L’intelligence du cœur ou le manuel des émotions à glisser dans tous les casiers d’enseignants

J’ai découvert Isabelle Filiozat grâce à un carnet offert par Colette à mes jujux

En ce qui concerne ce petit cahier d’activités, on a mis du temps à se l’approprier parce que faire entrer Isabelle Filliozat dans sa vie, c’est accepter de lire, d’entendre des choses qui vont nous déranger et nous percuter mais c’est aussi en sortir un peu changé et bouleversé dans ses habitudes et dans ses relations aux autres.

Dans les rayons de ma nouvelle bibliothèque, il y  avait donc l‘Intelligence du cœur, avec un petit macaron « reconnu d’utilité personnelle », j’ajouterai à personnelle « collective ».

 

Isabelle Filliozat est psychologue, elle a écrit de nombreux articles, a beaucoup critiqué l’éducation nationale, ce qui a toujours un peu le don de m’agacer mais peut être qu’un jour j’écrirai un petit coup de griffe contre ces auteurs qui vivent en très grande majorité grâce aux deniers d’enseignants et qui contribuent, l’air de rien, à creuser les inégalités face à l’éducation.

Dans le titre, j’ai évoqué le côté utile de cet ouvrage parce qu’il est vraiment conçu comme ça. Elle commence son ouvrage par définir ce qu’est une émotion puis après les traite toutes une par une dans un chapitre. Les tristesses, les  peurs, les colères, les joies, les amours et donne enfin quelques conseils pour les reconnaître, les exprimer, les vivre au grand jour et donc aussi les accepter chez les autres.

Les compétences socio-émotionnelles m’étaient inconnues jusqu’à il y a 5-6 ans  quand j’ai commencé à m’intéresser aux sciences cognitives. Je m’y intéresse et j’essaie de m’auto-former sur ces-dernières depuis l’an dernier après la lecture d’Heureux d’apprendre à l’école de Catherine Gueguen.

Les deux auteures nous expliquent que sans gestion des émotions, inutile d’essayer de développer quoi que ce soit avec les élèves. C’est la base. Si l’élève ne sent pas en sécurité, en confiance, vous pourrez dérouler le meilleur scénario pédagogique, il sera complètement inefficace.

Comme je l’ai dit la semaine dernière dans ma chronique pédagogique, nous sommes complètement incompétents et nos élèves très inégaux face à la gestion des émotions. Alors on peut retenir de ce livre quelques outils pour s’auto-former et quelques passages qui m’ont interpellés.  Je vous les confie ainsi.

D’abord j’ai beaucoup aimé et je réutiliserai, je pense, lors de séances de vie de classe le questionnaire qui permet d’évaluer son quotient émotionnel. Ce petit exercice a le mérite d’être ludique et l’élève peut le faire lui même sans montrer ses résultats à l’enseignant s’il ne le souhaite pas. Il s’agit de calculer après une trentaine de questions son quotient émotionnel.

Ensuite, je vous livre quelques réflexions qui m’ont interpellée et qui m’ont fait réfléchir sur le discours ou l’attitude que je peux avoir face à mes élèves.

« la seule façon de ne pas transmettre aux autres frustrations, rages, terreurs ou désespoirs, c’est de les partager ». Oui, on peut partager sans attendre une plainte ou un réconfort d’ailleurs mais pour expliquer un état d’esprit, une décision et pour que les élèves ne fassent pas d’amalgame. On peut être en colère par exemple parce que les élèves n’adhèrent pas à une séance sur laquelle on n’ a passé du temps, on peut être déçu par son travail personnel mais on n’est pas en colère contre ces élèves, on ne les déteste pas.  Et puis communiquer sur le coup permet d’éviter d’emmagasiner des frustrations  et d’être aigri.

Elle évoque le désir plutôt que le défi. Le défi se fait sous la contrainte, la peur, le regard de l’autre. Alors que le désir est lié à l’anticipation d’un plaisir. Cette phrase est importante pour moi parce qu’elle doit être reliée à la motivation intrinsèque, à ce qui motive l’élève intérieurement, à la volonté de progresser, et non à la motivation extrinsèque, à la note. Trop souvent, le système challenge les élèves, leur donne des objectifs à atteindre et finit par les paralyser. Le fameux « et si j’y arrive pas », et là je sais de quoi je parle, j’étais de ceux là en tant qu’élève.

A plusieurs reprises, elle nous explique comment passer par la communication non violente pour exprimer son émotion et surtout celle de la colère qui se rattache toujours selon elle à une cause plus profonde telle qu’une blessure intérieure, de la frustration ou encore un manque. On en reparlera plus tard mais la communication non violente est un outil dont on ne nous parle jamais lors de nos formations et c’est bien regrettable. On devrait maîtriser cet art de la communication à la perfection afin de pouvoir le transmettre. Heureusement, de plus en plus de collègues du primaire l’enseigne et j’ai bon espoir que d’ici quelques années, on ait de plus en plus d’élèves capables de communiquer sans violence mais il faut aussi former les enseignants et quand on voit le prix de ces formations, c’est juste scandaleux qu’elles ne soient pas inscrites dans notre programme de formation.

Toujours dans le cadre de cette nécessité de communiquer, elle insiste sur l’importance de la réconciliation, du pardon, du refus et de l’exposition d’un besoin. Là ces quelques pages m’ont renvoyé à mes énervements ou mes lassitudes personnelles, j’essaie de plus en plus d’exprimer ce besoin le plus clairement et calmement possible même si je dois admettre que parfois je sens ma voix vaciller, ce qui me fait penser d’abord que comme je le disais plus haut, la communication non violente ça s’apprend et qu’ensuite ça doit renvoyer en moi à des « blessures d’enfant intérieur » comme elle le dit souvent que je n’arrive pas encore à identifier clairement ! Oui ce livre peut avoir une petite vertu thérapeutique. Pour la communication non violente, le livre de référence est bien évidemment celui de Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)

J’ai aussi beaucoup aimé le chapitre sur la tristesse puisqu’il m’a permis effectivement de prendre conscience que souvent elle est à rattacher à un sentiment de perte et de déception, nous avons fait le choix de vivre toujours beaucoup entouré, cela peut avoir des avantages mais aussi des inconvénients et c’est vrai que je suis toujours très triste quand on se coupe la parole ou qu’on dit à un enfant de se taire parce que sa parole d’enfant est jugée moins légitime que celle d’un adulte, moi-même je peux avoir ce défaut là d’ailleurs. Or si on renvoie ces situations familiales ou amicales à la classe, la déception peut être quotidienne, elle peut même se présenter pour les enfants réservés ou atypiques plusieurs fois par jour. Je me suis donc aussi posée la question de ma place d’enseignante dans le groupe classe, à quel moment on sollicite, on encourage, on laisse un élève tranquille, si on peut dire, face au groupe classe.

Autre réflexion intéressante sur le choix, elle insiste sur le fait que la société d’abondance dans laquelle nous vivons nous paralyse d’une part et d’autre part que trop souvent nous faisons des choix par contrainte, par rapport à une éducation, à des conseils d’adultes qui nous entourent et du coup si le choix ne nous convient pas on emmagasine une forme de frustration qui va engendrer de la tristesse et de la colère. Alors là aussi, j’ai eu envie de retenir ce passage d’autant plus que parallèlement à ce livre, j’ai lu un article dans le dernier Flow qui proposait une méthode où quand on est face à un choix, on pose 5 valeurs qui sont non négociables pour nous pour pouvoir faire ce choix. Ces valeurs peuvent être matérielles (le prix, le temps, …), esthétiques mais aussi elles peuvent être liées à des besoins, ce choix doit me permettre de vivre l’aventure, le risque, passer du temps en famille, me passionner pour un sujet, me permettre d’exprimer ma créativité, me rendre heureux,…. et là du coup on entre à mon sens dans quelque chose qui va nous rendre véritablement heureux et l’abondance, l’enthousiasme et la joie sont communicatifs, enfin je pense… Dans le cadre de mon métier, maintenant, je fais ce qui me plaît dans le respect des programmes bien sûr mais si j’ai envie de passer plus de temps sur un thème plutôt que sur un autre je le fais parce que souvent l’élève y trouve aussi plus d’intérêt.

Enfin, elle m’ a fait découvrir Le conte des chaudoudoux qui rejoint un peu l’idée que j’ai développé dans le paragraphe précédent : plus on porte de l’attention les uns aux autres, plus le monde est doux et bienveillant, alors comme je suis intimement persuadée que notre société du XXIème a besoin de douceur et de bienveillance, je vous pose ici le lien pour aller lire le conte des chaudoudoux et je vous invite à l’offrir à votre tour pour que  petit à petit notre société  se remplisse de chaudoudoux, oui, pour que le monde soit imprégné de cette douceur.

Chaudoudoux

Je vous souhaite une bonne semaine de lecture riche en émotions et en découvertes sur ce sujet.

 

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