Aude et Colette veillent – épisode 7

Les pépites de Colette pour ce joli mois de Mai

Une pièce de théâtre

Mon coup de cœur absolu du mois d’avril ce fut la pièce Féminines, une pièce écrite et mise en scène par Pauline Bureau. Pour faire suite à notre mois-thématique sur le corps, là encore, il est question du corps, du corps de la femme, du corps en action, du corps qui joue et qui, à travers le jeu, prend le pouvoir sur la vie qui l’anime.

Cette comédie sur la première équipe française de foot féminin, championne du monde en 1978, redonne vie à une bande de filles qui prend son destin en main. On est à la fin des années soixante à Reims. Le journal local organise sa kermesse et cherche l’animation qui pourrait faire la première partie de cette journée festive. Deux des organisateurs ont alors l’idée de monter une équipe de foot féminine, idée alors complètement saugrenue ! Mais c’est sans compter sur l’audace de Joanna, Jeannine, Marinette, Marie-Maud, Françoise et Josepha. Le spectacle nous permet de les suivre tout au long de cette aventure où il est véritablement question de vivre en femmes puissantes en se lançant à corps perdu dans des aventures pour lesquelles on ne se pensait pas tailler !

Et cerise sur le gâteau symbolique, mon fils aîné avait accepté de m’accompagner pour voir cette fable sportive et fut atout aussi transportée que moi par l’enthousiasme de nos héroïnes.

Féminines, Pauline Bureau, Production La Part des Anges, TNBA, 2023.

Un documentaire

Mon deuxième coup de cœur est un documentaire qui donne la parole à une infirmière scolaire que l’on suit dans son quotidien, à Piney, dans un collège de campagne. Même si je n’ai pas forcément reconnu le travail de notre infirmière à nous, celle avec qui je travaille depuis presque 10 ans, parce qu’on ne fait sans doute pas le même métier dans cette campagne là que dans celle où j’enseigne, je suis vraiment reconnaissante à Delphine Dhilly d’avoir eu l’idée de mettre en avant ce métier et de rappeler à quel point c’est une fonction essentielle pour que les corps de nos élèves, mais aussi et surtout leurs âmes tourmentées, trouvent un abri, l’espace d’un instant.

https://www.france.tv/france-2/infrarouge/4768396-infirmiere-scolaire.html

Une figure inspirante

En préparant ma séquence sur la satire pour le niveau 3e, j’ai découvert Iris Brey, autrice, critique de cinéma et universitaire française, spécialiste des questions de genre. Elle a participé à un entretien pour Konbini que l’on trouve ici et elle y explique vraiment très clairement les concepts de « male gaze » et de « female gaze » soit « regard masculin » et « regard féminin » théorisés par la critique et réalisatrice anglaise Laura Mulvey en 1975 (oui, il y a des concepts qui mettent du temps à arriver jusqu’au grand public, allez savoir pourquoi…) . On y découvre donc comment le cinéma et les séries ont impliqué un rapport au corps des femmes notamment à partir du moment où l’œuvre est filmée depuis un regard masculin ou un regard féminin (et ce regard ne dépend pas du tout du genre de la personne qui filme, bien entendu !). Elle y donne de nombreux exemples de films et de séries et après l’avoir écoutée on meurt d’envie de revoir Titanic ! Car oui, James Cameron, dans ce film si populaire aurait opté pour un regard féminin : celui de Rose ! Comme quoi, il est possible de faire des films grand public qui ne choisissent pas de montrer le corps de la femme comme s’il s’agissait d’un objet morcelé !

des lectures pour appréhender le corps

Cher Corps de Collectif, Léa Bordier, Collectif, Collectif - Album |  Editions Delcourt

Au départ ce roman graphique est une chaîne youtube, il rassemble des témoignages de femmes sur l’endométriose, le corps qui change avec les grossesses, les cycles hormonaux, mais aussi le corps malade, blessé ou encore réparé. C’est tendre, c’est doux et le dessin accompagne parfois des histoires de corps meurtris avec beaucoup de bienveillance et de douceur!

Je voulais aussi évoqué ce très beau roman de Marie Pavlenko, un si petit oiseau. Abi a eu un accident et elle a perdu un bras, elle se retrouve amputée à 20 ans, au démarrage de sa vie adulte, il faut alors tout repenser, tout réapprendre, apprendre à aimer ce nouveau corps, comment le rhabiller, le renommer, refaire un à un pour la première fois tous les gestes anodins: saisir un tasse, enfiler un tee shirt, porter un sac à dos, éplucher un légumes. Je pourrais évoquer ce roman pour des dizaines de raisons: notre reconstruction après un choc au cœur du vivant, au contact de la nature, rebondir après un échec, mais là il s’agit d’évoquer la fonctionnalité de notre corps humain et notre incroyable capacité à vivre avec un handicap. C’est là aussi tendre, merveilleux et plein d’humour.

L’autre jour à la bibliothèque, je suis tombée sur le manuel féministe réédité de Notre corps, Nous Mêmes, à mettre dans tous les rayons de CDI et de bibliothèque de France. Ce livre est une mine et il est le fruit d’un travail de recueil de témoignage sur tout ce que le corps des femmes traverse: puberté, sexualité, contraception, avortement, accouchement, vieillesse, ménopause, agressions, épilation. Chaque sujet est traité par des récits d’expériences, des témoignages, des schémas, des dessins simples pour que nous soyons conscientes de notre corps et que nous ayons la connaissance nécessaire pour l’accepter, reconnaître là aussi son extraordinaire fonctionnalité et le bichonner. Nous n’avons qu’un et il doit mener, nous porter longtemps, n’est ce pas?

Il s’agit aussi d’un collectif, né en 2016, féministe qui a eu la volonté de refaire l’extraordinaire d’un collectif de femmes en 73 aux Etats-Unis et en 77 en France dont l’objectif était de partager la connaissance vernaculaire du corps féminin par les femmes et pour les femmes afin de leur redonner un pouvoir sur leur corps. C’est une problématique qui me porte beaucoup en ce moment et que je trouve très enthousiasmante avec aussi l’impression d’avoir perdu 40 ans de construction de ce mouvement qui me semble très bienveillant et très enrichissant, il m’a fait penser aussi au film Annie Colère qui évoque la lutte pour la légalisation de l’avortement par le MLAC: mouvement pour la libéralisation de l’avortement et de la contraception dans lequel le partage des savoirs était au cœur de la démarche.

Enfin, toujours sur le handicap et la réparation du corps, je pense bien évidemment au livre et film Patients de Grand Corps malade qui raconte son histoire et la longue reconquête du mouvement avec beaucoup d’humour.

Voilà pour mes recommandations: partons à la découverte de nos corps et de son extraordinaire fonctionnalité. prenons conscience de ce dont il est capable!

Bonne lecture!

A corps et à cris

Nous avions mis en lignes nos deux premiers articles sur le corps mais la machine nous les a avalé, alors nous revoilà avec notre article introductif sous forme d’interviews croisés.

  1. Colette: C’est toi qui a proposé cette thématique pour le mois de Mars, mois de la renaissance de la nature ( et du redéploiement des corps!) : pourquoi ? Y-a-t-il une anecdote en particulier qui a mis ce sujet au cœur de tes préoccupations éducatives ? J’ai eu envie de parler du corps après être aller voir le ballet autobiographique de Marie Claude Piétragalla dont j’avais parlé dans nos première pépites d’Octobre. Puis, en ce qui me concerne, j’ai un rapport au corps qui est très particulier, sans doute parce que j’ai été très rapidement consciente qu’il s’exprimait à la place de mes mots, en dansant beaucoup quand j’étais adolescente, puis quand on souffre, qu’on est triste,… Ensuite, en tant qu’enseignante dans le secondaire, je suis confrontée à des adolescents dont la définition même est le changement corporel et je suis toujours intriguée, fascinée, parfois inquiète de voir quelles relations ils entretiennent avec leur corps qui change… Je pense d’ailleurs que comme pour beaucoup de choses sur l’adolescence, nous manquons cruellement de connaissances et de formations, même si depuis quelques années, les formations sur les compétences psycho-émotionnelles nous amène à y être tous plus sensibles.

    2. Colette: Corps de filles, corps de garçons, corps non binaires : qu’est-ce qu’on en dit à l’école ? On en dit qu’on les accepte de plus en plus, en tout cas du côté des adultes, enfin à mon sens, il y a depuis quelques années, une vraie liberté qui est accordée à l’apparence dans les établissements, malgré les « tenues républicaines » et personnellement, je n’y apporte aucun jugement. Ce sont des élèves. Point. binaires, non binaires, assumés ou pas encore. Je leur souhaite d’être bien dans l’établissement, j’essaie d’accompagner parfois personnellement si je vois qu’il y a un mal être. Un manteau en plein mois de mai, des habits sales, des élèves qui sentent mauvais des marques sur les bras… m’interpellent plus et appellent à bien plus d’attention que des élèves pour lesquels j’arrive à déterminer par leur look ou leur maquillage, une transition amorcée, un genre assumées, ect…Je suis plus vigilante, au remarque que je pourrais entendre dans un couloir sur la tenue d’une jeune fille ou d’un jeune garçon que sur la tenue elle même. Bref, l’objectif pour moi est que l’élève soit bien dans ses baskets. Après, nous sommes dans une société encore très normative et j’estime aussi que lorsqu’il passe un oral par exemple, il faut avoir une tenue en adéquation avec la circonstance parce que je leur souhaite qu’un jour ils puissent aller passer un entretien d’embauche en short de plage et débardeur échancré mais je crains que ce ne soit pas encore pour demain la veille;) donc c’est aussi mon travail de leur dire que le jean troué, le haut qui laisse tout dépassé, dans une situation d’examen cela peut encore être décisif. Après, je sais que c’est un point de vue personnel et quand la communauté éducative, nous sommes loin d’avoir tous le même avis.

  1. Espaces et corps : comment l’espace scolaire prend-il en compte le bien-être des corps de nos élèves ? Je pense aux cours de récréation, aux toilettes, aux espaces de détente comme le foyer ou le CDI, aux gymnases, aux salles de cours, aux couloirs… et bien il ne le prend pas en compte ou encore si peu. Les toilettes ouvertes en haut et en bas, le manque de papier à partir de 13h, les vestiaires collectifs, si j’osais je vous mettrai le lien du compte Instagram créé par les élèves pour montrer dans quelles conditions ils s’endorment dans l’établissement. Alors attention, je pense que le fait qu’ils s’endorment est lié en partie à leur hygiène de vie déplorable (jeux vidéos nocturnes, téléphones jamais éteints, malbouffe, … mais ils se reposent assis, voir couchés sur le sol. Bref, je pense sincèrement que tous les établissements doivent repenser les espaces, les adapter à nos modes de vie actuels. Il faut des espaces où l’on se sente bien pour avoir envie de travailler. Même pour nous, l’aménagement des postes de travail. J’avais une station d’ordinateur debout et maintenant, je dois m’assoir, elle n’est jamais à la bonne hauteur, les tableaux trop hauts, le casier trop petit et trop loin des salles dans lesquelles on a cours.La liste pourrait être interminable alors je rêve d’autre chose mais ça je vous en parlerais à la fin du mois:)

    Et nos corps à nous, accompagnatrices et accompagnateurs de cette jeunesse en formation : l’institution en tient-elle compte ? Comment prendre soin de nos corps à l’école ? Absolument pas! Nous avons une visite médicale au moment de notre titularisation et en ce qui me concerne, j’en garde un très mauvais souvenir. Le médecin tenait absolument à me faire une palpation des seins, alors que je venais de lui dire qui ça avait été fait quelques jours auparavant par ma gynécologue. Je n’ai pas cédé mais je pense avoir vécu cela comme une atteinte à mon intimité. Donc autant dire, que je n’ai nullement envie de revoir un médecin du travail! A ma connaissance, je ne pense pas qu’il y ait d’étude sur la fatigue physique engendrée par notre métier: le bruit, la mise à niveau: s’accroupir, soulever des livres, des enfants pour nos collègues de maternelle, rester devant un écran,…. J’ai par exemple cette année, cours de 12h à 16h, trois fois par semaine. Il n’y a pas de récréation, et bien cela signifie quand même que je ne peux pas aller aux toilettes pendant 4 heures puisque mes élèves se retrouvent sans surveillance à ce moment là, je mange à 11h donc très tôt dans la mâtinée et j’ai donc un rythme alimentaire particulier et qui me déstabilise. On pourrait se dire ce n’est pas très grave, il y a les vacances, le peu d’heure devant élèves, … mais mon corps doit s’adapter, doit changer de rythme…. et après il y a la fatigue émotionnelle, la fragilité psychologique. En ce qui me concerne, en fin d’année, je me sens toujours vidée et nous sommes parfois hantés par les parcours de certains de nos élèves, et cela s’inscrit qu’on le veuille ou non dans nos corps! Enfin, là aussi qu’on le veuille ou non, nous sommes un métier de représentation: je dis toujours, je suis une comédienne qui fait 4 à 5 heures de spectacle devant un public qui n’ a pas envie de me voir. C’est peut être très personnel, mais je fais attention à mon apparence, à ne pas mettre plusieurs fois la même tenue par semaine, je me maquille pour travailler, je vérifie que rien ne dépasse, je fais attention à mes odeurs corporelles, donc le corps et l’exhibition de celui-ci à une place importante dans mon travail et nécessite une pression constante. Pour la deuxième partie de la question, je pense qu’il faudrait une véritable réflexion sur nos corps au travail mais je pense que c’est loin d’être une préoccupation ministérielle. Nous avons la chance d’avoir du temps de travail à la maison et de pouvoir organiser notre temps de travail comme on le veut, alors je pense qu’il est nécessaire de prendre du temps pour prendre soin de soi. Je pense qu’il faudrait aussi repenser les espaces de travail. bref ce sujet est sans fin!

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