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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

Séduction de la parole : vice ou vertu ?

-séduire pour séduire : plaisir, esthétique de la parole – l’artiste, le poète (aède), le chant

-séduire pour tromper, manipuler – le démagogue

Texte de Philippe Breton, Éloge de la parole, 2007 :

La possibilité d’utiliser la parole pour être violent ne provient-elle pas d’un mélange, d’une confusion des formes de la parole ? Il est frappant en effet de remarquer que la violence est presque toujours, dans ce contexte, le produit du décalage entre un contrat de communication annoncé et une pratique effective qui s’en détourne le plus discrètement possible.

Prenons l’exemple de l’information. L’emploi de cette forme implique que l’on annonce, le plus souvent sur un mode implicite, le contrat de communication suivant : ce que je vais vous décrire correspond à l’observation la plus objective que je sois capable de faire. Ce contrat est passé avec l’auditoire qui s’attend donc à rencontrer une parole composée de « faits» (c’est le cas typique du reportage réalisé par un journaliste). On sait la difficulté de l’opération, mais on sait aussi, que, dans certaines limites, elle n’est pas impossible.

La violence exercée sur l’auditoire commence lorsque, tout en annonçant que l’on met en oeuvre ce contrat de communication, on travestit en « faits » les opinions que l’on veut faire passer. Le cas ultime de cette torsion est la désinformation, véritable mécanique de précision destinée à faire passer pour fait ce qui ne l’est pas. Il y a violence non pas parce que les faits sont tordus et déformés, ou parce que c’est une opinion que l’on transmet, mais parce que cela s’accompagne de l’annonce que l’on se situe sur le registre de l’information. La confusion cachée des formes est ici le ressort de la contrainte exercée — car on force ainsi l’auditoire à accepter quelque chose qu’il n’aurait pas admis autrement.

Un autre exemple de la confusion des formes est l’usage — toujours caché comme tel — de la séduction dans l’argumentation. La publicité utilise beaucoup ce registre, mais il est fréquent aussi dans la manipulation politique, où il est la marque des démagogues. Le contrat de communication implicite qui accompagne la forme argumentative est que l’on va proposer de « bonnes raisons » à l’auditoire pour le convaincre, que rien ne sera caché dans le jeu et qu’il sera libre d’adhérer à l’opinion qu’on lui propose. Or le contrat est violé, discrètement mais avec de fortes conséquences, si les « bonnes raisons» s’effacent devant des procédés relevant de la forme expressive, comme par exemple, la séduction.

Séduire pour séduire, voilà qui ne fait aucun problème, à l’intérieur de la forme expressive où le contrat de communication est clair de ce point de vue : j’éprouve de l’attirance, je l’exprime, j’en déduis des souhaits, des désirs, Séduire pour argumenter, en revanche, fait passer une frontière et sauter d’un genre à l’autre. Là aussi, la confusion des genres est porteuse de violence. L’exemple de l’emploi de stimuli érotiques sans rapport, associés mécaniquement à un objet dont on veut faire la promotion, est typique de ces procédés de confusion des genres qu’emploie la publicité.

L’usage de la parole séductrice en politique semble attesté dès les débuts de la démocratie. En politique, le prototype du séducteur est le démagogue, personnage déjà bien connu des Grecs anciens. Euripide décrit ainsi « celui qui est capable de s’adapter aux circonstances les plus déconcertantes, de prendre autant de visages qu’il y a de catégories sociales et d’espèces humaines dans la cité, d’inventer les mille tours qui rendront son action efficace dans les circonstances les plus variées »

Le démagogue est celui qui veut convaincre qu’il est le bon candidat au poste auquel il postule. Pour cela, il va faire croire à l’auditoire, par différentes stratégies, qu’il pense comme lui. Mieux : s’adressant à plusieurs auditoires particuliers, il va faire croire à chacun d’eux qu’il pense comme lui.

Le séducteur n’affirme pas son point de vue propre, il se coule dans le point de vue d’autrui. Comme le dit joliment Lionel Bellenger, « séduire, c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre ». Jean Baudrillard a insisté avec raison sur l’importance de la métamorphose dans l’acte de séduction. L’exercice démagogique implique une incroyable souplesse et, très souvent, passe par la construction d’un vocabulaire politique suffisamment ambigu pour que les mêmes mots puissent se métamorphoser, en fonction de l’attente de chacun des auditoires qui les reçoivent.

Si l’on en croit Aristote, une nouvelle norme de la parole tendra à s’imposer dans plusieurs cités grecques, celle qui consiste à refuser que les orateurs plaident « en dehors de la cause ». Cette règle, simple en théorie, permet d’écarter la séduction comme procédé qui se détourne de l’énoncé argumentatif. Elle a pour origine, toujours selon Aristote, les trop nombreuses tentatives de séduire le juge, tes jurys, l’assemblée, en lieu et place d’un discours argumentatif. La fréquence du recours à la séduction en politique et la tolérance dont elle est l’objet seraient-elles un bon indicateur du statut de la parole dans une société donnée?

Machiavel 

Du bon usage du mensonge en politique – Platon La République exemplier.du.bon.usage.du.mensonge.en.politique_luc.brisson_23.11.20

-séduire pour amener, conduire vers la vérité – le philosophie, le professeur (l’avocat ?)

  • Phèdre : usage pédagogique et psychagogique de la rhétorique.

SOCRATE.

La vertu du discours étant d’entraîner les âmes, [271d] celui qui veut devenir orateur doit savoir combien il y a d’espèces d’âmes. Elles sont en certain nombre, et elles ont certaines qualités par lesquelles elles diffèrent les unes des autres. Cette division établie, on distingue certaines espèces de discours qui ont certaines qualités. Or, on persuade aisément à telles ou telles âmes telle ou telle chose par tels discours, pour tels motifs, tandis qu’à telles autres il est difficile de persuader telle ou telle chose. Il faut que l’orateur suffisamment instruit de tous ces détails puisse ensuite les retrouver dans toutes les actions, dans toutes les circonstances de la vie, et les y démêler


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[271e] d’un coup d’œil rapide, ou bien il doit se résoudre à n’en savoir jamais plus que ce qu’il a appris de ses maîtres, lorsqu’il suivait leurs leçons. Quand il sera capable de dire quels discours peuvent opérer la conviction et sur qui, et que, rencontrant un individu, il pourra le pénétrer soudain et se dire à soi-même, [272a] voilà bien une âme de telle nature, telle qu’on me la dépeignait ; la voilà présente devant moi, et pour lui persuader telle ou telle chose, je vais lui adresser tel ou tel langage ; quand il aura acquis toutes ces connaissances, et que de plus il saura quand il faut parler et quand se taire, quand employer ou quitter le ton sentencieux, le ton plaintif, l’amplification, et toutes les espèces de discours qu’il aura étudiées, de manière qu’il soit sûr de placer à propos toutes ces choses et de s’en abstenir à temps, il possédera parfaitement l’art de la parole; jusque-là non : [272b] et quiconque, soit en parlant, soit en enseignant, soit en écrivant, oublie quelqu’une de ces règles, et prétend parler avec art, on à raison de ne pas le croire.

  • Les LoisIV, 722d-723 d : nécessité des Préludes pour charmer l’âme, convaincre celui qui n’a pas le savoir.
    L’art de la parole et l’autorité de la parole pour s’adresser au peuple que l’on gouverne.

L’ATHÉNIEN.

D’une chose à laquelle, par je ne sais quel bonheur, notre entretien a donné naissance. En effet cette conversation sur les lois a commencé dès le matin ; il est déjà midi, et nous voilà arrivés au lieu délicieux si propre à nous délasser, sans avoir parlé d’autre chose que des lois ; et [722d] cependant nous n’avons entamé la matière à proprement parler que depuis un instant, et tout ce qui a précédé ne doit être regardé que comme un prélude. Qu’entends-je par là? Je veux dire que dans tous les discours, et généralement partout où la voix intervient, il y a des préludes, et comme des exercices préparatoires où l’on 250 s’essaye, selon les règles de l’art, à exécuter ce qui doit suivre.

Les mythes chez Platon : fonction du mythe comme approche d’une vérité commune aux hommes.

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