Les journaux de profs !

Après la chronique de Colette, je vous livre la mienne sur les journaux de profs. J’ai décidé d’évoquer ici plusieurs livres et de finir avec la chronique plus détaillée du dernier que j’ai lu et qui m’a un peu réconcilié avec les journaux de profs.

Il y a très longtemps et presque en suivant j’avais lu Journal d’un prof de banlieue de Jean François Mondot , Jours tranquilles d’un prof de banlieue de Martin Quenehen et Des plumes et du goudron de Christian Desmurger. Tous relatent la vie de jeunes enseignants dans des zones sensibles classées REP+, préventions violence, et tout autre « label » qui terrorise les jeunes enseignants

https://images2.medimops.eu/product/f07568/M02290319767-source.jpgJours tranquilles d'un prof de banlieue, de Martin Quenehen | Éditions Grassethttps://images2.medimops.eu/product/b06061/M02213672237-source.jpg

Puis j’avais arrêté d’en lire parce que je trouvais que certes ces journaux rendent comptent de toutes les difficultés de notre métier : et j’en ai de mémoire rarement parler ici, mais pour moi, il s’agit de la fatigue émotionnelle qui résulte de la nécessité de créer un lien avec nos élèves, de devoir entrer dans leur monde, de les décoder et parfois de notre incapacité à les saisir. Ensuite de la difficulté de mener un programme avec des exigences de contenus alors que l’on en face de nous des êtres humains en construction qui grandissent et qui découvrent la complexité du monde avec parfois une telle violence. Parfois on a quand même envie d’envoyer valser le sacro-saint programme et de partir vers d’autres voies pédagogiques autrement plus enrichissantes pour nous élèves comme pour nous et d’ailleurs ici, on en a très souvent parlé de « ces autres voies » qui nous appellent. Enfin la troisième difficulté concerne le manque de formation, le manque d’encadrement de l’administration, de la hiérarchie, le manque aussi de reconnaissance, cette sensation tout de même récurrente d’être à bord d’un navire sans capitaine à bord.

Néanmoins, ils évoquent toujours les élèves comme des monstres indomptables dans la classe, or trop souvent, on oublie et c’est sans doute lié à notre absence de formation en psychologie de l’enfant que le monstre indomptable est ainsi parce qu’il a une vie et que dans la classe, il ne nous donne à voir que la partie émergée de l’iceberg ! Lorsque ça m’arrive, je me raccroche toujours à cette phrase d’un formateur à l’iufm du Mans qui m’avait dit : « Tu sais les élèves, ils ont parfois des valises de problèmes et on leur demande de laisser le sac au portail mais il est tellement lourd que parfois il n’arrive pas à le déposer sans tomber ! » Il disait aussi qu’on le veuille ou non notre capacité d’action s’arrête au mur de notre établissement, après l’élève est un enfant, un adolescent avec des parents, il y a sa volonté, son passif et c’est tellement vrai.

Ce mur d’enceinte est notre limite dans un sens comme dans l’autre. Il nous protège, nous aussi il faut parfois savoir laisser les histoires d’élèves dans la cour de récréation et dans le même temps nous rend parfois incapable d’agir et bien Le journal d’un remplaçant  de Martin Vidberg a eu la capacité de réunir dans son récit à la fois la difficulté de notre métier, de donner aux élèves toutes leur humanité et de parfaitement faire saisir cette difficile limite entre notre vie de prof et notre vie d’hommes ou de femmes qui est si perméable et en tout cas chez moi inexistante. J’ai fini par l’accepter au risque de pleurer un peu plus souvent.

A près cette trop longue introduction,  je vous livre enfin la chronique de cette lecture enthousiasmante. Martin est enseignant remplaçant en école primaire. dans notre jargon, il s’agit des brigades. Ce sont des enseignants rattachés à une école qui attendent qu’on les appelle pour un remplacement. Il nous embarque du 1er septembre au 8 juillet dans son année scolaire avec ses joies, ses attentes, ses espoirs, ses moments de fulgurance pédagogiques, ses échecs aussi, puis arrivent les attachements, les déceptions, les incompréhensions. Sur un ton humoristique, parfois on rit beaucoup et vraiment de bon cœur sans doute parce qu’on voit exactement de quoi il parle quand on est enseignant, avec un dessin et une écriture ronde comme celle tant appréciée  par les nostalgiques de l’école, Martin nous raconte son quotidien  avec beaucoup de sincérité.

A partir du mois d’octobre, ça y est, il a une affectation définitive, il est en institut spécialisé. Il n’a jamais enseigné dans ce cadre et n’est pas formé. Il nous rend ses six incroyables élèves particulièrement attachants. Il fait état de tout : de l’investissement dans la préparation des cours, de la posture à adopter, de l’absence de soutien de la hiérarchie, du manque de coordination, de la mauvaise utilisation des moyens alloués aux élèves atypiques avec beaucoup de douceur.

Personnellement, je regrette tout de même qu’il ne fasse pas le choix de redemander le poste en institut spécialisé, qu’il ne persévère pas avec ses élèves, qu’il n’aille pas jusqu’au bout de la démarche. Après, à 22-23 ans, sorti moulu de l’IUFM, ESPE, INSPE,… avec en tête un certain idéal, peut-on lui reprocher de ne pas avoir voulu  continuer, d’avoir voulu se préserver émotionnellement, de ne pas souhaiter s’attacher aux élèves ? C’est tellement ce qu’on nous demande qu’on est tout de même bien conditionné par cette idée. Personnellement, il m’a fallu dix ans pour accepter d’ouvrir mon cœur à mes élèves. Je vous conseille ce livre pour une prise de conscience sur les difficiles débuts de carrière certes, mais aussi, et c’est ce que j’aime dans tous les journaux de profs,  pour comprendre l’implication que ce métier exige pour être à hauteur d’enfant et c’est aussi le message  de Rappeler les enfants. 

Etre prof, ce n’est pas 35H, 18H ou 15H, 1607 heures annuelles et je ne sais quel autre chiffre donné par la cour des comptes. C’est sans cesse, en vacances, en famille, lorsqu’on fait ses courses, devant la télévision et même dans sa salle de bain le matin ou le soir. Ce métier est une vocation et en ce début d’année si compliqué encore une fois il était important de le rappeler !

 

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