De l’intérêt de faire des projets avec ses élèves

Pour ce mois, on a décidé de vous parler de projets, ceux qui nous enthousiasment, ceux qui nous animent et ceux qui font le cœur de notre pratique.

D’abord comment naît un projet ? Personnellement, il mûrit longtemps dans ma tête, il se nourrit de mes discussions, de mes écoutes de podcast, de mes longues marches hebdomadaires et de ce que j’observe et parfois aussi ils tombent comme ça du ciel. C’était le cas pour la plupart des projets mémoire ou civique . J’en ai des dizaines dans le creux de ma tête ; actuellement j’aimerais travailler la solidarité intergénérationnelle, alors pour le moment c’est je ne sais pas comment, avec qui et dans quel cadre mais c’est un truc qui me brancherait bien. Un autre que j’aimerais creuser et qui concerne directement le lieu où je vis,  ce sont les mutations sociales et paysagères du pays basque, la place de la culture locale dans ce programme qui est censé préparer nos jeunes à une société mondialisée et capitaliste. J’aime dans le projet avant tout l’idée.

Ensuite, j’aime dans le projet l’idée qu’il nous mène là où on ne l’avait pas pensé et oui un projet il est avant tout ce qu’en font les élèves mais aussi les partenaires avec lesquels on les monte et c’est tout de même très chouette de sortir du sacro-saint programme. Cette année dans le cadre du prix du livre de géographie avec mes élèves de spécialité, on a lu 5 livres de géographie universitaire, on a parlé de lieux dont on ne parle jamais avec les élèves, des bus du Caire aux mines du Congo, on est parti jusque là toucher la réalité géographique du monde. Pas longtemps, deux heures toutes les 6 semaines, mais c’était très chouette. L’an dernier avec mes 3ème, nous sommes allés dans une base aérienne, on a approché des avions de chasse et regarder le ciel pendant de longues minutes.

Il permet aussi de créer du lien, de découvrir nos élèves de leur permettre de se découvrir.  Tiens, A. se réveille, se révèle, pose des questions sur le fandango, observe attentivement un tableau, G. se balance, cherche son équilibre d’adolescent maladroit dans les pneus déposés par Allan Kaprow dans la nef du CAPC de Bordeaux en 2013, A. et  A.  prennent du plaisir à fabriquer des tawashi, elles en fabriquent, elles en fabriquent pour tout le monde : leurs camarades, leurs professeurs, les futures sixièmes, elles ont découpé toutes les chaussettes usagées du canton et ont décidé que le monde serait plus vert. J’aime être dans ces moments, le témoin aux yeux mouillés de ces révélations, de cette curiosité de l’enfant qui se cache dans l’élève. Il permet aussi de créer du lien avec nos collègues et ce n’est pas moi ni Colette qui vous dirons le contraire, notre histoire d’amitié ce fut d’abord une histoire de projets que l’on montait comme des échanges de balles de ping pong et je pense d’ailleurs que, elle comme moi, nous nous manquons beaucoup sur ce point aussi, j’ai perdu ma meilleure partner in crime pour monter des projets même si on a quand même réussi à mettre en place cette histoire de correspondance.

Enfin, il crée le souvenir. Aujourd’hui à presque 40 ans, qu’est ce qu’on a retenu de l’école ? Des personnalités et des projets. Tout le reste, les équations, les démonstrations, le cours magistral, pas grand chose mais le séjour en Allemagne, la pêche à pied sur le banc d’Arguin, la visite du musée d’Orsay, la cathédrale de Chartres avec un miroir sous le menton, ça s’est resté. Alors ce que j’aime par dessus tout dans le projet, c’est le souvenir qu’on a créé. Il y a quelques mois, j’ai revu un élève que j’avais emmené à la cérémonie franco-américaine de 2014 et il m’a parlé de ses projets, de sa copine, de la fin de ses études et il m’a glissé au moment de se dire au revoir « et puis quand même madame on a assisté à un discours de Barack Obama ensemble, je ne l’oublierai jamais de toute ma vie Madame, je ne l’oublierai jamais ».

Alors cette année, j’ai décidé de les prendre en photos quand ils fabriquent, découpent, imaginent, visitent, manipulent des sources premières, quand ils trient les vêtements, qu’ils rangent, organisent leur vide dressing,… pour ne pas oublier qu’à l’école il y a eu des projets et que ce sont ceux là qui les ont fait devenir les belles personnes qu’ils sont. Ils pourront toujours s’y raccrocher quand ils se seront un peu perdus dans le flot des soucis du quotidien. Et de l’actualité.

Je vous souhaite des milliers d’idées de projets et que quelques uns, même des touts petits, se réalisent.

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