qu’elle-même. C’est la fonction « métalinguistique » : le message est centré sur le langage lui-même (les grammairiens, les linguistes décrivent le fonctionnement du langage), on fait jouer la fonction métalinguistique lorsqu’on explicite ce que l’on dit (« je veux dire… », « c’est-à-dire… », « en d’autres termes… »)

 

b – Enfin, toute parole n’a-t-elle pas un sens malgré tout ?

1- La parole insignifiante peut avoir plus de portée qu’on ne pense.

•Le sens ne dépend pas seulement du locuteur mais aussi du récepteur.

Si autrui pourrait considérer qu’on parle pour ne rien dire alors que nous voulons dire quelque chose, c’est donc que le sens est une construction commune. Il n’y a pas de parole solitaire, de sens sans échange. Parler c’est aussi s’assurer qu’on est compris, et écouter c’est permettre à l’autre de parler aisément. En ce sens, les discours totalitaires parlent pour ne rien dire car ils n’attendent pas de dialogue, ne proposent pas une construction commune.

Le langage comme système de signes est un système d’oppositions qui confère à ses éléments un sens par le simple jeu des relations et des différences entre ces éléments. Le meilleur exemple en est le S+7 inventé par Queneau. Si dans un texte on remplace tous les substantifs par le septième substantif qui le suit dans un dictionnaire, le texte obtenu n’a pas de sens, il est absurde. Et pourtant, il n’est pas totalement privé de signification. Les associations arbitraires créées par le jeu des substitutions évoquent chez l’auditeur des sens insoupçonnés qui charment, font sourire ou inquiètent. Le surréalisme d’un Paul Eluard (la terre est bleu comme une orange) en est l’illustration.

2- La parole, délirante ou non, peut avoir un sens inconscient

Cf. les thèses de Freud https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2004-2-page-259.htm

3- Même quand on communique pour d’autres buts que simplement dire quelque chose, on dit toujours quelque chose.

-son âge, son humeur, son statut social, ses origines, sa volonté d’appartenir à un groupe…

Cf. Ernaux, Maupassant, Hugo, Bourdieu…

On ne pourrait donc avoir accès à la totalité de la parole, à son authenticité qu’à condition de lâcher du lest au vouloir dire, de ne pas la réduire à la fonction référentielle mais de lui permettre de s’ouvrir un champ des possibles de l’esthétique, inconscient, social, voire religieux.

Ainsi, il semblerait qu’on puisse tomber dans deux excès : ne pas prendre la parole au sérieux (bavarder) ou bien l’asservir au sérieux (ne parler que pour dire, instrumentaliser la parole).

C’est de ce constat que nait le besoin d’éprouver la fécondité du silence : les grandes spiritualités nous invitent à faire l’expérience du silence (bouddhisme zen, monachisme chrétien). On parle souvent « pour éviter l’indiscrétion du silence », on a peur du silence, de « l’inquiétante étrangeté » du « rien ». On trouve le concept d’aphasie dans la philosophie grecque antique, notamment chez Pyrrhon d’Elis. Celui-ci enseignait que l’essence des choses est indéterminable et indicible. L’aphasie est donc le fait de ne rien pouvoir dire sur les choses. Le fait que les jugements contraires ont exactement la même force conduit Pyrrhon à l’absence totale d’opinion et à l’absence de parole vraie.

http://www.philo5.com/Les%20philosophes%20Textes/PyrrhonD’Elis_OntDitSur.htm

Plus généralement, avant de combler le vide par du rien, les sagesses nous invitent à apprendre à écouter autrui et le monde, pour « voir » et non pour « comprendre » ou pour « agir » ; abandonner un peu la « raison raisonnante » pour « entrer en résonnance ».

S’il est possible de vouloir ne rien dire, il est impossible de ne rien dire du tout à partir du moment où l’on prend la parole. Toute parole échappée laisse échapper du sens. On ne peut ne rien dire qu’en se taisant. Mais même se taire peut vouloir dire quelque chose (ex.: la minute de silence, « un silence en dit long »…).

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