La reconnaissance des cultures pour une meilleure valorisation.

Les travaux de Véronique Lemoine, parus dans l’article 129 de l’I.F.E. peuvent être mis en lien avec mon E.R.V.I.P. En effet, elle définit quatre pôles d’étrangeté dans la classe de langue ou autre, pour « éduquer à et par l’interculturel ». Le troisième point m’intéresse particulièrement puisqu’il aborde le « rapport à soi-même » ainsi que le discours porté sur autrui. C’est ce rapport à l’autre que j’interroge dans mon écrit. On entend bien souvent ce rapport à autrui comme étant un moyen de se définir soi-même mais aussi comme un moyen de définir cet autrui. Le terme d’interculturel se joint d’ailleurs à cette notion puisque l’interculturalité est la manière dont je regarde autrui. Ce regard est vecteur de reconnaissance et d’interrogation. Cela mène à des échanges qui participent à la formation de l’identité culturelle des individus.

Dans le cadre des écoles, et plus particulièrement des écoles défavorisées qui forment le cœur de mon sujet, les élèves sont souvent confrontés à la mixité culturelle et ce rapport à un autre différent peut déranger. En effet, aller à la rencontre de l’inconnu fascine mais effraie parfois. En classe, l’enseignant doit reconnaître la mixité culturelle des élèves avant de pouvoir travailler le regard porté sur cet autrui. La reconnaissance mène à une valorisation ; valorisation souvent absente dans les quartiers défavorisés. Cela freine les apprentissages, entraînant un manque de concentration, un sentiment de faible appartenance au groupe ou encore un manque de confiance en soi.

dossier de l’IFé

« éduquer à et par l’interculturalité » est une notion que met en avant Véronique Lemoine dans ses recherches notamment dans le domaine des langues vivantes. Cependant, « les situations proposées par l’enseignant à partir de contenus culturels stéréotypés » sont, selon moi, à interroger dans tous les domaines de l’enseignement scolaire. En effet, j’ai eu l’occasion d’échanger avec des enseignants du 1er degré dont les représentations effectives de travail n’étaient pas stéréotypés. Selon eux, ils ne faisaient pas de différence entre leurs élèves et cherchaient même à déconstruire chez ces derniers des représentations de type genrés ou sexistes par exemple.

Ce que j’ai pu observer s’est tout de même avérer être en décalage avec leurs représentations notamment au regard des contenus d’enseignement apprentissage. Il est vrai que dans nos sociétés occidentales le masculin a tendance à l’emporter sur le féminin, le féminin étant également souvent défavorisé voir discriminé. J’ai pu retrouver dans des contenus destinés à des élèves des supports qui véhiculaient des stéréotypes où les figures de référence présentées aux élèves étaient majoritairement masculines avec certaines approches dont le féminin était éliminé (pour les cours d’histoire et de sciences par exemple) et des situations représentatives des stéréotypes genrés et sexistes comme les filles sont passives faces aux garçons actifs ou bien les filles restent à la maison, font la vaisselle, etc

Contribuer à véhiculer ces situations ne contribue pas à « éduquer » à l’interculturalité mais plutôt à renforcer les acquis sociétaux.

Mes « pôles d’étrangeté » selon Lemoine :

Mon écrit de recherche porte sur les représentations culturelles et linguistiques des élèves « natifs » et leurs conséquences sur l’inclusion des élèves allophones dans un groupe.

Parmi les quatre pôles de Lemoine, mon sujet porte sur le deuxième, celui de : « la relation aux camarades de classe, au-delà des origines, avec lesquels on échange dans la langue qu’on apprend ». Ce pôle correspondrait à l’altérité proche physiquement mais lointaine symboliquement, qui désigne le fait que la personne qui est près de moi en classe est mon semblable mais ne parle pas la même langue que moi et n’a pas la même culture. Je traite donc les effets des représentations qu’ont les élèves « natifs » sur leurs modes de penser l’inclusion des élèves allophones dans leurs groupes (que ce soit en tant qu’individu de la classe, camarade de classe, ami, partenaire de jeux, voisin de table).

Par exemple, les élèves de la classe de CM1-CM2 savent à la rentrée que Louane vient du Pérou et ne parle pas leur langue natale qu’est le français mais le péruvien ou l’espagnol. Qu’est-ce que cette information et les représentations que cela va véhiculer chez les élèves « natifs », vont avoir comme conséquence sur l’inclusion de Louane dans le groupe ? Ont-ils des représentations culturelles ou linguistiques sur le Pérou ?

Mes « pôles de l’étrangeté »

Sélection parmi les « quatre pôles de l’étrangeté » (Lemoine 2018) en rapport avec mon écrit de recherche.

J’ai posé la question de l’accueil des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) dans le système éducatif français, et principalement le rapport entre élèves, équipes pédagogiques et familles.

Deux pôles semblent pouvoir être mis en lien avec des points spécifiques de ma recherche :

– « « La relation à des étrangers », avec une étrangeté souvent exacerbée, portée par des stéréotypes » 

La chercheuse Cécile Goï évoque deux approches problématiques dans les dispositifs d’accueil des EANA : un accueil qui enfermerait ces élèves dans leur « étrangeté » (dans le cadre des dispositifs UPE2A) et un accueil en classe « ordinaire » qui, en étant indifférent aux différences, pourrait être perçu comme une négation de la culture première de ces élèves et de leur famille.

– « le « rapport à soi-même » : reconnaissance de soi et interrogation des discours que je porte sur l’autre »

Ce pôle peut être mis en parallèle avec l’étude d’un dispositif mis en place dans la Drôme par l’enseignante F. Estival, à l’origine de l’association FLE qui travaille sur des ateliers parents-enfants-bénévoles autour de livres bilingues ou trilingues. J’ai étudié ce témoignage pour ma recherche. Il est inclus dans un rapport de séminaire sur les relations entre l’école et les familles, accessible sur le site de l’IFE. Cette association met en place, avant tout, un rapport de « reconnaissance » et d’accueil afin d’instaurer une relation de confiance propice à l’échange culturel.

Ma lecture du dossier de l’IFE

Suite à ses travaux de thèse, Véronique Lemoine propose quatre « pôles d’étrangeté » dans la classe. Je me suis donc demandé dans quel(s) pôle(s) mon sujet de recherche pouvait s’inscrire. Je travaille autour du thème de l’altérité (culturelle) en classe, et plus particulièrement sur les méthodes et outils utilisés par les enseignants pour faire entrer / pour aborder l’altérité, les cultures étrangères dans la classe. De ce fait, on peut dire que mon sujet s’inscrit dans le quatrième pôle « les situations proposés par l’enseignant ». En effet, c’est au professeur que revient la tâche de choisir comment il va aborder l’altérité / les cultures étrangères en classe avec ses élèves. Mes analyses étaient donc principalement axées sur les outils mis en œuvre par les enseignants pour aborder l’altérité en classe (travail sur des albums jeunesse, projets, chansons, comptines etc), mais j’ai également pu, notamment lors de mon deuxième stage, observer le rapport des élèves face à la différence culturelle.

La classe dans laquelle j’ai effectué mon deuxième stage était une classe dans laquelle il y avait une certaine mixité culturelle (plusieurs familles d’origine turque, dont un élève nouvellement arrivé qui ne parlait pas encore bien français). J’ai pu analyser les relations qu’avaient les élèves avec cet élève en particulier, et j’ai pu remarquer que tous étaient très bienveillants envers lui, qu’ils savaient qu’il avait des difficultés et qu’ils n’hésitaient pas à aller l’aider dans les tâches qui lui posaient problème (lui réexpliquer les règles d’un jeu par exemple). On peut donc dire que mon sujet s’inscrit également dans le premier pôle d’étrangeté défini par V. Lemoine, à savoir « la relation à des étrangers ».

Dossier de l’IFE

Mon écrit de recherche porte sur l’intégration des enfants issus de la communauté des gens du voyage au sein de la classe. D’après les quatre pôles d’étrangeté en classe de Lemoine, mon écrit entre dans le pôle : « relation à des étrangers », avec une étrangeté souvent exacerbée, portée par des stéréotypes. Afin d’inclure des élèves étrangers, les élèves doivent travailler sur leur relation aux autres, accepter la culture des autres. Pour cela, il semble important d’étudier ces cultures, d’en parler pour ne pas rester sur des stéréotypes et des représentations que l’on peut avoir sur cette communauté. On peut faire entrer cette discussion par le biais d’albums de jeunesse.

Dans le dossier de veille de l’IFÉ, nous pouvons lire que les difficultés scolaires d’un élève peuvent être attribuées à son origine et à sa famille et donc à sa culture. C’est pourquoi il est important de faire du lien entre la culture de la classe et la culture familiale qui peuvent se retrouver en confrontation vis-à-vis de leurs différences. Pour les élèves, intégrer la culture de l’école leur permet de mieux s’intégrer et ainsi d’avoir moins de difficultés d’apprentissage. Les élèves comprennent alors ce qu’on attend d’eux au sein de la classe et donc de l’école.

Le dossier de veille de l’IFÉ

Mon écrit de recherche porte sur l’écart entre la culture familiale et la culture scolaire et sur la manière dont la culture familiale est intégrée à l’école. Ainsi, il s’inscrit dans l’un des « quatre pôles d’étrangeté dans la classe de langue ou autre » proposé par Lemoine qui est « la relation aux camarades de classe, au-delà des origines, avec lesquels on échange dans la langue qu’on apprend ensemble ». Le fait qu’il y est des écarts entre la culture familiale de certains élèves et la culture familiale des autres élèves engendre des échanges entre les élèves. En effet, lorsqu’ils sont à l’école ils ont les mêmes choses à apprendre. Cependant, ils n’ont pas tous le même rapport à l’école en fonction de leur culture familiale ce qui peut amener à des interactions, des échanges, de l’aide entre les élèves.

De plus, ce dossier de veille de L’IFÉ aborde le sujet des voyages à l’étranger avec l’école à travers la thématique « Encourager, accompagner et évaluer la mobilité des élèves ». Ainsi, cela peut rejoindre le sujet de mon écrit de recherche. En effet, j’ai pu remarquer que le fait d’organiser des classes découvertes ou des voyages peut permettre de faire découvrir une autre culture aux élèves et ainsi élargir leurs connaissances. Cela permet également de réduire les écarts qu’il peut y avoir entre la culture familiale et la culture scolaire.

Ma lecture de l’IFE

Il est probable que le refus de participer à des enseignements ou à des sorties scolaires soit implicite. Par conséquent, ceci nous interroge sur l’idée des stéréotypes pouvant être ancrés dans les mœurs des familles françaises concernant les apprentissages. Comme le stipule Lemoine dans sa thèse, cette « relation à des étrangers » serait fondée sur des stéréotypes extrêmement présents. Les enseignants français cherchent à détourner ces représentations stéréotypées que peuvent avoir les familles sur les enseignements afin que leurs enfants y participent.

Le suivi des programmes scolaires peut amené une proposition de situations pédagogiques qui peuvent, culturellement, s’opposer aux convictions des familles. Cependant, Lemoine écrit que ce type de situations permet au contraire de développer « une stratégie interculturelle ». En outre, il est important pour cet auteur de prendre en compte la diversité des connaissances culturelles des élèves et d’en discuter en classe. Le refus des familles d’y participer, enferme l’enfant dans une idéologie culturelle et empêche son ouverture aux autres et par déduction l’altérité.

Quatre pôles d’étrangeté selon V. Lemoine

Dans ses études, V. Lemoine met en avant le manque de travail autour de l’interculturalité, et définit « quatre pôles d’étrangeté » au sein d’une classe. Mon étude s’articulant autour de la création d’une culture commune à la classe en intégrant les cultures personnelles des élèves, elle s’inscrit dans les quatre pôles décrits.

En ce point, « la relation aux camarades de classe, au-delà des origines, avec lesquels on échange dans la langue qu’on apprend ensemble » est un point d’ancrage pour les données à recueillir. Mais aussi comment appréhender une culture différente, mettant en question ses idées préconçues et donc en travaillant sur le « rapport à soi-même » en plus de développer « la relation à des étrangers »

Pour autant, c’est à l’enseignant de « créer » en coopération avec les élèves, cette culture commune, en effet, ce sont « les situations proposées par l’enseignant à partir de contenus culturels stéréotypés et dogmatiques » qui peuvent être étudiées en classe et être le point de départ des recherches et partages des élèves pour permettre « aux élèves de développer une stratégie interculturelle de la déstabilisation ».

De plus, comme « il ne s’agit pas de rejeter les connaissances culturelles (d’autant plus quand elles sont prescrites et que les enseignants doivent faire), mais d’être attentif à la façon de présenter et de discuter ces objets en classe » il me faudrait étudier les moyens mis à disposition de l’enseignant pour permettre ce genre d’échanges.

Pôles d’étrangeté en mémoire

– « La relation aux camarades de classe, au-delà des origines, avec lesquels on échange dans la langue qu’on apprend ensemble »

Dans l’optique de mon mémoire interrogeant la création de liens sociaux complexes entre élèves de classes multi-niveaux, cette notion relationnelle pure entre soi et ses camarades fondée sur le partage d’une langue commune me semble majeure. Ce n’est pas tant le fait de partager la même langue que de considérer autrui comme un individu sans poser de discrimination quelconque pouvant le caractériser. Le genre, les origines ethniques ou sociales ne sont pas à effacer mais ne doivent pas pour autant s’immiscer dans les relations que tissent les enfants entre eux. Leur prise en compte dans un temps ultérieur permettra d’ailleurs d’enrichir lesdites relations et les capacités de sociabilisation, d’empathie et de réflexion des enfants. Dans un premier temps il est cependant plus sage de ne pas les surligner et de laisser les enfants être acteurs de leurs tissages sans que des idées préconçues ne viennent les perturber. La classe multi-niveaux par sa structure même est le lieu parfait pour observer ces relations : les élèves d’une même classe de niveau possèdent déjà en eux une diversité très forte, dès lors y mêler des élèves d’un autre niveau ne peut qu’enrichir celle-ci.

– le « rapport à soi-même » : reconnaissance de soi et interrogation des discours que je porte sur l’autre

Il me semblerait illogique de penser la relation aux camarades de classe sans que cela n’interroge également le rapport à soi-même. La reconnaissance de l’altérité commençant par la reconnaissance de soi en tant qu’individu unique, ce deuxième pôle d’étrangeté soulevé par Lemoine a donc toutes les raisons d’intégrer et de venir compléter le pôle précédent et de venir enrichir mon écrit de recherche. Les questions de sociabilisation dans les classes multi-niveaux se posent à plusieurs échelles, de la relation de soi à l’enseignant-e aux relations entre soi et les autres élèves de la classe. Le dénominateur commun évident de ces relations et le soi, l’élève au centre de son réseau relationnel. La question qui se pose alors est un peu ardue : Mieux vaut-il commencer par étudier l’individu pour mieux appréhender la construction de son réseau relationnel ou bien est-il préférable au contraire de fonder notre analyse sur ce réseau, plus facilement observable car plus étendu, pour dégager une vue plus approfondie de la relation qu’entretient l’élève à son identité propre ? La question des discours portés par les autres sur soi, ainsi que par soi sur soi s’inscrivent pleinement dans le développement de ces réflexions.

En conclusion, nous pouvons dire que l’habit ne fait pas Lemoine.