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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

Archive for the 'bonheur' Category

Textes sur le désir : Rousseau, Saint Augustin, Flaubert

Dans les textes ci-dessous, on se demande quel est l’objet du désir, ce que nous désirons au final. L’objet du désir est-il vraiment celui que nous croyons ? 

Emma dans Madame Bovary désire Rodolphe, son amant. Mais très vite, on s’aperçoit que ce qu’elle aime dans ce désir c’est l’effet qu’il produit sur elle. Elle aime « ses grands yeux noirs et profonds », elle s’imagine être une de ces « héroïnes de livres » qu’elle a lu dans sa jeunesse. Ainsi l’objet de son désir, Rodolphe, n’est qu’un prétexte pour désirer. Ce qu’elle aime réellement c’est le désir.

De même, Saint Augustin, dans ses Confessions, s’aperçoit au cours de son introspection, lorsqu’il analyse sa vie avant sa conversion, que s’il multipliait les désirs, il « aimait à aimer »; »cherchait un objet à son amour ». Aucun ne le comblait véritablement, il n’était jamais rassasié, satisfait. Il faisait l’expérience de l’infinité des objets du désir qui se renouvelle sans cesse. Le désir est donc essentiellement démesure, son objet par excellence est l’infini. Saint Augustin est passé d’une infinité d’objets à un désir de l’infini (Dieu).

Dans la Nouvelle Héloise,  Rousseau s’interroge sur le rapport entre le désir et le bonheur. Il commence par exposer quatre paradoxes. « Malheur à qui n’a plus rien à désirer…..heureux »; qu’il va tenter de dénouer dans la suite du texte. Le plaisir ressenti dans le désir est dû à l’imagination qui rend l’objet du désir « présent et sensible en quelque sorte » et l’embellit, le modifie, le pare... Mais la réalité est moins belle que ce que nous avions imaginé. Le bonheur n’est donc pas la satisfaction d’un désir, mais dans le désir lui-même. Avoir tous ses désirs satisfaits ne nous rendrait pas heureux puisqu’on serait privé du « plaisir de désirer »; « vivre ainsi c’est être mort ». Une vie sans désir est-elle possible pour l’homme ? Non pas. Ce serait une vie sans but, objectif, motif d’agir. 

L’analyse de Rousseau est comparable à celle que fait Stendhal. Le concept de la cristallisation a été inventé par Stendhal dans son ouvrage De l’amour, publié en 1822, pour décrire le phénomène d’idéalisation à l’œuvre au début d’une relation amoureuse : « En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce qu’on aime »

Rendu malheureux par son amour pour Matilde Dembowski rencontrée a Milan en mars 1819, Stendhal a l’idée d’écrire un ouvrage où il exprimera tout ce que lui fait éprouver Matilde. Plutôt que de passer par la fiction, comme il en avait initialement l’intention, il écrit un ouvrage d’analyse psychologique du sentiment amoureux.

Stendhal explique à son amie ce qui est en train de se produire, et lui propose son analogie, qu’elle comprend ainsi : « au moment où vous commencez à vous occuper d’une femme, vous ne la voyez plus telle qu’elle est réellement, mais telle qu’il vous convient qu’elle soit. »

Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.

Si cet effet n’a pas toujours lieu sur les objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun qui les comprend toutes. Vivre sans peine n’est pas un état d’homme ; vivre ainsi c’est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus supportable. 

la Nouvelle Héloïse (1761) Rousseau

 » Je vins à Carthage, et partout autour de moi bouillait à gros bouillons la chaudière des amours honteuses. Je n’aimais pas encore, et j’aimais à aimer; dévoré du désir secret de l’amour, je m’en voulais de ne l’être pas plus encore. Comme j’aimais à aimer, je cherchais un objet à mon amour, j’avais horreur de la paix d’une voie sans embûches. Mon âme avait faim, privée qu’elle était de la nourriture de l’âme, de vous-même, mon Dieu, mais je ne sentais pas cette faim. J’étais sans appétit pour les aliments incorruptibles, non par satiété, mais plus j’en étais privé, plus j’en avais le dégoût. Et c’est pourquoi mon âme était malade et, rongée d’ulcères, se jetait hors d’elle-même, avec une misérable et ardente envie de se frotter aux créatures sensibles. Mais si ces créatures n’avaient pas une âme, à coup sûr, on ne les aimerait pis. Aimer et être aimé m’était bien plus doux, quand je jouissais du corps de l’objet aimé. Je souillais donc la source de l’amitié des ordures de la concupiscence; j’en ternissais la pureté des vapeurs infernales de la débauche. Repoussant et infâme, je brûlais dans mon extrême vanité de faire l’élégant et le mondain. Je me ruai à l’amour où je souhaitais être pris. Mon Dieu, qui m’avez fait miséricorde, de quel fiel, dans votre bonté, vous en avez arrosé pour moi la douceur ! Je fus aimé, j’en vins secrètement aux liens de la possession.  »

Saint-Augustin, Confessions

D’abord, ce fut comme un étourdissement ; elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe, et elle sentait encore l’étreinte de ses bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient.

Mais, en s’apercevant dans la glace, elle s’étonna de son visage. Jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.

Elle se répétait :  » J’ai un amant ! un amant !  » se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l’entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l’existence ordinaire n’apparaissait qu’au loin, tout en bas, dans l’ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.

Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de soeurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d’amoureuse qu’elle avait tant envié. D’ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N’avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l’amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.

Flaubert Madame Bovary

https://www.youtube.com/watch?v=s39gChKrhYI

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Textes sur le désir et consommation

Ces textes nous montrent comment la société de consommation exacerbe le mécanisme du désir fondé sur la logique cyclique de l’insatisfaction. En proposant sans cesse de nouveaux objets, elle ne fait qu’amplifier le phénomène. De plus, les stratégies de la publicité mettent en lumière la cause profonde du désir : un manque radical d’être. Elles ne nous offrent pas de l’avoir mais de l’être : nous allons être plus beaux,  aventuriers, princesses ou de bons parents en achetant tel ou tel produit. On peut donc dire, à l’instar de Baudrillard dans Système des objets que « la consommation n’a pas de limite ». Enracinée dans ce manque d’être, elles nous offrent des symboles, des images que nous cherchons à atteindre en vain. Car jamais des objets, de l’avoir ne pourra se substituer à l’être.

 

 » Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…).

Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…).

Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. « 

Patrick Le Lay, PDG de TF1, interrogé parmi d’autres patrons dans un livre Les dirigeants face au changement (Editions du Huitième jour)

« Je me prénomme Octave et m’habille chez APC. Je suis publicitaire : eh oui, je pollue l’univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n’aurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché sur Photoshop. Images léchées, musiques dans le vent. Quand, à force d’économies, vous réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, celle que j’ai shootée dans ma dernière campagne, je l’aurai déjà démodée. J’ai trois vogues d’avance, et m’arrange toujours pour que vous soyez frustré. Le Glamour, c’est le pays où l’on n’arrive jamais. Je vous drogue à la nouveauté, et l’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas.

Votre souffrance dope le commerce. Dans notre jargon, on l’a baptisée « la déception post-achat ». Il vous faut d’urgence un produit, mais dès que vous le possédez, il vous en faut un autre. L’hédonisme n’est pas un humanisme : c’est du cash-flow. Sa devise ? « Je dépense donc je suis. » Mais pour créer des besoins, il faut attiser la jalousie, la douleur, l’inassouvissement : telles sont mes munitions. Et ma cible, c’est vous. »

99 Francs Beigbeder 

Il n’y a pas de limites à la consommation. Si elle était ce pour quoi on la prend naïvement : une absorption, une dévoration, on devrait arriver à une saturation. Si elle était relative à l’ordre des besoins, on devrait s’acheminer vers une satisfaction. Or, nous savons qu’il n’en est rien : on veut consommer de plus en plus. Cette compulsion de consommation n’est pas due à quelque fatalité psychologique (qui a bu boira, etc.) ni à une simple contrainte de prestige. Si la consommation semble irrépressible, c’est justement qu’elle est une pratique idéaliste totale qui n’a plus rien à voir (au-delà d’un certain seuil) avec la satisfaction de besoins ni avec le principe de réalité. C’est qu’elle est dynamisée par le projet toujours déçu et sous-entendu dans l’objet. Le projet immédiatisé dans le signe transfère sa dynamique existentielle à la possession systématique et indéfinie d’objets/signes de consommation. Celle-ci ne peut dès lors que se dépasser, ou se réitérer continuellement pour rester ce qu’elle est : une raison de vivre. Le projet même de vivre, morcelé, déçu, signifié, se reprend et s’abolit dans les objets successifs.

Baudrillard Le Système des objets

Jusqu’ici, toute l’analyse de la consommation se fonde sur l’anthropologie naïve de l’homo œconomicus, ou mieux de l’homo psycho-œconomicus. Dans le prolongement idéologique de l’Économie Politique classique, c’est une théorie des besoins, des objets (au sens le plus large) et des satisfactions. Ce n’est pas une théorie. C’est une immense tautologie1 : « J’achète ceci parce que j’en ai besoin » équivaut au feu qui brûle de par son essence phlogistique2[…].
Cette mythologie rationaliste sur les besoins et les satisfactions est aussi naïve et désarmée que la médecine traditionnelle devant les symptômes hystériques ou psychosomatiques. Expliquons-nous : hors du champ de sa fonction objective, où il est irremplaçable, […] l’objet devient substituable de façon plus ou moins illimitée dans le champ des connotations, où il prend valeur de signe. Ainsi la machine à laver sert comme ustensile et joue comme élément de confort, de prestige, etc. C’est proprement ce dernier champ qui est celui de la consommation. Ici, toutes sortes d’autres objets peuvent se substituer à la machine à laver comme élément significatif. Dans la logique des signes comme dans celle des symboles, les objets ne sont plus du tout liés à une fonction ou à un besoin défini. Précisément parce qu’ils répondent à tout autre chose, qui est soit la logique sociale, soit la logique du désir, auxquels ils servent de champ mouvant et inconscient de signification.
Toutes proportions gardées, les objets et les besoins sont ici substituables comme les symptômes de la conversion hystérique ou psychosomatique. Ils obéissent à la même logique du glissement, du transfert, de la convertibilité illimitée et apparemment arbitraire. Quand le mal est organique, il y a relation nécessaire du symptôme à l’organe (de même que dans sa qualité d’ustensile, il y a relation nécessaire entre l’objet et sa fonction). Dans la conversion hystérique ou psychosomatique, le symptôme, comme le signe, est arbitraire (relativement). Migraine, colite, lumbago, angine, fatigue généralisée : il y a une chaîne de signifiants somatiques au long de laquelle le symptôme « se balade » — tout comme il y a un enchaînement d’objets/signes ou d’objets/symboles, au long duquel se balade, non plus le besoin (qui est toujours lié à la finalité rationnelle de l’objet), mais le désir, et quelque autre détermination encore, qui est celle de la logique sociale inconsciente.
Si on traque le besoin en un endroit, c’est-à-dire si on le satisfait en le prenant à la lettre, en le prenant pour ce qu’il se donne : le besoin de tel objet, on fait la même erreur qu’en appliquant une thérapeutique traditionnelle à l’organe où se localise le symptôme. Aussitôt guéri ici, il se localise ailleurs.
Le monde des objets et des besoins serait ainsi celui d’une hystérie3généralisée. De même que tous les organes et toutes les fonctions du corps deviennent dans la conversion un gigantesque paradigme que décline le symptôme, ainsi les objets deviennent dans la consommation un vaste paradigme où se décline un autre langage, où quelque chose d’autre parle. […] On pourrait dire que cette fuite d’un signifiant à l’autre n’est que la réalité superficielle d’un désir qui, lui, est insatiable parce qu’il se fonde sur le manque, et que c’est ce désir à jamais insoluble qui se signifie localement dans les objets et les besoins successifs.
Sociologiquement […] on peut avancer l’hypothèse que […] si l’on admet que le besoin n’est jamais tant le besoin de tel objet que le « besoin » de différence (le désir du sens social), alors on comprendra qu’il ne puisse jamais y avoir de satisfaction accomplie, ni donc de définition du besoin.

Jean Baudrillard, La société de consommation(1970).

1. tautologie : lapalissade, truisme.
2. phlogistique : propre à s’enflammer.
3. hystérie : ici, désir névrotique sans limites.

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Vidéos sur le désir, le bonheur

https://www.youtube.com/watch?v=9nbscrKvDMs

 

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La nature contradictoire du désir

Le désir est un mouvement, une tension (pulsion) vers un objet possible de satisfaction, il résulte d’un manque. On ne désire que ce qu’on n’a pas.

Il se distingue du besoin, nécessaire, qui porte sur un objet général (manger, dormir…) mais a en commun avec lui de s’inscrire dans une logique cyclique de l’insatisfaction. Ce cycle suggère l’esclavage, la répétition, le châtiment à l’instar des nombreux mythes ( Prométhée, Tantale, Sisyphe, les Danaïdes…). Dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont les cinquante filles du roi Danaos. Elles accompagnent leur père à Argos quand il fuit ses neveux, les cinquante fils de son frère Égyptos. Après avoir proposé une réconciliation, elles épousent leurs cousins et les mettent à mort le soir même des noces sur l’ordre de leur père. Les Danaïdes sont condamnées, aux Enfers, à remplir sans fin un tonneau sans fond. Ce mythe sera repris par Socrate dans le Gorgias, lorsqu’il compara la conception du bonheur du sophiste à un tonneau sans fond.

Le désir se distingue également de la volonté car si celle-ci est guidée par l’entendement, et par conséquent le rationnel (j’organise rationnellement les moyens en vue d’une fin), celui-ci, en revanche, l’est par l‘imagination; ne connait donc pas les limites de la rationalité:  l’impossible, l’interdit, l’immoral, l’irréel ne le suppriment, ne le réfreinent pas.

Si le désir est un mouvement vers un objet possible de satisfaction, il semble tirer sa raison d’être de celui-ci. La possession du désirable conduirait à la satisfaction, à la plénitude, à l’apaisement. Le manque serait comblé. Le mouvement du désir trouverait ainsi sa fin, il n’aurait plus lieu d’être. Mais il semble qu’il n’en soit pas ainsi.

En effet, l’objet désiré une fois obtenu perd son caractère de désidérabilité. Que devient le désirable, en effet, s’il n’est plus désiré ?

Ensuite, une satisfaction complète du désir (qui s’apparenterait au bonheur) semble impossible car le désir ne cesse de se tourner vers de nouveaux objets; il renaît sans cesse. Son but serait donc aussi sa mort. On peut dire alors qu’il veut et ne veut pas être satisfait car sans manque le désir s’éteindrait et sa fin en fait un processus sans fin. D’ailleurs, que serait une vie sans désir ? Quelles seraient nos motivations, nos raisons d’agir sans désir ? Choisir la mort du désir (ne plus manquer, ne plus souffrir) ne nous conduit-il pas à un désir de mort ( ennui, perte de sens, de but Cf. étymologie anorexie =absence de désir)

Le désir se caractérise ainsi par sa démesure, infini dans le temps et dans les objets, allant jusqu’à se porter sur l’impossible, « l’inaccessible étoile » (d’où l’étymologie desiderare : nostalgie de l’étoile =>sidéral).

Désirer, est-ce alors réellement chercher la satisfaction ? Souhaite-t-on vraiment satisfaire un désir quand on désire ? Ou n’est-ce qu’un prétexte pour désirer ?

Cette nature contradictoire du désir est illustrée dans le Banquet de Platon par la prêtresse Diotime. Celle-ci raconte qu’Éros est fils de Poros (dieu de la Richesse) et de Pénia (dieu de la Pauvreté). Éros incarne l’ambiguïté du désir (épithumia): «Il [Éros] n’est par nature ni mortel ni immortel ; mais dans la même journée, tantôt il est florissant et plein de vie, tant qu’il est dans l’abondance, tantôt il meurt, puis renaît, grâce au naturel de son père. Ce qu’il acquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu’il n’est jamais ni dans l’indigence ni dans l’opulence (…)» (203 e). Le désir oscille entre la plénitude et le manque, l’opulence et le dénuement, ce qui le contraint à être une recherche perpétuelle. La philosophie, comme amour de la sagesse, est marquée du sceau du désir : le philosophe désire être sage mais ne l’est jamais. :)

Pourquoi dès lors désirons-nous ? Quelles sont les causes de ce désir en l’homme qui semble le condamner à ne jamais être au repos, apaisé, satisfait ?

Aristophane, toujours dans le Banquet, explique le désir amoureux, tout particulièrement le fait que « nous cherchions tous notre moitié ». Il raconte le mythe de l’Androgyne. Dans des temps immémoriaux, vivaient des êtres boules à deux têtes, quatre bras, quatre jambes( Il y avait des femme/femme; homme/homme; et femme/homme). Mais leur orgueil suscita le courroux de Zeus qui pour les punir les fendit en deux et les dispersa aux quatre coins du monde. Depuis ce jour, chacun cherche sa moitié, espérant retrouver cette union première. Ce serait donc la nostalgie d’une fusion primitive qui expliquerait le désir amoureux. Le bonheur d’être avec l’être aimé viendrait du sentiment d’être plus un à deux ! (si on est une moitié…). Le manque radical (à la racine) d’être expliquerait ici le désir de l’autre, c’est soi que l’on chercherait en l’autre…

Diotime voit aussi dans le désir un manque radical mais l’enracine dans notre finitude. L’homme mortel, cherche sans cesse à combler cette imperfection, ce vide d’être en créant ou procréant. Le désir motive des actions qui visent à remplir ce vide, à nous éterniser, nous rendre immortels.

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Plan du cours : le Désir

Pourquoi désirons-nous ?

I La nature contradictoire du désir

II la fin du désir

a-Quel est l’objet du désir ? Que désire-t-on ?

b-Pour être heureux, faut-il satisfaire tous ses désirs ? Epicurisme Stoïcisme, Le désir nous condamne-t-il à être malheureux ?

c- Le désir = un détour par autrui pour m’atteindre moi-même ? Le désir : reconnaissance de mon être par autrui

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Corrigé : La conscience peut-elle être un fardeau ?

Analyse :

La conscience : immédiate/réfléchie; avec savoir, prise de conscience théorique et pratique; faculté de se représenter, dédoubler, recul, moi juge/jugé; partial/partielle; pouvoir; âme; médiatisée; réflexion; première vérité; langage; art; révolte; autrui; dignité; grandeur; misère; identité personnelle (unité, unicité, ipséité); fou/amnésique; essence/existence; sujet/objet; temps-mémoire, conscience morale = juger ses actions, bonne/mauvaise conscience, tribunal intérieur, regrets, remords, honte/fierté, empathie, angoisse, nostalgie cf tableau 

peut-elle : possibilité logique, technique, morale => à quelles conditions ?

n’est-ce pas contradictoire ? est ce faisable ?est-ce légitime ?

être : essence, rester, devenir, changer

un fardeau : plusieurs  ? absence de liberté, entrave, effort, douleur, malheur, poids, supporter, endurer, fatalité, soulever, porter, charge, épreuve(expérience), soucis, peines, responsabilité, malheur, misère, punition, châtiment,

Problématique :

Avoir conscience de soi, des autres et du monde confère-t-il à l’homme sa dignité, l’émancipe des instincts animaux ou nuit-il au bonheur et à sa liberté autrement dit révèle sa misère ?

Plan détaillé :

I –  La conscience nous confère des privilèges

A-Ce sont les peines du corps qui peuvent davantage être vécues comme un fardeau

1-exemples :maladies, travail, douleurs, vieillesse;

2- références :conscience= trait d’union entre passé, présent, futur (Bergson)

B-Sans la conscience, nous serions soumis à l’instinct, nous ne serions donc pas libres mais soumis strictement aux lois de la nature, sans libre-arbitre.

1-exemple :Animal pas conscient de son image, servitude, nature/culture

2-références : La conscience comme pouvoir et maitrise des pensées et actes, sujet « capacité à dire « Je », »l’élève au dessus de tous les êtres vivants » dignité » Kant Anthropologie du point de vue pragmatique; « grandeur » Pascal Pensées

C- connaissance de soi, d’autrui et du monde

1-introspection, examen de conscience, remise en question, empathie, science

2- Ref : »Je pense donc je suis » Discours de la méthode, identité personnelle « il est une seule et même personne « Posséder le Je dans sa représentation » Kant (idem);

 

II qui deviennent des fardeaux à condition de :

A- Avoir conscience de ses douleurs physiques, de sa finitude troublent l’âme et nous font souffrir davantage, le passé est irréversible, je ne peux plus le changer ou le revivre.

1-ex : peur de vieillir, angoisse de la mort : c’est notre misère

2-ref : »roseau » Pascal, malheur du temps qui passe (nostalgie),

B-Etre libre entraine la responsabilité, possibilité d’être jugé  : (Locke fou/amnésique), regrets, remords, avoir conscience entraine l’irrésolution, l’hésitation et parfois l’impossibilité d’agir (dilemme),

ref : « tribunal intérieur »(Kant), angoisse de la liberté, de ne pas avoir d’essence (« mauvaise foi » du garçon de café l’Etre et le Néant Sartre)

C- Connaissance partiale et partielle, étonnement, peut-on un jour se connaître ?, sous/sur estimation, narcissisme, subjectivité,

-autrui jamais transparent,

-doute sur la réalité possible (toujours le prisme, le filtre de la conscience) : Descartes, Inception, Matrix, cerveau dans la cuve…;

-conscience des misères dans le monde me peine,

-inconscient remet en cause la souveraineté du sujet conscient « le moi n’est pas maître dans sa propre maison » Essai de psychanalyse appliquée Freud.

 

III Si la conscience de soi est une épreuve, elle n’est pas un fardeau mais une quête à sans cesse recommencer. Prendre conscience de sa condition est libérateur.

A- Le passé n’est pas un fardeau, un poids, mais par ma conscience qui se projette dans le présent et futur, je change le sens de mes actes passés. De plus, je suis condamné (fardeau) à être libre, c’est-à-dire, à choisir mon existence.

1- ex : un séjour en prison, une rencontre

2- ref : »le passé que j’ai être » L’être et le néant Sartre; « l’homme est condamné à être libre » L’existentialisme est un humanisme Sartre

B-Prendre conscience de sa finitude est en réalité la condition pour profiter pleinement des choses essentielles (bonheur) et bien se comporter, cela doit inviter l’homme à fuir le superficiel, ce qui le détourne de sa condition, le divertit pour le centrer sur le propre de l’homme. Ceci donne un idéal moral à respecter que l’homme peut tenter d’approcher.

1-Pascal « Travailler à bien penser : voilà le principe de la morale » (idem), « ne pas relever de l’espace et de la durée », « Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours. »Gandhi 

2-Il n’y aurait ni liberté ni bonheur sans conscience. On ne les sent pas seulement mais pour les vivre il faut du recul. Ce ne sont pas seulement des états mais conscience d’état. 

C- La prise de conscience n’est pas immédiate mais est une épreuve (expérience), une tâche, une quête (mais pas forcement un fardeau) c’est-à-dire, qu’elle n’est pas donnée mais nécessite un effort (parfois douloureux)

1-pour se connaitre (« Connais-toi toi-même » Charmide Socrate),

2-pour accepter le regard d’autrui-reconnaissance (« geste maladroit et vulgaire, honte » L’etre et le néant; « L’enfer c’est les autres » Sartre);

3-pour s’affirmer  par l’art ou la révolte (Hegel Introduction à l’esthétique, L’homme révolté Camus).

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Faîtes-vous partie de la « New Génération » ?

Dans un court métrage intitulé This New Generation, le réalisateur Tom Leeb s’en prend à l’impact des smartphones et réseaux sociaux sur notre comportement. Ce court-métrage interroge notre rapport à la technique et à autrui, ou plutôt comment notre rapport au monde e à soi-même peut être transformé, car toujours médiatisé par la technique. Nous perdons l’habitude de regarder, sentir, toucher; plus de contact direct. L’oeil de la caméra nous informe sur un monde pixelisé. Heidegger dans La question de la technique y voit le danger le plus grand. Plus l’homme se prend pour le « seigneur de la terre », plus il devient une simple pièce du dispositif technique. En croyant prendre le contrôle sur tout, il se dépossède en vérité de tout pouvoir sur lui-même et le monde. De même, tout génère en « utile » ou « inutile », l’efficacité, la rapidité et l’économie de moyens deviennent les maitres-mots et ce, même dans nos rapports humains (de séduction)…

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Sujet : Questions textes Descartes Pascal

Discours de la méthode Descartes

1- Thème, Thèse, Plan

2- Au début du texte, Descartes distingue deux domaines, lesquels ? leurs méthodes ?

3- Quelles sont les champs d’application (3) ?

4-Descartes est-il un sceptique ? Pourquoi ? Caractérisez le doute qu’il utilise.

5- Quel est le résultat de cette méthode ?

6- Pourquoi est-ce une vérité indubitable ?

7- Caractérisez la vérité obtenue.

8- Pourquoi Descartes ressent-il le besoin de rechercher une vérité indubitable, un premier principe ? (contexte).

Réponses ici

Pensées, Pascal

1-Thème, Thèse (paradoxe)

2- Grandeur/misère : la grandeur de l’homme est-elle une différence de nature ou de degré ? Justifiez- Pourquoi l’homme est-il misérable ?

3- On peut concevoir un homme sans mains mais pas sans pensée. Utilisez les repères essentiel/accidentel; nécessaire/contingent pour les distinguer.

4- A quoi l’homme compare-t-il l’homme ? Pourquoi ? Comparez avec l’arbre mentionné au début du texte.  Quels adjectifs lui sont associés ?

5- En quoi réside la noblesse, dignité de l’homme ? Est-ce la noblesse sociale et la dignité des honneurs, du rang ?

6- Qui relève de l’espace et de la durée ? Qui Pascal critique-t-il ici ?

7- Pourquoi est-ce le premier principe de la morale ?

Synthèse : Rédigez un texte résumant la position des deux auteurs sur la conscience.

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CONSCIENCE : Privilège ou Fardeau ?

CONSCIENCE : Privilège ou Fardeau ?

PRIVILEGE                                                                                      FARDEAU

se connaitre, exister                                              partial (sous/surestime), conscience des défauts

identité personnelle

liberté                                                                                            hésitation, responsabilité

bonheur (conscience d’un état)                                           malheur, désespoir, angoisse

contempler la beauté

 

se projeter dans le temps(passé/futur)                  ennui, nostalgie,mélancolie,crainte du futur

fierté                                                                                                         honte

intersubjectivité/conscience des autres                                 haine, jalousie, empathie

empathie, pitié

bonne conscience                                                                mauvaise conscience, remords, regrets

humour                                                                                      susceptibilité

sociabilité(pas instinct)                                                    insociabilité

 

Cf. La conscience peut-elle être un fardeau ?

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La mémoire : supprimer ou modifier les souvenirs … Conséquences sur l’identité et la morale

J’ai un souvenir traumatisant, une expérience douloureuse, je ferais tout pour effacer de ma mémoire ces images qui me reviennent sans cesse.

Quelle frustration parfois de ne pas avoir vécu tel événement ! On se met souvent à rêver, imaginer vivre telle émotion, moment marquant.

Et si on pouvait avoir un accès à nos souvenirs de sorte qu’on puisse les modifier ou les supprimer, en créer de nouveaux ?

Non, nous ne sommes pas dans un film de science-fiction tel Total Recall, mais bien au cœur des recherches qui sont actuellement menées par le MIT, Massachussets Institute of Techonology.

Je vous invite à lire ces fascinantes découvertes :

http://www.slate.fr/life/75936/faux-souvenirs-implantation-memoire-souris

http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/de-faux-souvenirs-implantes-dans-la-memoire-de-souris_1269347.html

Quelles sont les conséquences imaginables d’une telle expérience sur l’homme ?

Pourquoi ,comme l’indique l’article, est-ce éthiquement inconcevable ?

Au premier abord, les possibilités que nous offrent ces avancées sont fabuleuses. On pourrait éviter les syndromes des soldats revenant de la guerre, des victimes de crimes… On pourrait s’implanter des souvenirs agréables et ainsi améliorer considérablement notre vie.

Cependant, souhaitons-nous réellement cela ? Si vous aviez la possibilité en absorbant une pilule de ne vous souvenir de rien de pénible ? Mieux, de vous remémorer vos dernières vacances à Taîti ? Faut-il préférer le bonheur à la vérité ? L’illusion d’une vie sans malheur est-elle préférable à l’authenticité d’une vie lucide ?

Notre identité nécessite deux facultés : la conscience et la mémoire. Si notre mémoire est altérée, supprimée, modifié, est-ce encore nous ? On pourrait douter de tout ce que nous vivons, est-ce bien réel ? ai-je bien vécu cela ?

La deuxième conséquence majeure toucherait le domaine de la morale et de la justice.

En effet, quelle crédibilité donner à un témoignage si la mémoire est modifiable ? Peut-on être responsable, coupable d’un fait dont on ne se souvient pas ? L’amnésie pourrait constituer un formidable subterfuge pour éviter la condamnation…

Cet article nous amène à réfléchir sur notre rapport à la science et la technique. Faut-il tout réaliser sous prétexte que c’est possible ? Quelles limites au « progrès » ?

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