Nos élèves et leurs valises : constat d’urgence!

Pour ce mois de Novembre, nous parlerons des émotions dans tous leurs états.

Pourquoi parlez de ça ?  Parce que de plus en plus, nous faisons le constat, Colette et moi, et d’autres collègues d’ailleurs, que nous ne pouvons pas prendre nos élèves  en tant qu’élèves mais dans leur ensemble c’est-à-dire en tant qu’enfants et adolescents avec tout ce qu’ils vivent dans leur vie, les chamboulements qu’ils connaissent personnellement, leurs premières fois, et leur vie familiale souvent très compliquée .  Néanmoins ce constat, je ne l’ai pas fait l’an dernier mais dès le début de ma carrière :  je me souviens de mon année de néo-titulaire en région parisienne. Quelques jours après la rentrée, une élève n’ avait toujours pas de cahier. Je prends ma voie la plus sèche et lui demande son carnet, mets un mot,  une retenue pour rattraper les premières heures du cours non notées sur ce cahier.  La jeune fille a des larmes qui roulent silencieusement sur ses joues, je n’y prête au départ pas attention.  Comme elle est en 5ème, je mets ça sur le compte du peu de punition qu’elle a eu jusqu’à présent, elle est vexée et c’était sans doute ce que j’espérais. Je lui rétorque qu’elle n’avait qu’à y penser et là d’une voix froide, elle m’explique que depuis la fin du mois d’Août, elle est dans un mobil home avec sa maman, elles ont du quitter précipitamment le foyer conjugal … Depuis ce jour, je fais toujours attention au moins au ton que j’emprunte pour punir ce qui relève d’un travail ou d’une attitude qui concerne mon cours mais qui se fait dans la sphère familiale.

Toutefois, depuis le début de la crise sanitaire, nous faisons tout de même le constat que la gestion des émotions de nos élèves est de plus en plus compliquée et qu’elle est devenue indispensable pour créer une ambiance de travail favorable.

Alors pour prendre la mesure de cette nécessité, je vous livre quelques situations qui m’ont le plus touchée ces dernières années.

 

J a 11 ans, il est en sixième, au moment de l’appel, il n’est pas là, une élève de la classe me signale  qu’il s’est caché sous l’escalier et refuse de venir en histoire-géographie parce que j’ai prévu un travail de groupe. Par chance, cette classe a une AESH qui me propose de partir à sa recherche. J est derrière la porte et se met à piétiner et taper dans le mur en opinant de la tête pour me signifier qu’il ne rentrera pas dans la classe, c’était il y a 4 ans et je l’ai envoyé décharger sa colère, sa tristesse chez les CPE, j’étais complètement démunie et surtout je ne savais pas gérer l’élève, seule face aux 24 autres élèves qui attendaient pour se mettre au travail.

C a 15 ans, elle est en troisième, nous sommes en Janvier dernier et le soir même notre premier ministre a prévu une allocution. On pourrait se demander pourquoi  un discours de Jean Castex a une incidence dans la vie de cette jeune fille, elle travaille en groupe avec un élève un peu compliqué et assez agressif avec ses camarades, il lui demande si elle avait vu sa mère pendant les vacances de Noël et là C pleure, toutes les larmes de son corps, ne s’arrête pas. Entre deux sanglots, elle me dit qu’elle a peur de ce que va annoncer le ministre, elle ne veut pas être confinée avec sa « fausse grand-mère ». Je comprends alors que cette jeune fille vit avec son père et sa belle-mère actuellement hospitalisée pour une fin de grossesse difficile et qu’elle est du coup gardée par la maman de sa belle-mère avec qui elle ne s’entend pas. Le démêlage de sa vie dure longtemps, il faut faire parler, rassurer, calmer et remettre au travail. J’ai retrouvé C au bout de 20 bonnes minutes et quelques kleenex, mais j’ai perdu une bonne partie du reste de la classe.

P veut sortir de classe, il réclame à aller prendre du sucre, pas de PAI à ma connaissance, il est grand en Terminale et malgré mon interdiction de sortir de classe, il quitte la classe en colère. Il est allé prendre du sucre, on avait oublié de me dire que depuis l’an dernier, il est en décrochage scolaire et a développé des troubles alimentaires. A son retour en classe, je m’excuse, exprime mon besoin, la nécessité pour moi de savoir où il est, j’en suis encore responsable. La situation s’apaise et le cours redémarre.

Pour finir I a 19 ans, je ne l’ai jamais vue en classe, uniquement en TD en distanciel et par mail, la veille de son premier TD en présentiel, elle m’a écrit à 23h45, elle vient d’avoir une crise d’angoisse en apprenant que sa mère a un cancer du sein, elle est seule dans son studio d’étudiante et a préféré se rendre aux urgences psychiatriques seule, elle a eu peur de ce qu’elle ressentait et de faire une bêtise… Je n’ai pas eu d’autres solutions que d’être dans une empathie virtuelle tout au long du semestre.

Des histoires comme ça, j’en ai choisi 4, mais j’aurais pu en écrire un nombre incroyable. Elles concernent mes élèves que j’aime, oui, je le dis, que j’aime, je ne sais pas faire autrement, ils  me touchent, ils ont entre 11 et 22 ans maintenant avec les vacations que j’ai l’occasion de réaliser et pour tous, je suis parfaitement consciente qu’il s’agit d’une histoire de gestion d’émotions, la colère, la peur, la tristesse, la joie parfois, je suis aussi parfaitement consciente de mon incompétence dans certaines situations. On se sent démuni et désarmé parce qu’accueillir les émotions de nos élèves nécessitent de savoir gérer les nôtres. Pendant très longtemps, je  fuyais les moments où les élèves avaient envie de s’épancher et de raconter leur vie parce que je pleurais tout le temps. Maintenant j’ai arrêté de chercher à me blinder, je pleure avec eux. Alors je suis intimement convaincue que pour que notre société du début du XXIème siècle aille mieux (oui l’heure est grave et je suis grandiloquente)  nous n’avons plus le choix, en tant qu’enseignant nous devons savoir percevoir ces émotions, les recevoir et les accompagner. Comme pour de nombreuses réflexions qui nous animent, Colette et moi, nous avons saisi l’ampleur du problème, nous sommes en formation, en auto- formation parce que notre institution ne nous propose absolument rien ou si peu, parce qu’il y a bien quelques directions, formations qui s’y mettent mais c’est loin d’être généralisé, alors on vous propose quelques outils bricolés, glanés par ci par là tout ce mois-ci.

 

Chronique pédagogique – Le conseil coopératif

Dans notre dernier article, Aude évoquait la formation à l’oral, à la prise de parole dont ses grands élèves sont demandeurs.

Depuis que j’ai lu avec avidité le livre Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée, un livre de Guillaume Caron, Laurent Fillion, Céline Scy et Yasmine Vasseur, je ne jure que par le conseil coopératif en vie de classe et il me semble que c’est un excellent moyen de former à la prise de parole en assemblée, une prise de parole qui respecte à la fois les principes démocratiques et les compétences psycho-émotionnelles essentielles pour avancer ensemble.

Il s’agit d’organiser un moment propice à l’échange autour des sujets qui fondent la vie d’une classe .

Pour encadrer ce moment, un.e président.e dirige la séance, un distributeur ou une distributrice de parole gère les prises de parole, un.e gardien.ne du temps répartit le temps accordé aux différents ordres du jour et un.e gardien.n.e du calme fait de la médiation si nécessaire.

Chaque conseil est divisé en 3 grands moment :

1. Les remerciements et félicitations.

2. Les ordres du jour

3. Les propositions de solution.

Ce sont les élèves seul.e.s qui font conseil, l’enseignant.e peut participer mais doit respecter les mêmes règles de prise de parole que les autres participant.e.s. Il faut donc accepter de descendre de son piédestal, s’asseoir parmi les élèves, lever la main, attendre qu’on vous interroge et accepter que votre proposition ne soit pas retenue par l’assemblée ! Un exercice inhabituel mais tellement passionnant !

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Vendredi, mes élèves de 6e E ont organisé notre deuxième conseil coopératif : Noé était président, Naya gardienne du calme, Lucien gardien du temps et Auguste distributeur de parole. On a commencé par les remerciements. C’est vraiment mon moment préféré. Ces espaces de gratitude sont si rares dans notre société que c’est un véritable délice de les entendre se remercier. « Je voudrais remercier Auguste d’avoir écouté nos demandes au dernier conseil coopératif, j’ai remarqué qu’il ne poussait plus dans le rang » ou encore « je remercie Nina et Audrey d’être là pour moi quand ça va mal ». Quant à moi j’ai remercié Prunille d’avoir accepté d’aller en accompagnement pédagogique une heure de plus par semaine alors que je sais que le travail personnel est une vraie souffrance pour elle.

On est ensuite passé aux ordres du jour. Une boîte est posée au fond de la salle A09 et les élèves peuvent y déposer leurs demandes au fil des 15 jours qui séparent nos séances de vie de classe. Au début, les élèves ont eu un peu de mal à se passer de moi, ils me jetaient des coups d’œil, attendant sans doute mon approbation. C’est vrai que certains ordres du jour sont surprenants : « Pourrait-on organiser des cours sur l’amour ? » ou encore  » J’ai un problème avec Arthur. Signé : Arthur. » Mais peu à peu, ils ont pris de l’assurance. Il faut dire que notre président de séance était d’un calme incroyable et a su cadrer la parole avec beaucoup d’efficacité et de sérénité. J’ai appris beaucoup en l’observant. La séance a eu du mal à se terminer parce qu’en 15 jours, de nombreux ordres du jour s’étaient accumulés dans la boîte verte du fond de la salle. Mais les élèves ont essayé de trouver des solutions à tous les problèmes soulevés. Il en reste encore une poignée qui seront abordés dans 15 jours.

J’aime particulièrement ces moments car les élèves y respectent plus que jamais le tour de parole. Il semblerait qu’à ce moment là, ils expérimentent le prix de la parole de l’autre, comme s’ils pressentaient qu’elle pouvait changer quelque chose, cette précieuse parole. Changer ce qui se joue entre eux, changer ce qu’on peut vivre au collège et les changer eux-mêmes. Ce sont de tout petits pas, certes, mais qui gagneraient à être généralisés au moins une fois par semaine. C’est ainsi qu’on apprend à faire corps, me semble-t-il. En se parlant. En s’écoutant.

On a une devise au collège depuis la rentrée, une initiative que nous devons à une cheffe d’établissement incroyable. Notre devise c’est « Croire en soi, réussir ensemble ». Il me semble que c’est exactement ce que nous enseigne le conseil coopératif.

 

 

 

 

Mettre de la philosophie dans sa pratique pédagogique

Suite à nos échanges autour de la philosophie des deux dernières semaines, nous vous invitons aujourd’hui à découvrir les supports que nous aimons tout particulièrement proposés à nos enfants ou à nos élèves pour glisser un peu de réflexion métaphysique dans nos pratiques pédagogiques !

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Pour les tout-petits

Les P’tits philosophes de Sophie Furlaud et Jean-Charles Pettier, Dorothée de Monfreid et Soledad Bravi.

J’ai découvert les ateliers de philosophie en maternelle avec un superbe film documentaire de Pierre Barougier et Jean-Pierre Pozzi joliment intitulé Ce n’est qu’un début. On y suit une enseignante de maternelle,Pascaline Dogliani, à la Mée-sur-Seine dans une ZEP de Seine-et-Marne qui met en place des ateliers philosophiques avec ses élèves. Et c’est vraiment une expérience étonnante, vivifiante et motivante que de voir ces tout petits aborder des questions existentielles avec la naïveté, le sérieux et la curiosité caractéristiques de la petite enfance.

L’enseignante travaille notamment à partir de livres et surtout à partir de la rubrique de Pomme d’api intitulée « Les p’tits philosophes » dont les aventures ont été regroupées dans un bel album qui porte le même nom. On suit à travers différents scénarii un groupe de 4 amis-animaux : Chonchon, Mina, Plume et Raoul, qui se posent les grandes questions universelles au hasard de leur vie quotidienne. Noël est l’occasion de se demander « qu’est-ce qu’un cadeau ? », une promenade à la montagne invite à se demander « pourquoi faut-il faire des efforts ? », faire du vélo sans roulettes est l’occasion de se demander « qu’est-ce que grandir ? »…

En écoutant les dialogues naïfs de nos 4 petits amis-animaux,  ce livre nous invite à avoir une véritable démarche de questionnement qui permet d’aborder avec son enfant une certaine forme de spiritualité qu’on réserve encore trop d’habitude aux « grands ». La formation de l’esprit critique, l’apprentissage du débat, de l’écoute de l’autre commence dès que l’enfant entre dans le langage et qu’il peut mettre des mots sur ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il pense. En s’interrogeant avec Chonchon, Plume, Mina et Raoul, c’est une aventure passionnante engageant toute la famille qui commence : l’enfant est accompagné dans ses questions par ses parents et les parents se fabriquent un nouveau regard sur le monde face à des questions qu’ils n’osaient parfois plus se poser.

Prendre le temps ENSEMBLE de s’interroger sur la vie, l’humain, le monde est une aventure de tous les instants que ce petit livre nous invite à partager. Alors tout devient prétexte à philosopher !

Et, franchement, la vie est vraiment plus rigolote quand elle est bousculée par des questions d’enfant !

Alors :

1) Non seulement ce livre est l’occasion de s’interroger sur le monde

2) mais c’est aussi le moyen de formuler avec son enfant des réponses aux questions qui le turlupinent

3) et surtout c’est l’occasion de discuter ensemble, de partager un vrai dialogue un peu en dehors du temps et du quotidien !

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Pour les plus grands

Les Goûters philo, une collection de Brigitte Labbé aux éditions Milan.

J’ai découvert cette collection, il y a fort longtemps puisque c’était lorsque j’étais animatrice en Centre de vacances et de loisirs nous avions pris le livre au mot et deux fois par semaine à l’ombre des platanes sous la chaleur écrasante de l’été nous lisions un petit livre aux enfants âgés de 8 à 12 ans puis nous débattions avec notre goûter  des sujets traités : la mort, l’amour, le travail. C’est probablement l’un de mes meilleurs souvenirs de pédagogies quand j’y repense. Rien n’était préparé, pas d’objectifs notionnels à atteindre, pas de compétences travaillées, juste le plaisir d’échanger avec des petits d’hommes sur des questions universelles.

Mes filles les ont aussi beaucoup utilisés à peu près dans les mêmes conditions à l’école en CM1 CM2.

Donc on vous le conseille pour

1/ Échanger entre générations : adultes, enfants, personnes âgées. Il permet malgré tout un échange en grand groupe (10-12 personnes) avec un bâton de parole par exemple

2/ Commencer l’apprentissage de l’argumentation en relançant la discussion sur les propos tenus dans le livre puis ceux des intervenants au débat

3/ Pour débattre partout, le format poche est quand même idéal à mettre dans le sac à dos lors d’une randonnée, dans la cour de recréation, dans la forêt, sur la plage.

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Pour les ados

Dans cette rubrique, j’évoquerais plutôt des podcasts. J’avais essayé l’an dernier en vie de classe mais il faudrait instaurer un rituel, une fois par période pour que les élèves prennent l’habitude. Les élèves avaient écouté le podcast et pris quelques notes dessus pour ensuite discuter. C’était un peu compliqué parce qu’en grandissant, les adolescents se sentent parfois moins libres de s’exprimer, ils ont peur du regard des autres.

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Celui de Marie Robert a un format idéal de 30 minutes maximum pour ce genre d’expériences

https://www.philosophyissexy.fr/

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On ne serait pas professeur sans évoquer les chemins de la philosophie même si là ça me parait plus ardu et nécessite un temps d’appropriation beaucoup plus important par les adolescents. Il nécessite tout de même d’avoir quelques notions pour se sentir à l’aise avec ce support. Il est à envisager plutôt comme complément d’informations, un travail de documentation afin d’avoir des arguments sur un sujet sur lequel on sera amené à débattre en classe par exemple. En ce qui me concerne je pense à des épisodes sur la notion de démocratie, le racisme ou encore le terrorisme.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie?p=7

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On aime les podcast parce que c’est gratuit et facile d’accès : les archives sont nombreuses et on peut les archiver sur un padlet par exemple. C’est un format que l’élève peut écouter partout, je ne suis pas fan mais puisqu’ils ont leur téléphone greffé à leurs mains et leurs écouteurs sans fil tout le temps dans les oreilles, autant qu’ils aient de la connaissance diffusée dans leur corps. 😉

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Des jeux à tout âge

Je n’ai jamais testé mais j’ai bien envie d’acquérir le jeu « Dis ta vie »

Le jeu permet aux adolescents de répondre à des questions pas forcément philosophiques comme « Quel est ton rêve le plus fou? »,  « Quel est ton meilleur souvenir de vacances ? » etc.  Un jeu qui peut libérer la parole et permettre à certains, parfois en difficulté sur des sujets qui leur semblent justement trop philosophiques, de prendre la parole et de l’assurance à l’oral.

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« Un brin de jasette » a été notre premier jeu pour discuter à la maison : à travers plus de 250 questions, enfants et parents apprennent à parler de soi, à faire parler de soi, à discuter de ses peurs, de ses désirs, et ce quel que soit son âge. Un de nos jeux favoris pendant les repas.  Il semble ne plus être édité mais on le trouve encore sur les sites d’occasion ou en vide-greniers.

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Les éditions Minus proposent elles aussi une kyrielle de jeux pour lancer le débat, ouvrir la parole, faire fuser les conversations. A là maison, on a testé le kit de discussion « A table » qui alterne des sujets de discussion et des gages pour échapper aux sujets qui dérangent.

Plus récemment, j’ai reçu pour mon anniversaire le jeu « Dilemmes absurdes » qui invitent à débattre à partir de sujets originaux, parfois absurdes mais toujours très riches.

Plusieurs autres titres sont disponibles à découvrir sur le site de cet éditeur hors du commun.

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Voici quelques ressources parfaitement incomplètes mais en  cours de construction. Il est important pour nous de permettre dans tous les cas d’établir une relation de confiance où l’élève va pouvoir débattre, argumenter, converser sans jugement.

Frédéric Lenoir, qui est un des spécialistes de la pratique de la philosophie à l’école en France,  rappelle qu’il est nécessaire d’établir un cadre précis et des rituels pour instaurer cette prise de parole confiante.

Il rappelle aussi l’importance de cette pratique dès le plus jeune âge pour permettre le développement de la créativité, de l’argumentation, de l’esprit critique mais aussi de la tolérance et de la communication non violente.

Pour découvrir ce philosophe, on vous conseille l’épisode n° 1 du podcast Innovation en éducation « La philo et la méditation à l’école, ça marche ».

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Lors de mon cours sur la démocratie en première, nous évoquions le grand débat qui a eu lieu suite à la crise des gilets jaunes et aux réunions mises en place dans le cadre d’une démocratie participative. Certains élèves, à juste titre, évoquaient leur probable incapacité à prendre part à ce genre de réunion parce qu’ils ne sentent pas suffisamment former et expert dans cet exercice pour y participer. Voilà tout est dit, je pense, dans cette réflexion d’élèves du haut de leur 16-17 ans :  ils attendent d’apprendre  à débattre, ils sont prêts, il n’y a plus qu’à se doter des bons outils.

Ils sont très grands!

Pour cette première brève pédagogique, j’avais besoin de poser des mots sur ma première rentrée au lycée. Cette mutation était liée à une volonté de changer de lieu de vie et non à un besoin d’évoluer professionnellement. J’aimais le collège, je ne dis pas qu’un jour, je n’y reviendrai pas et je pense que j’avais encore une marge de progression. Quand j’ai appris la nouvelle d’ailleurs, mes sentiments étaient partagés parce que justement j’avais le sentiment que je n’avais pas exploré toutes les possibilités que pouvaient m’offrir le collège.

Alors me voilà au lycée, professeure principale d’une classe de première avec des groupes de Première et de Terminale en tronc commun et un groupe en spécialité. Oui parce qu’avec la réforme du lycée, nous n’avons plus des classes mais des groupes avec des élèves qui ne se connaissent que très peu au final et du coup il n’y a pas forcément la dynamique d’une Classe justement. Tiens un premier changement !

Petit à petit, je pose mes marques, ils ne se rangent jamais et certains s’assoient dans la salle avant même que je n’arrive. Personnellement j’aime bien accueillir mes élèves, je ne suis pas attachée au rang quasi militaire mais j’aime ce moment où ils passent la porte un à un pour que je leur dise bonjour, or au lycée, vous pouvez ne jamais avoir ce moment, alors depuis 15 jours inlassablement je leur demande d’éteindre leur téléphone dans le couloir, je leur demande de se ranger parce que j’ai à cœur de dire bonjour à chacun de mes élèves personnellement.

Autre nouveauté, la moitié de mes élèves sont espagnols, je n’ai donc pas d’élève à l’aise à l’oral, le cours d’histoire géographie et encore plus d’EMC est difficile pour eux parce qu’ils n’ont pas tout le prérequis des cours du collège qui en font des élèves presque formatés, c’est un peu bête mais ils posent un regard presque exotique sur la révolution française ou les principes et valeurs républicains.

J’ai des élèves qui sont autonomes et qui travaillent à la maison pour une grande majorité d’entre eux. Ils prennent des notes, assument leur personnalité, leurs looks vestimentaires, leurs réflexions et leur façon de penser naissante,…. Je pourrai décliner mes découvertes sur mon public lycéen encore sur quelques lignes,…

Pourquoi passer un peu de temps sur ces anecdotes ? parce que cette rentrée avec des très grands n’est faite que de petits moments comme ça où il faut s’apprivoiser, apprendre à se connaître, s’adapter, accommoder avec les élèves mais aussi les collègues, les contraintes, le lieu… pour que dans quelques années, tout soit fluide, pour que je puisse d’ici quelques temps déployer tout mon art au sens artisan du terme, pédagogique.

Oui parce que dans le même temps, les problématiques comme les moments de miracles pédagogiques sont les mêmes qu’ailleurs. Comment leur donner confiance en eux ? Comment susciter de l’ambition ? Comment leur montrer qu’un ailleurs est possible pour apprécier d’autant plus le retour ici dans quelques années, voire décennies au bord de la mer. Comment gérer l’hétérogénéité ? Comment les faire progresser ? Comment différencier ? Comment harmoniser les pratiques pédagogiques ? Comment travailler en équipe ? Quels projets monter ? ….

Cette rentrée avec des très grands me permet effectivement de constater que nos élèves d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient, sont les adultes de demain, mais aussi les enfants d’aujourd’hui avec deux ans de vie masqués, un rapport aux autres chamboulé,…. et nous nous devons ou plutôt je me dois d’être à la hauteur de cette idée, je me dois de les accompagner pour qu’ils deviennent la meilleure version d’eux-mêmes. Ces pierres précieuses que l’on façonne nous les enseignants exigent un travail d’orfèvre, j’en suis plus que jamais convaincue.

Aude

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