Le projet « Les Petits Colibris du Val de Saye ».

Aujourd’hui on avait envie, Colette et moi, de revenir sur le projet Colibri démarré en 2018 avec la rédaction d’une charte de pique nique zéro déchet par des élèves de sixième.

Aude. – C’est toi qui étais à l’initiative de ce projet Colette, peux-tu en rappeler la genèse ?

Tout a commencé avec l’actualité de la forêt amazonienne qui brûlait cet été là, non pas sous l’effet du réchauffement climatique mais sous les feux de la déforestation. J’ai découvert au même moment la légende du colibri que racontait Pierre Rabhi à qui voulait l’écouter parler du rapport entre l’homme et la nature. Cette légende,en quelques phrases, m’a donné du grain à moudre pour des années ! Comme tout ce qui me touche, je l’ai partagé immédiatement avec mes élèves de 6e.

La Sagesse du colibri, où comment chacun fait sa part,
Pippa Dyrlaga, Gründ.

Cette année là, la rentrée s’est faîte sous le signe du colibri. A l’occasion d’une dictée fautive de début d’année, j’ai proposé à mes élèves le texte de la légende que nous avions au préalable analysé. Puis nous nous sommes décernés le titre d’ambassadeurs et ambassadrices de l’éco-citoyenneté et nous avons œuvré toute l’année autour du thème des déchets avec toi, leur professeure d’Histoire-Géographie-EMC mais aussi avec notre collègue de SVT, notre collègue de Mathématiques et notre collègue de Technologie. Il me semble que c’est toi qui a balisé l’année de projets qui nous permettraient de découvrir le trajet d’un déchet et de comprendre pourquoi le meilleur déchet c’est celui qu’on ne crée pas. On a travaillé notamment avec le SMICVAL, le syndicat intercommunal qui traite les déchets de l’établissement, et on a pu suivre le trajet de nos déchets de la déchèterie au centre d’enfouissement, puis on a élaboré une charte du pique-nique zéro déchet qu’on a testée lors de nos sorties scolaires et que nous avons soumise à notre principal de l’époque pour une généralisation de cette démarche à toutes les sorties scolaires.

Aude. – Je me souviens de beaucoup d’enthousiasme de notre part et des partenaires avec lesquels on avait travaillé et en même temps d’un décalage entre nos préoccupations, nos inquiétudes et l’attitude de certains élèves. Trouves-tu que cette génération d’élèves a réussi à être plus sensible à la cause écologique?

Colette. –Je pense que c’est une génération qui SAIT beaucoup de choses sur les enjeux de développement durable et de protection de la biodiversité. Ils ont le vocabulaire, ils comprennent dans les grandes lignes les phénomènes scientifiques qui sont au cœur des transformations de notre environnement, et cela dès le plus jeune âge du collège, dès la 6e. Après, nos élèves sont à l’image de la société à laquelle ils appartiennent, et il y a un immense fossé entre avoir les connaissances nécessaires à la compréhension des phénomènes liés à l’écologie et agir pour protéger le vivant…

Aude. – Quels ont été les autres projets après ? Ont-ils eu autant de portée?

Colette. – Nous avons créé l’année suivante un « éco-club » en parallèle du club Nature, animé par d’autres collègues avec qui nous avions travaillé l’année précédente. Nous avons proposé aux élèves volontaires de faire de l’up-cycling, c’est-à-dire de réutiliser des textiles pour fabriquer des objets du quotidiens, essentiellement des tote-bags et des tawashis. Nos élèves étaient essentiellement des filles qui voulaient lancer des sweats féministes 🙂 Alors on a essayé de trouver des slogans à illustrer avec des tricotins sur des T-shirts recyclés ! On a surtout fabriqué des tawashis à la pêle ! Notre objectif cette année là était de réfléchir aux fournitures scolaires. Hélàs un satané virus est venu perturbé notre programme… et nous n’avons plus revu nos élèves de l’éco-club de l’année…

Aude. – Quelles sont selon toi les difficultés à mener l’éducation au développement durable dans nos classes? Je peux d’ores et déjà répondre qu’au lycée, je me confronte à la difficulté du calendrier d’une part. Une année très courte, jalonnée par des examens blancs, puis des examens, des devoirs sur table immanquables,… et le manque d’intérêt de la part des élèves s’il n’y a pas de récompenses au bout. Et le dernier frein est clairement pour ma part le manque d’audace : il faudrait que je saute le pas, que j’aille faire cours face à la mer, face à la Rhune, qu’on marche à pied, que je consacre des heures à la contemplation de la nature plutôt que de m’accrocher à mon programme.

Colette. – Je suis d’accord avec toi sur le manque d’audace personnelle auquel je rajouterai le manque d’ambition collective – qui pour moi caractérise toute la société face à l’enjeu climatique ! Par exemple, quand nous avons souhaité rencontrer notre chef d’établissement avec les élèves de 6e en 2018, il avait oublié le RDV. La gestionnaire qui l’a remplacé à la réunion a bien pris note de nos recommandations et des solutions proposées par les élèves pour les futurs pique-niques zéro déchet du collège mais depuis 4 ans, rien n’a changé : les pique-niques sont toujours donnés aux élèves dans des poches en plastique, et chaque aliment y est emballé dans des emballages individuels. Le gaspillage alimentaire à la cantine a empiré, les déchets ne sont même plus triés. Notre vermi-compost est toujours dans un placard sans parler du tri du papier qui n’est même plus fait par les élèves. Quant aux éco-délégué.e.s, même s’ils et elles sont très motivé.e.s au départ, ils et elles ne sont pas encadré.e.s : que peuvent-ils et elles bien impulser du haut de leurs 10, 12, 13 et 14 si les adultes ne leur laissent pas le lieu et le temps de se réunir ? (et encore ça c’est quand les éco-délégué.e.s sont élu.e.s…)

Aude. – Maintenant que je ne suis plus au collège, où en êtes-vous? Je suis curieuse, je veux tout savoir….

Colette. – L’année dernière, notre collègue de mathématiques a poursuivi le club nature avec notre collègue de sciences physiques. Nous avons 3 poules au collège que les élèves adorent ! Nous proposons à chaque sortie un pique-nique zéro-déchet (mais qui reste à charge des élèves) et lors de la journée d’intégration des 6e, nos collègues d’E.P.S organisent une « clean walk » dans les rues du village, avec pesée des déchets collectés (et c’est toujours très impressionnant…) . Cette année, les choses vont changer grâce au retour d’un collège de SVT très engagé qui a constaté l’immobilisme de notre établissement sur ce sujet. D’ailleurs aujourd’hui même, à peine élu.e.s, les éco-délégué.e.s vont participer à leur première réunion sous la houlette du SMICVAL. Je me suis invitée, je pourrai venir raconter ici ce qui s’y est dit !

Aude. – Pour finir, vers quels types de projets te diriges-tu cette année dans ce cadre? et peut être dans une projection à deux ou trois ans?

Colette. – Cette année, j’ai accueilli les élèves de 6e dont je suis professeure principale avec une matinée escape game basé sur la légende du colibri et le trésor à la clé de cette matinée était une sauge que nous avons plantée dans le jardin du collège. Je compte soutenir la formation des éco-délégué.e.s avec notre collègue de SVT notamment en travaillant sur la sensibilisation du parcours des déchets à l’échelle de l’établissement à la fois dans la cour, dans la classe, dans la cantine. Cette fois on s’attaque au fonctionnement de l’établissement dans son ensemble et plus seulement aux petits gestes des élèves : si on veut qu’ils soient outillés pour construire un avenir plus respectueux du vivant, il faudra d’abord montrer l’exemple, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Je compte aussi travailler dehors beaucoup plus régulièrement. J’explore en ce moment les sentiers et les chemins qui bordent le collège pour y expérimenter les balades contées, car je suis de plus en plus convaincue qu’on ne respecte que ce que l’on aime. A plus long terme, c’est sur les partenariats que j’aimerais travailler : partenariat avec les familles et avec les acteurs locaux du développement durable.

Aude. – Si tu fermes les yeux quel serait le visage de cette fameuse école durable de point de vue aménagements intérieur et extérieurs mais aussi moyens humains?

En ce qui me concerne, si je réponds à cette question, j’aimerais des vrais temps de discussions avec tous les acteurs de l’établissement scolaire et en premier lieu une véritable éducation et implication des agents avec une valorisation salariale de leur engagement dans ces démarches. J’ai encore en travers le fait que le tri n’est pas effectué dans mon établissement par manque de moyens humains (ils ne sont pas assez nombreux et ne peuvent pas réaliser cette tâche dans leur temps de travail). J’aimerais des semaines dédiées à l’éducation au développement durable avec une implication de tous les enseignants et non uniquement des profs d’histoire-géographie et S.V.T : c’est d’ailleurs ce qu’on avait réussi à faire au collège la première année des colibris. Enfin j’aimerais une école pensée durablement avec un enseignement à l’émerveillement. Jardiner, cuisiner, se promener, visiter des monuments, aménager des salles, tenir des ressourceries, éduquer les élèves aux gestes éco-responsables et solidaires doit désormais à mon sens faire partie de notre enseignement.

Colette.- Je répondrai avec ce petit reportage trouvé sur le site du magasine Phosphore qui met en avant les initiatives du lycée franco-allemand de Fribourg-en-Brisgau.

Comme toi, je crois qu’il nous faut avant tout éduquer à l’émerveillement, au contact avec l’arbre, l’oiseau, l’air, le cheminement pour rappeler cette évidence que clame les jeunes de Youth for Climate depuis 2018 : Nous sommes le vivant. Alors laissons le vivant rentrer dans nos établissements…

Éduquer en Anthropocène: quelques livres et documentaires

Eduquer en Anthropocène était le titre d’un MOOC suivi l’an dernier qui rappelaient la nécessité de pratiquer un enseignement soucieux des démarches écologiques et durables. Oui il est nécessaire de sensibiliser les élèves à leur environnement et de leur enseigner une autre représentation de la nature, celle dans laquelle on vit, dont on est interdépendant et non celle que l’on domine et qui nous donne.

Vous imaginez bien que les propositions ici vont être très sélectives et absolument pas exhaustives. Il s’agit pour les livres des derniers coups de cœur en matière de littérature sur la nature, l’écologie,…et pour les documentaires, ce sont ceux que je trouve probablement les plus faciles à utiliser avec des élèves.

je commence donc par mes les deux dernières lectures qui m’ont beaucoup plus.

https://www.editions-akinome.com/wp-content/uploads/2020/10/Mock-up-Mon-tour-du-monde-ecolo.png

J’ai découvert les éditions Akinomé ce Printemps lors de l’Escale du livre de Bordeaux. Elles sont spécialisées dans la littérature de voyage. ils ont une petite collection Akinomé Jeunesse très colorée qui invite au voyage responsable et au dépaysement. Il s’agit là d’un album documentaire qui est un atlas. Continent par continent, les 4 auteurs, Dominique Cronier, Maguelonne du Fou, Marine Tellier et Anatole Donarier nous proposent de faire le tour des cultures du monde et des bonnes initiatives. L’ouvrage permet d’embrasser la totalité de la planète et de faire du lecteur un « citoyen du monde » pouvant s’inspirer des coutumes locales et les adapter à leur environnement ou de prendre conscience que l’extraordinaire n’est pas uniquement à l’autre bout de la planète. Oui en Europe aussi, nous avons des fêtes traditionnelles, des paysages grandioses et des richesses culinaires, encourageant ainsi le slow voyage, l’alimentation en circuit court et la curiosité du bas de chez soi. Je vous conseille donc vivement cette lecture qui donne envie de réaliser quelques recherches supplémentaires sur les petits encadrés proposés page après page.

Etre un chêne, sous l’école de Quercus écrit par Laurent Tillon dans la collection Mondes Sauvages chez Actes Sud. Alors là j’ai adoré ce bouquin, le principe est simple Laurent Tillon nous livre une biographie d’un chêne, un chêne au pied duquel il aime se ressource de sa naissance en 1769 à aujourd’hui, l’arbre est dans sa force de lâge, il a aujourd’hui 250 ans et il nous livre sa naissance, sa jeunesse, ses rencontres avec les insectes parasites mais aussi ces alliances avec les champignons, son environnemment, Silva qui change au contact de l’Homo. C’est passionnant, il vous emporte et vous fait changer de regard sur la nature qui vous entoure. Oui l’ouvrage a véritablement le mérite de vous faire prendre conscience que vivre en Anthrocpocène, nécessite de sortir justement d’une vision de la nature anthropocentrée. Nous n’avons plus le choix, il est désormais indispensable de savoir et d’agir avec cette donnée, tous nos gestes comptes pour l’environnement dans lequel nous évoluons.

Quant aux films j’évoquerais demain et animal de Cyril Dion et Mélanie Laurent

Alors bien sûr les mauvaises ondes diront que c’est plein de bons sentiments, un peu simplistes,… mais ces deux documentaires ont le mérite d’être très accessibles pour les enfants comme pour les adultes, les personnages interrogés sont attachants et convaincants, les initiatives exposées sont encourageantes et donnent envie aussi de se lancer. Voilà donc trois raisons qui m’encourage à les proposer comme une ressource pour l’éducation en Anthropocène.

Aude et Colette veillent -chronique n°1

On inaugure ici une nouvelle chronique qui sera publiée tous les derniers mercredi de chaque mois. On avait envie de partager avec vous nos coups de cœur, nos découvertes culturelles, pédagogiques, des petites et grandes choses inspirantes pour nos pratiques pédagogiques.

En ce qui me concerne, je suis allée voir des ballets de dans au festival le temps d’aimer la danse à Biarritz entre le 7 et 17 septembre et j’ai été subjuguée par la pièce de Marie Claude Pietragalla, Petragalla, la femme qui danse.

A l’aube de ses 60 ans, Pietragalla à l’audace de faire son autobiographie dansée. Elle retrace sa vie et surtout son parcours de danseuse, celui qui l’anime et la met en mouvement depuis plus de 40 ans. Plus de pirouette et de fouettée pour MC pietragalla mais son souffle, sa voix, dans le micro. Ainsi elle amène le spectateur dans son corps en mouvement. C’est fabuleux, elle nous livre par ce biais l’expérience de son corps par la vue et l’ouie. En sortant de ce spectacle, je me suis dit que tout individu devrait prendre le temps de danser sa vie, de réfléchir à une autobiographie en mouvement. Quant à moi, je me suis dit qu’effectivement ce serait très intéressant de proposer l’expérience du corps à mes élèves par la randonnée.

Pietragalla - La femme qui danse - 04/03/2023 - Cannes - Frequence-sud.fr
https://www.youtube.com/watch?v=oodVvtj7X9w

Ensuite, j’ai écouté les podcasts d’Etre et Savoir: Comment s’éduque t-on à la démocratie? parce que j’ai des élèves cette année en attente de réponse, d’explication sur le monde dans lequel ils vivent, ils ont pour certains envie de s’engager mais comment dans ses institutions dans lesquels ils ne se reconnaissent pas et qui ne répondent pas à leurs attentes.

le premier épisode: comment éduque-t-on les enfants au vote m’a donné envie de revoir toute la façon dont je menais l’élection des délégués de classe et comment j’impliquai mes délégués dans les vies de classe, les préparations au conseil de classe, comment je les faisais porter des projets seuls de tutorat, d’entre-aide,….

je vous conseille donc vivement l’écoute des 5 épisodes qui datent un peu mais qui sont très enrichissants pour nos pratiques d’éducation à la citoyenneté.

je vous confie ma prise de note sur le premier épisode

En bonus, je vous confie cet entretien d’Olivier Bleys avec Anne Bancel sur une expérience géographique à faire avec ses élèves. « faire le tour de soi ».

https://www.pearltrees.com/saintmacary/de-la-nivelle-a-saye/id57191179/item470762104

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Du côté de Colette, chaque rentrée depuis 3 ans, se vit au rythme des projets de Grand corps malade ! Après La Vie scolaire en 2019 et la sortie de l’album Mesdames en 2020, le mois de Septembre 2022 s’est tissé aux sons de l’album Ephémère sur lequel non seulement on peut entendre Grand Corps malade mais aussi Ben Mazué et Gaël Faye. Les trois compères nous livrent 7 morceaux très éclectiques dont plusieurs viendront enrichir les supports proposés à mes élèves de 3e. Ils et elles auront l’honneur de réfléchir à ce qu’est l’engagement en poésie avec le morceau « La Cause » et ils et elles seront inviter à fermer les yeux pour plonger dans leur passé avec le très beau morceau « Sous mes paupières ».

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En cette rentrée, il a fallu réinventer la réunion d’accueil des parents de 6e et pour l’occasion, j’ai médité les conseils de Maxime Tesnière. En écoutant l’épisode 24 du podcast Les Energies scolaires, je me suis dit que je tenterai bien moi aussi une réunion sur le modèle de l’écoute active.

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Et puis cette année, comme je suis chargée du suivi du dispositif du quart d’heure lecture dans mon établissement, j’ai du chercher des textes courts pour celles et ceux qui parmi nos élèves oublient d’amener leur livre au collège. Et je suis tombée sur cette initiative inspirante proposée sur le site du magazine Phosphore : le concours de nouvelles ECOPOSS «  Donnez-nous des  bonnes  nouvelles du futur  ». On peut aller lire les textes des 6 finalistes en ligne, ou les imprimer pour enrichir les boîtes à livres de nos classes et aller voter pour notre nouvelle préférée jusqu’au 28 octobre.

Coup de coeur pour Plouc Pride

L’an dernier avec mes élèves de HGGSP, j’ai participé au prix du livre de géographie et si mes élèves ont élu meilleur livre de la sélection: Quand la géographie explique le monde? de Thibault Sardier aux éditions autrement et que l’ensemble des établissements ont voté pour le livre de Camille Schmoll sur les africaines émigrées, moi j’ai posé ma préférence sur Plouc pride de Valerie Jousseaume!

Alors je vous livre ma chronique sur cet ouvrage qui est une belle ouverture à notre mois sur éduquer en Anthropocène

Enfin ! Enfin !Plouc Pride de Valerie Jousseaume, un nouveau récit pour les campagnes était le livre de géographie que j’attendais. L’auteure s’empare de l’ensemble des sciences humaines et sociales pour faire un récit des campagnes françaises actuelles et en tant qu’ancienne étudiante en géographie rurale et de l’aménagement des territoires ruraux, ce livre m’a fait un bien fou ! J’avais d’ailleurs choisi ces territoires parce que déjà à  l’époque j’avais de la tendresse pour eux. Comme je le pressens, là aussi il faut changer de point de vue, elle évoque la nécessité d’une part, de s’emparer des mémoires rurales depuis l’ère des chasseurs cueilleurs et de se souvenir de chaque instant, de chaque apport de l’ensemble des périodes qui jalonnent sa pensée. D’autre part, elle considère qu’il est nécessaire de penser les lieux de manière holistique et enfin de manière altruiste. Alors parfois, on peut lui reprocher de s’égarer, de s’emporter, de sortir de son objectif scientifique, en principe indispensable pour nous livrer finalement son point de vue et un ouvrage engagé. Oui les campagnes, parce qu’elles sont au cœur des réflexions géographiques actuelles doivent faire leur plouc pride. Elle entend par là l’obligation pour les campagnes de s’inscrire dans la transition en se racontant et s’inventant un récit pour préparer ces territoires à la transition écologique en cours et indispensable. Son ouvrage comporte 4 « livres » aux titres intrigants et énigmatiques : Le temps ou la campagne comme mémoire, Le Néant ou l’éclipse conceptuelle de la campagne, l’espace ou la campagne comme lieu, et enfin l’espace-temps ou la campagne comme Ethos.

Durant tout l’ouvrage, il n’est question que de perception, de représentation, des espaces ruraux français et j’ai eu l’impression qu’elle ne cessait de clamer : Nous sommes intelligents, nous sommes les héritiers de lieux incroyables, nous avons fait des erreurs mais nous en avons conscience alors maintenant on va prendre tout ça et on va arrêter de faire n’importe quoi. On va cesser de se laisser influencer par les sirènes du monde capitaliste qui se traduisent par une mondialisation et une métropolisation qui met au cœur des relations humaines le profit. On va désormais prendre soin de nous, des lieux dans lesquels on vit, de notre Terre qu’on habite. Oui Valérie Jousseaume fait de l’aménagement du territoire avec le cœur et non avec la compétitivité et le désir d’attractivité en fil rouge.
Merci Valérie Jousseaume, je suis très fière de vous, d’avoir oser ce discours dans le monde universitaire. Je suis aussi très heureuse d’avoir à lire ce livre avec mes élèves dans le cadre du prix du livre de géographie.

Alors pour vous faire patienter de sa lecture, je vous laisse avec quelques indications bibliographiques de sa part et une citation extraite du livre :

« un projet d’aménagement du territoire doit être orphique ». Un projet orphique est social. Il mobilise les connaissances de tous. Il se construit par boucles itératives et de recherches actions. Il est holistique, il pense le territoire dans sa complexité, sans découpage sectoriel. Il s’inscrit aux différentes échelles. Il est intemporel. Il se projette dans le futur, englobant son passé. Il utilise la représentation identitaire. Il active de nouvelles économies locales, des solidarités et des nouveaux styles de vie »

Conseil bibliographique :

Nicolas Guéguen, Sébastien Meneri (2012), Pourquoi la nature nous fait du bien ? Édition Dunot

Résonance de Hartmund Rosa

Plaidoyer pour l’altruisme de Mathieu Ricard

Et si nous ? de Français Taddéi

Conversation autour de l’éducation à la citoyenneté et à la transmission des valeurs républicaines

Trouves-tu que c’est le rôle de l’école d’enseigner la citoyenneté, la démocratie ou encore les valeurs et principes républicains ?

Colette. – Oui, je suis intiment convaincue que cet enseignement est essentiel pour poser les bases d’une implication active et consciente à la vie républicaine. Sans cet enseignement, je crains que beaucoup de droits seraient considérés comme des acquis que nous oublierions de défendre. Je pense d’ailleurs que cet enseignement est encore plus nécessaire aujourd’hui où j’ai parfois l’impression que nos élèves vivent en dehors de valeurs communes clairement affirmées. Comme si il y avait un effet de mondialisation des valeurs qui avait en quelque sorte gommé celles qui unissent chaque peuple à son histoire. Tu vas sans doute me trouver passéiste en lisant ces lignes !

En tant que professeur d’histoire géograhie et emc, j’ai eu quelques formations sur la laïcité, nos institutions républicaines, etc…. Et toi qu’en est-il ? Que penses tu de la formation continue à ce sujet ?

Colette. – Alors là clairement, je n’ai eu aucune formation à ce sujet ! D’où d’ailleurs mon grand désarroi quand il a fallu parler liberté d’expression après l’attentat à Charlie hebdo puis après l’assassinat de Samuel Paty. Heureusement que vous étiez là, cher.e.s collègues d’Histoire-Géographie-EMC, pour nous proposer des contenus, des supports, des idées d’activités. Je garde en mémoire malgré tout les conseils de mon premier tuteur, quand je préparais le CAPES, qui m’avait prêté un livre intitulé L’idée républicaine aujourd’hui et qui avait à cœur de proposer à ses élèves des textes des Lumières notamment.

Peux tu nous décrire des situations pédagogiques dans lesquelles tu as ou as eu conscience que tu éduques à la citoyenneté et à la transmissions des valeurs et principes de la république ? Les envisages-tu différemment ou en dehors de ta progression de ton programme de français ?

Colette. – C’est en 3e surtout, notamment lors de la séquence dédiée à notre Enseignement Pratique Interdisciplinaire intitulé « Mémoire(s) de guerre(s) : quand la littérature témoigne » que j’ai le plus l’impression d’éduquer à la citoyenneté et à la transmission des valeurs et principes de la république. Les témoignages que nous lisons que ce soit celui de Joseph Joffo, d’Anne Frank, d’Art Spiegelman, de Simone Veil, permettent tous de se poser la question des valeurs que nous incarnons et défendons en tant que citoyen et citoyenne et des limites qui sont franchies quand on passe d’un régime politique à un autre. Le programme de 3e en Français proposent plusieurs objets d’étude qui permettent d’interroger les valeurs républicaines : « Agir dans la société, individu et pouvoir » ou encore « Dénoncer les travers de la société ». Même l’objet d’étude dédié à la science-fiction, « Rêves et progrès scientifiques » est une invitation à bousculer nos préjugés sur une république qui serait éternelle et à rester éveillé.e, gardien et gardiennes du modèle démocratique. Sur les autres niveaux, il est plus difficile d’intégrer cet enseignement à mes cours, alors ça passe par des pratiques pédagogiques qui mettent la coopération au cœur des apprentissages : le travail en îlots bonifiés, les conseils coopératifs en vie de classe, le parrainage-marrainage des 6e par les 3e ou encore les dictées anti-sexistes, engagées ou vertes que je propose de manière ritualisée toutes les semaines.

D’ailleurs penses tu que ces valeurs sont difficiles à transmettre ? En faudrait-il d’autres ?

Colette. – Oui je trouve que ces valeurs sont difficiles à transmettre et encore je n’ai jamais été confrontée, comme certaines de mes amies, au rejet hostile et explicite des élèves, notamment en ce qui concerne la laïcité. Je crains que cette difficulté soit liée à un manque de consensus des adultes qui entourent nos jeunes autour de ces valeurs comme si parfois notre école était coupée d’une partie de la société. Je ne saurais analyser précisément ce sentiment mais je pense qu’il est urgentissime d’écrire ensemble un autre récit, un récit qui s’étendrait d’ailleurs au delà de nos frontières car dorénavant nous devons penser ensemble, en tant qu’humanité, notre rapport au monde. C’est d’ailleurs une des valeurs qui devrait être transversale à l’idée républicaine : il n’y a pas de République sans sol, sans forêt, sans rivières… Le respect du vivant, voilà une valeur qu’il faudrait ajouter aux valeurs républicaines.

Comment d’après toi tu les transmets au quotidien ?

Colette. – Comme je l’ai dit précédemment, je pense que c’est à travers divers dispositifs pédagogiques que je transmets les valeurs dont je ne parle pas explicitement aux élèves. Le conseil coopératif notamment et toutes les situations de débat argumenté permettent d’apprendre la liberté, l’égalité et la fraternité. Et j’espère que le fait de laisser ma salle de classe ouverte à quiconque en aurait besoin en dehors des cours incarne également mon engagement citoyen.

Penses tu que d’autres acteurs que les enseignants peuvent s’en charger et pourquoi ?

Colette. – Je suis convaincue que nous devrions travailler beaucoup plus souvent avec les associations du territoire auquel appartient notre établissement. Pour faire société ensemble, il faut vraiment que la société sous toutes ses formes puisse participer à la vie de l’école. Plus que jamais, nous avons besoin de faire rencontrer à nos élèves des personnes engagées.

Enfin, je vais proposer aux élèves de faire des propositions au ministre pour une meilleure éducation à la citoyenneté et toi que lui proposerais-tu?

Colette. – Je vais te faire une réponse décevante, je pense. Je ne lui proposerai rien. Ou si… D’écrire avec nous ce nouveau récit dont nos jeunes ont tellement besoin pour se projeter vers un avenir désirable. Et de créer de véritables instances décisionnelles pour nos jeunes au cœur de chaque établissement. Des instances qui les concernent tous.tes. De petites républiques, comme autant de graines qui feraient battre le cœur de la grande république française.

Dans la bibliothèque d’Amélie – épisode 6

Pour chaque item de cette liste, indique-tes références et les raisons qui t’ont poussé à les citer.

  • un livre découvert dans ta scolarité qui t’a marqué et les raisons qui expliquent ce choix. La Cantatrice chauve de Ionesco parce que je n’avais jamais lu quelque chose d’aussi fou et que j’ai adoré découvrir des classiques aussi peu académiques. J’ai dû voir la pièce 6 ou 7 fois au théâtre, y compris à la Huchette, bien sûr.
  • un livre que tu conseillerais à tes élèves. Un seul, c’est difficile… Peut-être Tobie Lolness de Timothée de Fombelle, parce que c’est accessible à tous, que c’est dynamique et plein de suspense comme les enfants aiment, parce que j’aime le message qui y est véhiculé, parce que je crois que ça peut les aider à grandir.
  • Trois livres ou films que tu conseillerais à un prof qui débute sa carrière. Je ne sais pas car je n’aime pas les livres ni les films qui se passent dans le milieu scolaire…
  • Une ressource pédagogique qui a révolutionné ta pratique. Aucune en particulier : je pioche surtout dans les échanges que j’ai avec mes collègues et amies. C’est à travers nos discussions, leurs expériences et leurs conseils que j’enrichis mes pratiques.
  • Un livre qui te fait rire. Jefferson de Mourlevat (je pense à celui-ci car je suis en train de le relire)
  • Un autre qui te fait pleurer. Le dernier en date est La commode aux tiroirs de couleurs d’Olivia Ruiz. L’accouchement de Cali m’a fait verser une larme.
  • Un autre qui te détend après une semaine de conseils de classe et autres commissions éducatives. La BD des Vieux fourneaux peut-être ? Une BD en tout cas, ça, c’est sûr.

Éduquer aux gestes citoyens : l’élection des délégués de classe

Pas plus tard que cette semaine, je réécoutais le premier épisode de la série Comment s’éduque-t-on à la démocratie? que l’émission Etre et Savoir a réalisé avant la campagne présidentielle dans laquelle il est donné quelques statistiques comme le nombre d’élèves qui sont délégués de classe une fois pendant leur scolarité, l’accumulation des fonctions, le regard que porte les élèves sur ces pratiques électorales au sein de l’école.

Il en ressort que dans l’ensemble ils sont attachés à ces pratiques, qu’un quart des élèves assurent un an la fonction de délégués de classes et c’est bien mais dans l’autre sens, le turn over sur cette fonction montre que nos élèves sont parfaitement conscients du peu d’importance qu’on leur donne, qu’ils ne sont que trop peu écoutés et que souvent ça reste, comme dans notre société, l’apanage des bons élèves, c’est-à-dire de l’élite.

Alors concrètement comment initie-t-on nos élèves à l’engagement citoyen?

Il est clair que le moment le plus important est le temps de l’ élection des délégués de classe qui a lieu la dernière semaine de septembre et la première semaine d’octobre chaque année.

Je vous livre trois de mes marottes pédagogiques sur ce sujet :

  • faire campagne : cette semaine, je vais distribuer à mes élèves candidats une affiche pour faire campagne qu’ils devront présenter et diffuser à leur camarade. C’est d’autant plus important qu’au lycée, les élèves au sein des classes se connaissent très mal. La profession de foi est obligatoire pour les candidats et tous les ans je l’adapte et en change la forme afin qu’elle soit adaptée à mes élèves. Mais je tiens à cet exercice qui permet d’une part de faire prendre conscience que la mission n’est pas anecdotique et d’autre part de la responsabilité qu’ils ont envers leurs camarades.
profession de foi distribuée cette année
  • préparer le conseil de classe : comment prendre la parole, qu’a t-on le droit de dire et de ne pas dire ? Représenter les instances administratives et représentatives de l’établissement afin que les interventions de mes délégués soient écoutées et considérées, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

  • communiquer les résultats de leurs actions au sein de la classe en vie de classe ou encore sur les tableaux d’affichages de l’établissement et dans l’idéal sur internet.

Alors bien sûr, on pourrait aller encore plus loin et je suis d’ailleurs toujours insatisfaite des résultats. Je travaille désormais à essayer de leur faire prendre conscience de la nécessité d’un engagement politique et social aussi minime soit-il, y compris dans mes cours ou dans d’autres instances comme le journal de l’établissement qui est entièrement géré par des élèves mais qui souvent n’osent pas ou manquent de temps, l’engagement des éco-délégués, ou encore dans le CVL (Conseil des délégués pour la Vie Lycéenne).

Voilà et d’ailleurs je dois avouer que l’une de mes plus grandes satisfactions d’enseignante et de les voir adultes et engagés dans une cause, une association, voire un parti politique.

On vous souhaite des ferveurs politiques dans vos classes et dans vos vies ces prochains jours.

L’école du futur…

L’école est finie d’Yves Grevet est un tout petit livre que j’aime beaucoup faire lire à mes élèves de 3e, mais qui peut se savourer bien avant, tellement ce texte, d’abord destiné à des adultes, a une portée universelle.

En quelques pages, l’auteur nous met dans la peau d’un adolescent de 2025 qui vit dans une France où l’école est à 2 vitesses : d’un côté l’école de l’entreprise de l’autre l’école privée.

D’un côté des familles défavorisées qui sont obligées de signer un contrat avec des entreprises qui se chargeront d’éduquer leurs enfants dans l’optique de les faire travailler dans leur secteur d’activité, de l’autre des familles qui peuvent offrir une éducation traditionnelle à leurs enfants. Le narrateur de l’histoire suit les cours de Jardins et maisons, une école qui lui apprend à faire des inventaires, porter des sacs de terreau, mettre en rayons, etc. Sa petite amie, Lila, suit les cours de Speed Fooding et tous les jours le midi à la cantine c’est hamburgers frites.

Et puis dans l’ombre et la clandestinité, se sont construites des écoles du maquis prises en charge par des enseignants retraités bénévoles qui accueillent chez eux les enfants des familles qui ne supportent plus ce système. Lila va partir, Lila va lire, Lila va apprendre, va comprendre, le monde dans lequel elle vit, le monde tel qu’il s’est façonné et comment ils en sont arrivés là…

Quand elle retrouve le narrateur après plusieurs mois de surveillance et d’enquête policière, elle va insuffler en lui un vent de révolte.

Et c’est ce vent de révolte ou du moins de questionnements que j’aime partager avec mes élèves. Même si s’engager est encore un chemin difficile pour la plupart d’entre eux, penser, remettre en question, interroger l’école d’aujourd’hui et plus largement le monde qui l’entoure, voilà qui donne du sens à ce métier qui sans cesse nous oblige à nous remettre en question, à écouter, à chercher, à interroger. D’ailleurs, nous terminons notre séquence autour de ce livre sur le sujet de réflexion suivant : « A quoi sert l’école aujourd’hui ? » . Et je pourrai être plus précise en leur demandant ce qui différencie l’école publique de l’école privée, ou pour être encore plus actuelle, l’école du présent de l’école du futur prônée par notre président et si ce système à deux vitesses est à la hauteur de la devise qui orne nos institutions.

Des profs se racontent- épisode 7 Alexandre

Du rêve à la réalité du métier…

  • Quelle est la matière que tu enseignes ?  A quels niveaux ?
  • Histoire-géographie en collège. Cette année j’ai des 6e / 5e et 3e
  • Depuis quand enseignes tu ?
  • C’est ma 15e rentrée, avant d’être enseignant j’étais AED et j’ai eu quelques expériences en tant que vacataire.
  • Pourquoi as-tu choisi d’exercer ce métier ?
  • Par passion pour la discipline et parce que j’avais envie de transmettre cette passion.
  • Est-ce que la réalité de ton métier coïncide à ce pourquoi tu as choisi de l’exercer ? Pourquoi ?
  • Au début oui, j’avais « la tête dans le guidon » pour la préparation des cours et pour la prise en main des principaux outils pédagogiques mais dans l’ensemble cela correspondait à ce pourquoi j’ai choisi ce métier : la partage de ma passion pour une discipline et l’envie de transmettre. Les rapports avec les élèves et les familles étaient assez simples et souvent constructifs.

Avec le temps je me rends compte que la réalité s’éloigne de plus en plus parce que les tâches s’accumulent et s’éloignent de notre mission première qui est l’enseignement et l’organisation de cet enseignement. Je m’interroge souvent sur le sujet et j’en discute beaucoup avec certains collègues devenus des proches.

Je pense que l’accumulation de nouvelles missions imposées par la direction/DASEN  incombent à certains enseignants (souvent les plus engagés) et dépendant des établissements scolaires et bien sûr des directions.

Chez nous, les réunions inutiles (car pas organisées), les plans (pédagogiques, orientation…), les missions (TICE, laïcité, égalité, environnement…) sont chronophages et souvent très peu suivies. Elles sont trop souvent imposées aux mêmes enseignants et nous éloignent de plus en plus de notre mission d’enseignant. Enfin, la tâche de professeur principal est une charge très chronophage et peu reconnue. Les relations avec les familles et de plus en plus, avec les élèves, sont compliquées, surtout dans notre établissement scolaire.

  • Raconte-nous un de tes plus précieux souvenirs pédagogiques, une belle surprise que tu as pu vivre dans ce métier.
  • Pas un précieux souvenirs mais des souvenirs, souvent lors de sorties scolaires lorsque les élèves viennent nous voir les yeux brillants parce qu’ils sont heureux de partager les moments qu’on leur offre.
  • Voir aussi de belles progressions annuelles pour des élèves qui pourtant partaient avec d’importantes difficultés.
  • Quels sont tes projets, tes envies, tes ambitions pédagogiques pour la rentrée 2022 ?
  • Poursuivre la construction des compétences de mes élèves et les amener à développer leurs réflexions autour de thèmes d’actualité et porteurs comme le Développement Durable.
  • J’aspire aussi à leur faire découvrir leur environnement local en organisant des sorties terrain pour faire de l’histoire et de la géographie sur site pour rendre concrets les apprentissages.

Du lien aux liens…

  • Que dirais-tu des relations que tu tisses avec tes élèves ?
  • J’ai globalement de bonnes relations avec les élèves et leurs familles. J’essaie de développer un cadre bienveillant pour que chaque élève puisse apprendre dans de bonnes conditions. J’essaie aussi de faire en sorte que le travail des élèves soit efficient et respectueux de chacun.
  • Que dirais-tu des relations entre membres de l’équipe pédagogique ?
  • Globalement les relations sont bonnes avec tous les collègues. Il est difficile de travailler avec certains tant les points de vue sur les élèves et les pratiques pédagogiques diffèrent. Enfin, les affinités font que nous sommes amenés à travailler davantage avec certains.
  • Que dirais-tu des relations que tu as pu construire avec les familles ?
  • Les relations sont plutôt bonnes même si certaines familles ont des relations tendues avec l’école et ne facilitent pas les choses.
  • Depuis tes débuts, quelles évolutions as-tu constatées dans le métier pour toi ?  Pour tes élèves?
  • Le métier a changé, c’est indéniable, les tâches administratives se sont accumulées et prennent un temps important.

L’enseignement en tant que tel est différent, j’ai quand même l’impression que le niveau est plus faible qu’à mes débuts. Les élèves semblent moins impliqués dans leurs apprentissages en particulier à la maison et les temps de loisirs prennent le dessus sur les tâches scolaires.

De maintenant à demain…

  • Comment et où te vois-tu dans cinq ans ?
  • J’aimerais changer d’établissement scolaire et aller au lycée.
  • Si tu pouvais demander une chose au ministre de l’éducation nationale ce serait quoi ?
  • Si j’en avais la possibilité je lui demanderais plus de respect pour les personnels, c’est-à-dire que je l’inciterais à changer le management du ministère. Le ministre étant nouveau, je lui laisse le temps de s’installer peut être que ce sera une de ses priorités.
  • Quelle serait ton école du futur idéale ?
  • Une école dans laquelle les enfants viennent avec plaisir pour s’entraider et construire une société plus juste et plus égalitaire autour de thématiques d’actualité (EDD, eau, internet, réseaux sociaux…).

Ode à l’école républicaine

On commence cette nouvelle année scolaire en évoquant notre école républicaine avec ses qualités et ses défauts, celle qui a pour vocation de former les citoyens de demain.

Oui plus que jamais il est important pour Colette et moi de se demander comment former nos futurs citoyennes et citoyens de demain? A en écouter les différentes feuilles de routes, il faudrait qu’ils soient bienveillants, respectueux des valeurs et principes républicains nationaux mais aussi européens, préoccupés par le développement durable. Et encore je n’évoque pas le volet économique de la mission, alors c’est une tâche difficile devant laquelle on a parfois l’impression de courir plusieurs lièvres à la fois sans jamais réussir à en saisir vraiment un !

Pour commencer ce mois, je voulais vous présenter l’ouvrage autobiographique de Mona Ozouf, Composition française.

Ce livre m’ a été déposé dans le casier par la documentaliste du lycée parce que j’avais fait travaillé mes élèves sur des historiennes du XIXè siècle. Bien sur je connaissais les travaux de Mona Ozouf sur la révolution et l’école de la IIIème République mais rien de sa vie personnelle. Dans cette ouvrage, elle montre à quel point nos vies sont des destins fait d’héritages, de rencontres, et de liens qu’on a tissés enfant et par conséquent dans l’enceinte de l’école. J’ai désormais lu Composition française il y a presque un an au milieu d’ouvrages d’Isabelle Filliozat qui évoquait l’importance de soigner l’enfant, l’enfant intérieur qui deviendra un jour un adulte avec un rôle dans notre société. J’ai donc le souvenir de me dire que l’enfant intérieur dans cette chercheuse l’avait sans cesse guidé.

Composition française, et le titre est excessivement bien choisi, est composé de sept chapitres. Chacun de ces chapitres raconte un élément qui compose la personnalité de Mona Ozouf : ses racines bretonnes, son enfance dans les écoles laïques républicaines avec sa mère veuve, l’omniprésence de sa grand-mère catholique, les efforts consentis par sa mère pour l’amener jusqu’à l’école normale supérieure. Chaque village, ville, personne rencontrée, livres lus la composent et font d’elle l’historienne et philosophe d’aujourd’hui.

J’ai aimé dans ce récit autobiographique d’abord les incursions dans les bibliothèques familiales, celle de son père puis de sa mère mais aussi celles des enseignants du collège, du parti communiste à la fin des années 40, 50. J’apprécie aussi tout particulièrement cette idée qu’on est le produit de nos rencontres matérielles, humaines mais aussi immatérielles et c’est ce qui m’a permis de rentrer aussi finalement dans cette autobiographie passionnante, c’est un peu comme si ses travaux devenaient plus limpides.

Puis et c’est en cela qu’elle inaugure notre mois de Septembre sur l’école républicaine, j’ai trouvé fantastique la force de l’école républicaine dans sa vie. Elle est une enfant, un produit de l’école pensée par la IIIème république qu’on critique souvent aujourd’hui car trop normative, trop bloquante, trop lourde dans son fonctionnement niant les individualités mais c’est bel et bien elle qui a amené Mona Ozouf jusqu’à la recherche, qui lui a permis cette ascension sociale et intellectuelle. C’est bien cette école républicaine qui a guidé ses travaux de recherche puisque toute sa vie, elle a cherché à comprendre dans les racines révolutionnaires dans un premier temps, puis dans les racines de l’école républicaine dans un second temps, les origines de notre histoire nationale, celle dont on doit encore faire le récit, autrement et avec plus de nuances qu’au début du XXème siècle mais cette mission est encore bien présente. C’est bien là qu’elle interpelle l’enseignante que je suis : quelle est d’une part, la capacité de l’école encore à mener des enfants sur la voie de la réussite, de l’accomplissement personnel, et d’autre part sa capacité à transmettre des valeurs? Comment? Et comment s’interroger sur leurs évolutions et sur les doutes qui peuvent émerger chez certains de nos élèves sur la question de la cohésion sociale, sur celle de la Laïcité ou encore même sur les conditions de notre démocratie ? J’ai d’ailleurs été moins emportée par sa dernière partie dans laquelle elle interroge l’identité française si problématique rien que par ce terme d’identité aujourd’hui dans notre société. Elle évoque la « balkanisation de la nation française », l’archipellisation de notre société et se demande si la volonté d’uniformisation de la République, si sa capacité à nier ses particularités régionales hier et ce depuis la révolution et d’autres cultures aujourd’hui n’y contribue pas.

Alors je vous conseille de lire Composition française si vous avez des doutes sur le sens que vous donnez à votre travail et si vous avez envie de réflexions sur « la construction de la citoyenneté nationale » dont nous sommes, parmi d’autres, les artisans.

Bonne lecture et je vous souhaite une année riche en réflexions et en construction de sens sur notre chère école républicaine.

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