vivre l’altérité en poesie

La ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde

Voulaient s’donner la main,

Tout autour de la mer

Elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde

Voulaient bien être marins,

Ils f’raient avec leurs barques

Un joli pont sur l’onde.

Alors on pourrait faire

Une ronde autour du monde

Si tous les gens du monde

Voulaient s’donner la main.

 

Paul Fort

 

J’ai choisi cette poésie lors de la semaine d’hommage à Samuel Paty  pour expliquer aux élèves le vivre ensemble, le sens de la fraternité à l’école, la liberté d’expression, l’acceptation de l’autre, ce qu’il faut  faire pour que chaque jour la fraternité soit présente dans l’école.

Cette activité est en même temps un projet interdisciplinaire de la classe : EMC (vivre ensemble),Education artistique (art et poésie).

 

Bouquet – Marie Dumontet

Regarde
Les fusées sont de toutes les couleurs
Des bleues des ors des rouges
Vite faut en faire un bouquet

Regarde
Les ballons sont de toutes les couleurs
Des roses des verts des orange
Vite faut en faire un bouquet

Regarde
Les enfants sont de toutes les couleurs
Des noirs des marron des blancs des jaunes
Des cuivrés des basanés
Vite faut en faire un bouquet

Claude Haller

J’enseigne dans une classe de moyenne section. Je pourrais leur proposer ce poème parce qu’il est simple et direct. Il est très important à cet âge d’expliquer les règles de respect envers autrui. Mes élèves pourraient facilement comprendre que comme les fusées et les ballons, chaque enfant est aussi de couleurs différentes.  Je finirai l’activité en faisant un bouquet d’enfant ; un câlin collectif pour montrer que l’on s’aime peu importe nos différences.

« Vivre l’altérité en poésie » / classe de CE1 / Vanessa FREMIOT

Le Lion et le Rat

Il faut, autant qu’on peut, obliger1 tout le monde :

On a souvent besoin d’un plus petit que soi.

De cette vérité deux fables feront foi,

Tant la chose en preuves abonde.

 

Entre les pattes d’un lion

Un rat sortit de terre assez à l’étourdie.

Le roi des animaux, en cette occasion,

Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.

Ce bienfait2 ne fut pas perdu.

Quelqu’un aurait-il jamais cru

Qu’un lion d’un rat eût affaire ?

Cependant il avint3 qu’au sortir des forêts

Ce lion fut pris dans des rets4

Dont ses rugissements ne le purent défaire.

Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents

Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.

 

Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

 

  1. Rendre service à.
  2. Bonne action.
  3. Advint.
  4. Filets

 

Je porte mon choix sur une poésie extraite des Fables de La Fontaine. Cette année 2021 accueille le 4e centenaire de la naissance du poète. C’est l’occasion de visiter ces apologues nourrissant la langue et la culture française depuis des siècles.

La mise en scène d’animaux, en tant que personnages principaux, est fréquente dans la littérature jeunesse et caractéristique des Fables de La Fontaine.

Les personnages présents, le lion et le rat, illustrent bien la diversité, le rapport à l’autre, l’interaction omniprésente dans tous les moments de la vie de l’enfant ou de l’adulte.

Tout semble les séparer, les opposer : leur taille, leur place dans le monde animal, leurs caractères (force, puissant, rage / petit, faible, patient).

Si différents soient-ils, ils vont se retrouver par deux fois dans des situations qui leur donnent successivement l’avantage, laissant à chacun la possibilité de faire ou non une bonne action (selon une morale), et ainsi, rendre service à l’autre.

Après avoir travaillé sur la compréhension du récit (personnages, découpage du récit, dénouement, morale de l’histoire) et sur l’illustration, je proposerai aux élèves d’échanger à l’oral, afin de transposer le rapport entre les 2 personnages à des situations de vie à l’école; lors d’activité en binôme ou en groupe ; dans la cour de récréation.

Chacun a un rôle individuel à jouer au sein d’un groupe afin de lui permettre de répondre à une question posée, résoudre un problème, parvenir au terme de l’activité. Exemple d’une situation de classe, le tutorat : selon la discipline ou l’exercice, le tuteur peut devenir le tutoré, et vice versa.

Cette activité de français est à associer à l’enseignement moral et civique mettant en évidence des valeurs de respect, de solidarité et d’entraide. (voir Attendus de fin de cycle 2 et Repères annuels de progression cycle 3).

L’homme qui te ressemble

René Philombe est considéré comme l’un des pères de la littérature au Cameroun. Journaliste et écrivain, il est également un militant culturel et politique.
Ses écrits sont empreints de réalisme, d’humanisme et d’un profond intérêt pour la justice.

L’altérisation, c’est-à-dire la construction de l’autre, a des conséquences matérielles et symboliques bien réelles (ou du moins quand cette altérisation vise des groupes par exemple les femmes, les homosexuels, les Arabes ou les Noirs). J’ai choisi ce poème car il appelle les Hommes à dépasser ce qui les sépare. Et à l’être humain d’aller
au-delà des différences et à ouvrir sa porte à tout le monde, quelle que soit son origine, sa couleur ou ses croyances. Philombe rassemble tous les individus, il ne les différencie pas les uns des autres et il ne les rejette pas. L’altérité n’existant pas en soi, mais se construisant plutôt dans un rapport. 

Poème « le clown » de Paul Melki

L’initiation littéraire en classe va pouvoir contribuer à la construction de la pensée. Dans ce sens, la poésie va permettre cette éducation au devenir du citoyen : penser par soi-même, comprendre le monde, au sens large, se comprendre soi-même, éveiller sa curiosité et son imaginaire.

Le clown

 Le rire emporte la fragilité de mon corps,

Petit acrobate du handicap,

Toujours à la recherche de l’équilibre

Si naturellement désaccordé.

 

Et au moment fatidique,

Quand la chute paraît inéluctable,

Devant l’angoisse partagée,

Le clown apparaît,

Resplendissant.

 

Et, d’une bouche écartelée,

D’un revers irraisonnable,

Il éclate de rire

Pour balayer ses larmes et saisir,

Dans une petite goutte d’éternité,

L’insoutenable beauté De la vie.

 

Paul Melki

 

J’ai choisi ce poème car il est particulièrement intéressant pour introduire et illustrer la notion de l’altérité en classe puisqu’il permet d’aborder le sujet de l’handicap de manière assez directe.

L’auteur dans ce poème a voulu nous dire que de différence il n’y en a pas entre une personne valide et une personne en fauteuil. La distinction se fait dans la personnalité, la façon de voir la vie et dans le cœur. La différence physique et visuelle n’est que minime par rapport à ce que l’on peut donner.

L’écriture sert à Paul Melki d’exutoire, ses récits lui permettent de s’évader et de quitter ce corps qui l’empêche de marcher, de courir, tout simplement de vivre comme les jeunes hommes de son âge.

Je veux montrer aux élèves que la différence peut être une force et non une faiblesse. Il pourrait être intéressant après l’analyse du poème que chaque élève qui le souhaite nous dévoile les faiblesses qu’il pense avoir pour chercher à en faire une force.

 

Portrait de l’autre, par Robert Gélis

 Portrait de l’autre

L’Autre : Celui d’en face, ou d’à côté,

Qui parle une autre langue

Qui a une autre couleur,

Et même une autre odeur

Si on cherche bien…

L’Autre : Celui qui ne porte pas l’uniforme

Des bien-élevés, Ni les idées Des bien-pensants,

Qui n’a pas peur d’avouer Qu’il a peur…

L’Autre : Celui à qui tu ne donnerais pas trois sous

Des-fois-qu’il-irait-les-boire,

Celui qui ne lit pas les mêmes bibles,

Qui n’apprend pas les mêmes refrains…

L’Autre : N’est pas nécessairement menteur, hypocrite, vaniteux, égoïste, ambitieux, jaloux, lâche, cynique, grossier, sale, cruel…

Puisque, pour Lui, l’AUTRE…

C’est Toi

Robert Gélis

 

Je trouve ce poème particulièrement intéressant pour aborder et illustrer la notion de l’altérité en classe puisqu’il permet d’aborder le sujet de manière assez directe selon moi. Robert Gélis peint dans un premier temps le portrait de personnes que l’on pourrait de prime abord jugé, peut être à la hâte. Il souligne la différence que d’autres personnes, parfois considérées comme marginales, pourraient avoir avec nous-même. Or, en conclusion, les deux dernières phrases viennent casser le rythme du poème et interpeller le lecteur puisque finalement nous sommes tous l’autre de quelqu’un.

Il pourrait être intéressant de procéder à une découverte pas à pas de ce poème, chaque strophe débutant par « L’autre » à la fois, afin de s’intéresser aux idées des élèves, à leurs interprétations, puis terminer  avec les deux dernières phrases afin de rendre l’ouverture de ce poème plus impactante et d’en débattre avec les élèves.

Vivre l’altérité en poésie

La différence

Pour chacun une bouche deux yeux
deux mains deux jambes

Rien ne ressemble plus à un homme
qu’un autre homme

Alors
entre la bouche qui blesse
et la bouche qui console

entre les yeux qui condamnent
et les yeux qui éclairent

entre les mains qui donnent
et les mains qui dépouillent

entre le pas sans trace
et les pas qui nous guident

où est la différence
la mystérieuse différence ?

Jean-Pierre Siméon

 

Ce poème illustre selon moi parfaitement la notion d’altérité. Dans un premier temps, le poète indique explicitement que tous les hommes se ressemblent de par leur composition physique. Néanmoins, au fil du poème, on remarque vite que les hommes sont tous différents dans leur manière d’être et d’agir au quotidien. Jean-Pierre Siméon invite ici le lecteur à penser l’autre à travers ses actions en creusant plus loin que les apparences. De fait, l’ouverture à l’altérité ne doit pas se limiter à la connaissance superficielle de l’autre mais elle doit permettre aux enfants de comprendre que la différence va au-delà de l’aspect physique.

 

Alors, ce poème peut être proposé en classe dès le cycle 2 dans le cadre d’un travail interdisciplinaire pour travailler la notion d’altérité. En effet, il peut constituer un point de départ pour introduire une séquence d’EMC dont le but serait d’ « Accepter les différences » qui est un attendu de fin de cycle. Pour cela, les élèves doivent comprendre que tous les êtres humains pensent et agissent différemment selon leurs pensées et leurs opinions. Un temps oral d’échange autour de ce poème peut d’abord permettre aux élèves de comprendre que les différences entre les hommes ne se rapportent pas qu’à l’apparence physique. Par ailleurs, une activité d’écriture peut également être envisagée. Il serait alors demandé aux enfants d’écrire comment, eux, utilisent leur bouche, leurs mains et leurs pas et de constater que chaque enfant agit différemment.

Face à face Nashmia Noormohamed 1999

Assise sur une plage,

Le visage face à la mer,

Le dos aux montagnes,

J’ai pensé:

C’est curieux comment

les gens sont,

C’est étrange comment

les noeuds se font et se défont.

C’est curieux comment

leurs mots heurtent,

C’est étrange comment

leurs actes abusent et désabusent.

C’est curieux comment

nous sommes faits,

C’est étrange comment

nos yeux distraits disent vrai.

Cela demeure pour moi un mystère,

Ces vagues qui partent et qui reviennent,

Ces nuages qui aspirent aux cimes,

Et ces gens,

Ces mêmes gens qui se miment.

J’ai choisi ce poème  car je le trouve assez explicite concernant la notion de l’altérité, la perception des autres et des représentations individuelles .Le questionnement rhétorique de la poétesse permet de s’interroger sur ce que nous trouvons étrange chez les “gens ». A partir de cela, je pense que l’on peut engager une réflexion avec les élèves sous deux angles. D’abord la notion de point de vue, pour distinguer qui est l’autre. Pour permettre aux élèves de se situer ( suis-je identifier à l’auteur ou aux gens citée par l’auteure)  pour qu’ils puissent prendre conscience qu’ils sont à la fois l’observateur de toute situation mais aussi l’observé par les autres . Puis un échange autour du mot étrange, notamment en travaillant sur autours stéréotypes . Pour les inciter à discuter/confronter  leurs représentations et à trouver des points communs ou du moins permettant de comprendre les parties opposées. Enfin je pense qu’il serait avisé de leur proposer une tâche d’écriture de poème collectif en interdisciplinarité avec les arts plastiques (pour souligner la notion de point de vue et d’étrangeté (esthétique, culturelle ou sociale). L’idée serait de proposer une petite présentation à l’école du poème. En explicitant le processus de création mais aussi les réflexions des élèves à l’aide des productions réalisées en arts plastiques.

L’enfant et le miroir

Poème « L’enfant et le miroir » de Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) publié dans le recueil « Fables » (1792)

Un enfant élevé dans un pauvre village
Revint chez ses parents, et fut surpris d’y voir
Un miroir.
D’abord il aima son image ;
Et puis, par un travers bien digne d’un enfant,
Et même d’un être plus grand,
Il veut outrager ce qu’il aime,
Lui fait une grimace, et le miroir la rend.
Alors son dépit est extrême ;
Il lui montre un poing menaçant,
Il se voit menacé de même.
Notre marmot fâché s’en vient, en frémissant,
Battre cette image insolente ;
Il se fait mal aux mains. Sa colère en augmente ;
Et, furieux, au désespoir,
Le voilà devant ce miroir,
Criant, pleurant, frappant la glace.
Sa mère, qui survient, le console, l’embrasse,
Tarit ses pleurs, et doucement lui dit :
N’as-tu pas commencé par faire la grimace
A ce méchant enfant qui cause ton dépit ?
– Oui. – Regarde à présent : tu souris, il sourit ;
Tu tends vers lui les bras, il te les tend de même ;
Tu n’es plus en colère, il ne se fâche plus :
De la société tu vois ici l’emblème ;
Le bien, le mal, nous sont rendus.

Jean-Pierre Claris de Florian

 

J’ai choisi ce poème puisqu’au travers de celui-ci, plusieurs thèmes importants peuvent être travaillés avec les élèves. Tout d’abord, le champ lexical des émotions ressort des vers du poème. L’enfant qui voit son reflet dans le miroir fait l’expérience de celles-ci et passe d’un sentiment de joie à une incompréhension provoquant la colère. Il répond spontanément au reflet qu’il voit par le rejet de cet individu qui n’est autre que sa propre image. On peut noter une certaine morale à la fin de ce poème qui est que notre façon d’être et de nous comporter est renvoyé par autrui. Par l’exemple du sourire, le reflet s’en voit transformé et l’enfant s’apprécie à nouveau car il renvoie une image positive. Il y a aussi par les émotions, le thème de la découverte de soi (de son image, de sa manière d’être, etc.) et celui de la réception par autrui de nos émotions.

Nous pourrions donc travailler avec les enfants, après compréhension du sens et lecture du poème, sur la notion de perception de soi et d’autrui par les émotions. En effet, nous pourrions proposer un travail d’écriture qui aurait pour consigne :   » Raconte un moment de ta vie où tu as ressenti un émotion particulière face à quelqu’un »  avec  pour que les élèves mettent de mots et fassent du lien entre les émotions qu’ils reçoivent des autres et comment ils réagissent à celles-ci. Cela est en lien avec la notion d’altérité en travaillant autour des émotions d’autrui et de son impact sur nous-mêmes. L’importance de l’autre dans notre vie est importante et joue forcément sur notre bien-être ou nos malheurs et cela fait partie de la vie en communauté.

Pour aller plus loin, le poème pourrait s’inscrire dans un projet interdisciplinaire avec sa mise en pratique par des jeux de rôles. Des petites scénettes pourraient être créées où les élèves jouent le poème à tour de rôle, en binôme ou trinôme. Ils peuvent aussi mettre en scène les écrits qu’ils ont produit sur le moment de leur vie décrit.

 

« L’autre » Robert Gélis

Portrait de l’autre

L’Autre :
Celui d’en face, ou d’à côté,
Qui parle une autre langue
Qui a une autre couleur,
Et même une autre odeur
Si on cherche bien …

L’Autre :
Celui qui ne porte pas l’uniforme
Des bien-élevés,
Ni les idées
Des bien-pensants,
Qui n’a pas peur d’avouer
Qu’il a peur …

L’Autre :
Celui à qui tu ne donnerais pas trois sous
Des-fois-qu’il-irait-les-boire,
Celui qui ne lit pas les mêmes bibles,
Qui n’apprend pas les mêmes refrains …

L’Autre :
N’est pas nécessairement menteur, hypocrite,
vaniteux, égoïste, ambitieux, jaloux, lâche,
cynique, grossier, sale, cruel…
Puisque, pour Lui, l’AUTRE …
C’est Toi

Robert Gélis (« Poèmes à tu et à toi« )

Ce poème me semble pertinent, dans un premier temps, parce qu’il démontre l’existence de différentes cultures dans une même société. Il met également en avant le principe même de la notion d’altérité. En effet, l’altérité se définie par l’acceptation de l’autre en tant qu’être différent ainsi que son droit de se représenter tel qu’il est lui. Ce poème fait ressortir les valeurs de l’altérité, en introduisant le sujet de l’ouverture d’esprit et de l’acceptation aux différentes cultures et à leur métissage.

Ce poème peut être exploité en classe de primaire et plus particulièrement en cycle 3. L’enseignant pourrait proposer à ses élèves, après avoir étudié le poème de Robert Gélis, d’écrire eux mêmes un poème reflétant leur propre vision de qui peut être l’autre et les valeurs qu’il peut défendre. À la suite de ces écrits, les élèves pourraient illustrer leurs propos grâce à des dessins. Ils les afficheraient au tableau et pourront chacun lire leurs productions. L’enseignant pourra également afficher ces dernières dans la classe, afin que les élèves puissent se souvenir que dans ce lieu, il existe des règles de vie afin d’établir une bonne coopération entre leurs pairs.