Mettre de la philosophie dans sa pratique pédagogique

Suite à nos échanges autour de la philosophie des deux dernières semaines, nous vous invitons aujourd’hui à découvrir les supports que nous aimons tout particulièrement proposés à nos enfants ou à nos élèves pour glisser un peu de réflexion métaphysique dans nos pratiques pédagogiques !

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Pour les tout-petits

Les P’tits philosophes de Sophie Furlaud et Jean-Charles Pettier, Dorothée de Monfreid et Soledad Bravi.

J’ai découvert les ateliers de philosophie en maternelle avec un superbe film documentaire de Pierre Barougier et Jean-Pierre Pozzi joliment intitulé Ce n’est qu’un début. On y suit une enseignante de maternelle,Pascaline Dogliani, à la Mée-sur-Seine dans une ZEP de Seine-et-Marne qui met en place des ateliers philosophiques avec ses élèves. Et c’est vraiment une expérience étonnante, vivifiante et motivante que de voir ces tout petits aborder des questions existentielles avec la naïveté, le sérieux et la curiosité caractéristiques de la petite enfance.

L’enseignante travaille notamment à partir de livres et surtout à partir de la rubrique de Pomme d’api intitulée « Les p’tits philosophes » dont les aventures ont été regroupées dans un bel album qui porte le même nom. On suit à travers différents scénarii un groupe de 4 amis-animaux : Chonchon, Mina, Plume et Raoul, qui se posent les grandes questions universelles au hasard de leur vie quotidienne. Noël est l’occasion de se demander « qu’est-ce qu’un cadeau ? », une promenade à la montagne invite à se demander « pourquoi faut-il faire des efforts ? », faire du vélo sans roulettes est l’occasion de se demander « qu’est-ce que grandir ? »…

En écoutant les dialogues naïfs de nos 4 petits amis-animaux,  ce livre nous invite à avoir une véritable démarche de questionnement qui permet d’aborder avec son enfant une certaine forme de spiritualité qu’on réserve encore trop d’habitude aux « grands ». La formation de l’esprit critique, l’apprentissage du débat, de l’écoute de l’autre commence dès que l’enfant entre dans le langage et qu’il peut mettre des mots sur ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il pense. En s’interrogeant avec Chonchon, Plume, Mina et Raoul, c’est une aventure passionnante engageant toute la famille qui commence : l’enfant est accompagné dans ses questions par ses parents et les parents se fabriquent un nouveau regard sur le monde face à des questions qu’ils n’osaient parfois plus se poser.

Prendre le temps ENSEMBLE de s’interroger sur la vie, l’humain, le monde est une aventure de tous les instants que ce petit livre nous invite à partager. Alors tout devient prétexte à philosopher !

Et, franchement, la vie est vraiment plus rigolote quand elle est bousculée par des questions d’enfant !

Alors :

1) Non seulement ce livre est l’occasion de s’interroger sur le monde

2) mais c’est aussi le moyen de formuler avec son enfant des réponses aux questions qui le turlupinent

3) et surtout c’est l’occasion de discuter ensemble, de partager un vrai dialogue un peu en dehors du temps et du quotidien !

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Pour les plus grands

Les Goûters philo, une collection de Brigitte Labbé aux éditions Milan.

J’ai découvert cette collection, il y a fort longtemps puisque c’était lorsque j’étais animatrice en Centre de vacances et de loisirs nous avions pris le livre au mot et deux fois par semaine à l’ombre des platanes sous la chaleur écrasante de l’été nous lisions un petit livre aux enfants âgés de 8 à 12 ans puis nous débattions avec notre goûter  des sujets traités : la mort, l’amour, le travail. C’est probablement l’un de mes meilleurs souvenirs de pédagogies quand j’y repense. Rien n’était préparé, pas d’objectifs notionnels à atteindre, pas de compétences travaillées, juste le plaisir d’échanger avec des petits d’hommes sur des questions universelles.

Mes filles les ont aussi beaucoup utilisés à peu près dans les mêmes conditions à l’école en CM1 CM2.

Donc on vous le conseille pour

1/ Échanger entre générations : adultes, enfants, personnes âgées. Il permet malgré tout un échange en grand groupe (10-12 personnes) avec un bâton de parole par exemple

2/ Commencer l’apprentissage de l’argumentation en relançant la discussion sur les propos tenus dans le livre puis ceux des intervenants au débat

3/ Pour débattre partout, le format poche est quand même idéal à mettre dans le sac à dos lors d’une randonnée, dans la cour de recréation, dans la forêt, sur la plage.

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Pour les ados

Dans cette rubrique, j’évoquerais plutôt des podcasts. J’avais essayé l’an dernier en vie de classe mais il faudrait instaurer un rituel, une fois par période pour que les élèves prennent l’habitude. Les élèves avaient écouté le podcast et pris quelques notes dessus pour ensuite discuter. C’était un peu compliqué parce qu’en grandissant, les adolescents se sentent parfois moins libres de s’exprimer, ils ont peur du regard des autres.

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Celui de Marie Robert a un format idéal de 30 minutes maximum pour ce genre d’expériences

https://www.philosophyissexy.fr/

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On ne serait pas professeur sans évoquer les chemins de la philosophie même si là ça me parait plus ardu et nécessite un temps d’appropriation beaucoup plus important par les adolescents. Il nécessite tout de même d’avoir quelques notions pour se sentir à l’aise avec ce support. Il est à envisager plutôt comme complément d’informations, un travail de documentation afin d’avoir des arguments sur un sujet sur lequel on sera amené à débattre en classe par exemple. En ce qui me concerne je pense à des épisodes sur la notion de démocratie, le racisme ou encore le terrorisme.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie?p=7

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On aime les podcast parce que c’est gratuit et facile d’accès : les archives sont nombreuses et on peut les archiver sur un padlet par exemple. C’est un format que l’élève peut écouter partout, je ne suis pas fan mais puisqu’ils ont leur téléphone greffé à leurs mains et leurs écouteurs sans fil tout le temps dans les oreilles, autant qu’ils aient de la connaissance diffusée dans leur corps. 😉

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Des jeux à tout âge

Je n’ai jamais testé mais j’ai bien envie d’acquérir le jeu « Dis ta vie »

Le jeu permet aux adolescents de répondre à des questions pas forcément philosophiques comme « Quel est ton rêve le plus fou? »,  « Quel est ton meilleur souvenir de vacances ? » etc.  Un jeu qui peut libérer la parole et permettre à certains, parfois en difficulté sur des sujets qui leur semblent justement trop philosophiques, de prendre la parole et de l’assurance à l’oral.

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« Un brin de jasette » a été notre premier jeu pour discuter à la maison : à travers plus de 250 questions, enfants et parents apprennent à parler de soi, à faire parler de soi, à discuter de ses peurs, de ses désirs, et ce quel que soit son âge. Un de nos jeux favoris pendant les repas.  Il semble ne plus être édité mais on le trouve encore sur les sites d’occasion ou en vide-greniers.

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Les éditions Minus proposent elles aussi une kyrielle de jeux pour lancer le débat, ouvrir la parole, faire fuser les conversations. A là maison, on a testé le kit de discussion « A table » qui alterne des sujets de discussion et des gages pour échapper aux sujets qui dérangent.

Plus récemment, j’ai reçu pour mon anniversaire le jeu « Dilemmes absurdes » qui invitent à débattre à partir de sujets originaux, parfois absurdes mais toujours très riches.

Plusieurs autres titres sont disponibles à découvrir sur le site de cet éditeur hors du commun.

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Voici quelques ressources parfaitement incomplètes mais en  cours de construction. Il est important pour nous de permettre dans tous les cas d’établir une relation de confiance où l’élève va pouvoir débattre, argumenter, converser sans jugement.

Frédéric Lenoir, qui est un des spécialistes de la pratique de la philosophie à l’école en France,  rappelle qu’il est nécessaire d’établir un cadre précis et des rituels pour instaurer cette prise de parole confiante.

Il rappelle aussi l’importance de cette pratique dès le plus jeune âge pour permettre le développement de la créativité, de l’argumentation, de l’esprit critique mais aussi de la tolérance et de la communication non violente.

Pour découvrir ce philosophe, on vous conseille l’épisode n° 1 du podcast Innovation en éducation « La philo et la méditation à l’école, ça marche ».

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Lors de mon cours sur la démocratie en première, nous évoquions le grand débat qui a eu lieu suite à la crise des gilets jaunes et aux réunions mises en place dans le cadre d’une démocratie participative. Certains élèves, à juste titre, évoquaient leur probable incapacité à prendre part à ce genre de réunion parce qu’ils ne sentent pas suffisamment former et expert dans cet exercice pour y participer. Voilà tout est dit, je pense, dans cette réflexion d’élèves du haut de leur 16-17 ans :  ils attendent d’apprendre  à débattre, ils sont prêts, il n’y a plus qu’à se doter des bons outils.

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