Sous la vague d’Hokusaï (partie 4)

Tout à coup trois petites voix venues de nulle part, ou peut-être du creux de la vague, laissèrent entendre ces mots. Le pêcheur musicien arrêta la barque. Tous écoutèrent alors ces voix enfantines percer le silence de la nuit qui approchait.

L’imagination et le papier sont mes outils et l’origami  une série de gestes nés de la sérendipité. Mes gestes sont rapides et fins. Le papier lisse effleure mes doigts. Il me coupe de temps en temps. Mon sang perle ! Une goutte tombe au centre de la feuille pour se répandre tel un rouge ruisseau. A présent ma feuille est  de la couleur des rubis. Mais je ne cesserai pas… Jamais ! Je n’ai même pas mal. Dans ma tête, j’entends les bravos de mes parents quand ils regarderont mes pliages nés dans le sang de mes doigts ! Même si le papier est légèrement brillant le pliage ne fait pas kitsch. Il m’en a fallu des moments de zénitude pour terminer ce pliage. Mais plier m’a fait du bien. J’ai maintenant terminé la fleur et il en est sorti des amalgames… comme quand la langue des Inuits se mélange à la langue des wikis… comme quand les couleurs de l’arc-en-ciel se mélangent au ciel de pluie. Puis, comme tous les enfants,  je me mets à rêver à  ce que ma fleur va devenir… Nouvelle rose entre les mains d’un nouveau Petit Prince… ou gris-gris jaune oranger dans les mains du grand gourou… Mais non ! Rien de tout cela ! Elle servira juste à orner l’affiche de la kermesse du collège. Et je m’endors… Et mes rêves ciblent le succès de la fête.

Le  voyage continua. Le premier jour, le soleil n’arrêta guère de briller. Le pêcheur musicien poursuivait sa chanson :

      C’est une langue belle à l’autre bout du monde

      Une bulle de France au pied du Mont Fuji…

Sur l’eau flottait une belle fleur couleur rubis, couleur de sang. Elle se faisait malmener par les vaguelettes. Melle Inuit  s’empressa d’attraper le fragile végétal. Elle sécha la fleur et la posa délicatement  au cœur de trois petites vagues échouées sur le plancher de la barque. La petite fleur ouvrit ses pétales chiffonnés et une douce voix s’éleva dans une volée de pollen couleur du soleil.

– Toi belle femme merci de m’avoir repêchée. Quelqu’un m’a cueillie et m’a jetée à la mer. Pour te remercier je vais t’offrir quelques instants de pur bonheur à toi et à tes compagnons de voyage. Respire mon pollen puis remets moi à l’eau. Il t’apportera la joie de vivre et le pouvoir de te réchauffer au son de toutes les musiques sans jamais te lasser ni être fatiguée.

Melle Inuit obéit, respira et remit la fleur à la mer. L’envie de danser la submergea. Elle esquissa quelques pas avec Mr Amalgame qui s’emmêlait un peu les jambes sous le regard amusé de mr Cibler qui ne manquait jamais de regarder tout ce qui se passait autour de lui. Melle Kermesse n’oublia pas de rappeler que c’est d’abord en parlant que la fête commence et qu’on boit des paroles aussi bien que de l’eau.

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