Des documentaires saisissants sur l’impact des écrans.

On tenait à vous parler de quelques documentaires qu’on a particulièrement appréciés sur le sujet des écrans et de notre rapport au numérique.

Du côté de chez Aude

J’évoquerai trois documentaires en ce qui me concerne :

Le premier est passé en 2018 sur « Envoyé spécial ». Il est désormais disponible en accès libre sur Youtube. Il s’agit d’Héroïne numérique.

Le documentaire aborde d’une part les effets néfastes des écrans sur nos cerveaux, l’attention et la concentration de nos enfants et d’autre part comment les créateurs de jeux et d’applications entretiennent une addiction à ces derniers. Alors le documentaire peut paraître très angoissant et alarmiste, mais je l’ai trouvé très percutant et justement il permet une prise de conscience.

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Dans la même veine, on peut regarder Derrière nos écrans de fumée sur la plateforme Netflix. Attention, c’est un documentaire Netflix, et le recours à des personnages de fiction font un peu décrocher mais dans ce documentaire, il y a deux éléments abordés qui m’ont plus particulièrement marqué. D’abord les interview des fondateurs de Whatsapp, Pinterest qui expliquent que leurs enfants n’ont accès à aucun écran avant 16 ans. Je pense que tout est dit ! Ensuite, la fin du documentaire montre comment le fonctionnement des réseaux sociaux et de l’algorithme favorisent le repli sur soi et la montée du communautarisme.

Watch Derrière nos écrans de fumée | Netflix Official Site

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Enfin j’ajouterai même si le sujet central est le sexe et les adolescents, le documentaire. Préliminaires en accès libre aussi sur la chaine arte et sur youtube qui évoque la place qu’occupent les écrans dans la découverte de la sexualité à l’adolescence. et là c’est la maman qui parle, une fois terminée, je ne voulais pas équiper mes filles en téléphone portable avant leur majorité.

L’ensemble de ces documentaires nous encourage,nous, adultes déjà à aller regarder de plus près ce à quoi ils ont accès et à trouver des solutions éducatives, finalement dès le plus jeune âge pour que nos élèves et nos enfants utilisent ses outils avec un bon esprit critique. J’ai aussi pris conscience que je manquais cruellement de connaissances et de prise de distance pour pouvoir préparer mes enfants et les élèves à l’utilisation des écrans. Je ne sais d’ailleurs pas à quel moment regarder ces documentaires avec mes adolescentes de 12 ans.

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Du côté de chez Colette

En écho au dernier documentaire présenté par Aude, j’évoquerai la soirée que France Télévisions avait accordé au lien entre jeunesse et pornographie sur France 2 en octobre 2019. La chaîne avait diffusé un téléfilm intitulé Connexion intime qui mettait en scène l’impossible histoire d’amour entre deux adolescents, une impossibilité due à l’addiction du héros aux vidéos pornographiques qui parasitaient complètement ses sensations et son rapport à la sexualité, abimant durablement sa première relation amoureuse.

Le téléfilm était suivi d’un débat intitulé « Pornographie : un jeu d’enfant » où l’on pouvait entendre de nombreux témoignages de jeunes ainsi que les analyses d’expert.e.s comme Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la Protection de l’Enfance, le gynécologue Israël Nisand, le pédopsychiatre Serge Hefez, Ingrid Lefrère, adjudante à la brigade de prévention de la délinquance juvénile du Gard, ou Camille, 22 ans, créatrice du post Instagram Je m’en bats le clito.

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Suite à ce documentaire, j’étais allée fouiller du côté des podcasts pour interroger le rapport que la jeunesse a créé avec le numérique et dont mes pratiques personnelles semblent très éloignées. C’est ainsi que j’ai découvert l’excellent podcast Le Code a changé, sur France Inter, animé par Xavier de La Porte. J’ai commencé avec l’épisode intitulé « Sommes-nous vraiment en train de fabriquer des « crétins digitaux » ? » et j’y avais découvert le discours d’Anne Cordier, maîtresse de conférences HDR en sciences de l’Information et de la communication à l’Université de Rouen. Elle a multiplié les enquêtes auprès des jeunes et publié un ouvrage intitulé Grandir connectés afin de confirmer ou d’infirmer auprès des jeunes eux-mêmes les préjugés que nous projetons sur celles et ceux que nous considérons comme des « digital natives » parce que contrairement à nous, elles et ils sont né.e.s avec Internet.

Son point de vue était très intéressant, car sans contredire le résultat des recherches des neuroscientifiques sur le sujet qui globalement sont assez alarmistes sur le développement émotionnel et cognitif de nos ados aux yeux carrés, la chercheuse soulignait à quel point il existait une utilisation créative de ses jeunes du numérique : pour faire de la musique, pour écrire, pour découvrir d’autres cultures… Mais elle soulignait que – comme dans tous les autres domaines de la société – dans l’utilisation d’internet les inégalités demeurent et que les jeunes accompagnés par leurs familles notamment avaient plus de chance de devenir actrices et acteurs de leurs usages numériques que celles et ceux à qui on ne donnait aucun outil, aucune clé d’utilisation. Je me souviens d’un excellent conseil qui était qu’au lieu de critiquer l’usage intensif de nos enfants des écrans, nous pouvions nous assoir à côté d’eux et leur demander de nous raconter, de nous monter comment ils investissent tel jeu vidéo, de nous présenter les comptes Instagram qu’ils suivent ou encore de nous faire lire leur fan fiction. Comme nous l’avons fait spontanément souvent pour leurs jeux réels quand ils étaient plus petits, questionnons-les sur leurs pratiques virtuelles. J’imagine que nous aurons bien plus apprendre les uns des autres guidés par la curiosité que par la peur.

Et vous, avez-vous des documentaires à conseiller sur ce sujet ?

Aude et Colette veillent – épisode 4 !

Et nous nous retrouvons pour la 4e fois pour évoquer nos pépites pédagogiques du mois écoulé ! Une jolie manière de commencer l’année en partageant ce qui nous fait vibrer, nous inspire, nous motive et que nous souhaitons semer au fil de cette nouvelle année.

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Du côté de Colette…

Au pied du sapin, j’ai eu la chance de découvrir la superbe BD Elise et Célestin Freinet, l’éducation en liberté de Sophie Tardy-Joubert et Aleksi Cavaillez.

Dans cette BD, on suit le jeune Célestin – quel prénom magnifique ! – fraîchement nommé comme enseignant à St-Paul-de-Vence après avoir été blessé aux poumons sur les champs de bataille lors de la première guerre mondiale. Il va y expérimenter une pédagogie à l’image de la très belle couverture du livre : ouverte sur l’extérieur, sur la nature, basée sur la collaboration, la fraternité, où l’art et l’expression libre auront toute leur place. La classe promenade, le texte libre, l’impression d’un journal de la classe, la diffusion des publications des élèves… autant d’innovations que Célestin et Elise vont instituer dans leurs classes. Mais la biographie du couple Freinet c’est aussi une très belle histoire d’amour, de valeurs et d’engagement politique car oui enseigner est un geste profondément politique, c’est ce que démontre ce livre avec délicatesse et simplicité !

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Un autre geste politique c’est celui de danser ! Sur les conseils de ma chère work-wife-for ever, j’ai regardé le documentaire Graines d’étoiles, les années de maturité de la réalisatrice Françoise Marie, diffusé sur Arte.

Alors déjà l’idée géniale de cette réalisatrice a été de suivre pendant 10 ans les mêmes danseuses et danseurs de l’opéra de Paris, de leur entrée à l’Ecole de danse jusqu’à leur consécration – ou non – en tant qu’étoile de l’Opéra. Les portraits de ces jeunes sont extrêmement riches, leurs évolutions bouleversantes et un danseur en particulier m’a donné du grain à moudre, il s’agit de Yoann qui est désormais étudiant à Paris 8 au département danse. Il y travaille notamment sur les danses de grève et de manifestations. Un sujet dont je n’avais absolument pas connaissance et qui m’a semblé si riche à étudier, allumant dans ma tête la petite flamme d’un projet EPS-Littérature-EMC dont ma work-wife serait sans doute complètement dingue… Affaire à suivre !

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En écoutant Yoann, j’ai tout de suite repensé à une expérience que j’avais vécue en octobre à l’occasion de la visite de l’exposition 24h dans la vie d’une femme proposée à Cap sciences à Bordeaux (il faut parfois du temps pour que les choses décantent !) Cette exposition spectacle nous invite à nous mettre dans la peau d’une des 6 femmes engagées dont elle est inspirée, guidés par le son de sa voix et en interaction avec des comédiens et des comédiennes au cœur d’un parcours scénographié, animé et mis en lumière. J’ai eu l’occasion de découvrir le parcours d’Aouda, née à Conakry en Guinée. Issue d’un mariage désapprouvé par les familles, elle va dans une école catholique car son père tient à ce qu’elle soit éduquée. A 9 ans, tôt un matin, elle est emmenée par ses tantes au village et va subir l’horreur de l’excision sans pouvoir comprendre ce qui lui arrive. Chaque étape de l’exposition spectacle nous invite à nous mettre à la place d’Aouda et à penser l’impensable. L’exposition se termine avec une séance d’initiation au chant et à la danse inventés par des femmes chiliennes pour dénoncer les violences faites aux femmes : il s’agit d’une chorégraphie proposée par le collectif féministe Las Tesis. Danser, ensemble, hommes et femmes, sur les paroles de cet hymne féministe, en reproduisant les gestes de cette chorégraphie de lutte, a été une expérience unique pour moi qui m’a permis d’incarner un instant ces valeurs que d’habitude je ne sais mettre qu’en mots. Une autre manière de s’engager, disais-je. La danse est politique !

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Du côté d’Aude…

Et bien en ce qui me concerne, je n’ai pas dansé mais chanté grâce au livre dirigé par Jean François Staszak

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Il s’agit d’un ouvrage collectif proposé dans le cadre du prix du livre de géographie. Il propose une analyse de géographie intime à travers 36 chansons des années 30 à aujourd’hui. Elles ont toutes un caractère géographique et ce caractère géographique diffère bien évidemment selon la personne qui l’écoute. Mes élèves devaient en faire la lecture pendant les vacances et j’ai hâte de découvrir ce qu’ils en ont pensé. Ils avaient aussi une chanson à me proposer afin d’en faire une playlist collective.

Si vous ne pouvez pas vous plonger dans sa lecture et son écoute, le podcast géographie à la carte à inviter les auteurs

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/geographie-a-la-carte-de-josephine-baker-a-orelsan-les-chanteurs-sont-ils-geographes-7339913

Du coup, j’ai chanté, ces 36 chansons et bien d’autres tout le mois de Décembre. Puis j’ai fait des liens avec d’autres envies ou idées de projet. Notamment pas plus tard qu’hier en écoutant la petite émission qui est après el journal de 20h sur France 2 la playlist de … basique. J’aime beaucoup le principe du petit questionnaire que je réutiliserai bien en EMC

La chanson engagée de votre enfance? la chanson qui représente la liberté? …..

Selon les invités les thèmes abordées ne sont pas les mêmes. J’aime beaucoup.

Bref à creuser mais en ce moment j’ai envie de chanter…

La deuxième pépite du mois est le magazine du Monde que j’ai la chance de pouvoir consulter toutes les semaines au CDI et j’aime les propositions culturelles de ce magazine. Certains diront que c’est très élitiste mais j’aime l’idée qu’on puisse être emporté dans un autre monde, c’est à mon sens le travail premier d’un journaliste et parfois il a le droit de nous amener dans du beau!

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/

j’ai découvert du coup le podcast le goût du M dans lequel l’invité nous amène à faire un tour de ses coups de cœur culturels et comment ils sont fondateurs de leur histoire et j’ai adoré écouté Alice Diop.

Il est temps de parler d’écrans !

Avant de parler écrans, on tenait à vous souhaiter une belle et heureuse année 2023. On vous l’espère la plus douce et riche d’expérience et d’émotions.

Pour commencer ce mois écrans et non numérique, on avait envie de vous faire part de notre prise de conscience à travers un entretien. Colette et moi avons une approche de l’exposition aux écrans différente, mais nous sommes parfaitement conscientes qu’elle modifie d’une part le temps et les modes de concentration de nos élèves et d’autre part qu’elle nécessite une éducation spécifique ainsi qu’une adaptation de nos pédagogies.

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Aude. – J’ai pu constater depuis une dizaine d’années, la difficulté de nos élèves à se concentrer et à ne pas sortir leur téléphone en classe. Peux tu nous dire quel est ton avis là dessus ?

Colette. – Je crois que sur ce point là, j’ai la chance d’enseigner en collège : en effet comme le portable y est officiellement interdit, les élèves ne l’utilisent pas dans l’enceinte de l’établissement sous peine de voir leur téléphone confisqué. Nous sommes au moins préservés des effets immédiats sur l’attention de l’usage du téléphone. Par contre, je remarque que l’usage intensif et de plus en plus prématuré du portable impacte très fortement les capacités de lecture de mes élèves : en effet, ils et elles sont de plus en plus nombreux et nombreuses à ne plus parvenir à lire mot à mot un texte, ils et elles semblent ne plus être capables de revenir aux texte pour y trouver des informations, à le comprendre de manière globale. Leur œil n’est plus habitué à suivre de manière linéaire un texte.

Aude. – Tu as fait le choix de ne plus être sur les réseaux sociaux, peux-tu en expliquer les raisons ? Là dessus nos avis divergent, je pars du principe qu’il est nécessaire que nous fréquentions les réseaux sociaux pour être en quelque sorte plus conscients des images auxquels les jeunes sont confrontés et être capable de manipuler l’outil pour pouvoir ensuite sensibiliser nos élèves à leur bonne utilisation. J’ai arrêté de multiplier les réseaux sociaux avec la naissance de Snapchat et je trouve abominable le côté virale de tik tok même si je ne peux en dire plus parce que je n’y suis pas. Je me contente de dire des choses là dessus après lecture d’articles sur ces réseaux.

Colette. – Pour répondre à cette question, je vais reprendre les mots que j’ai écrits en octobre 2020 sur mon blog La collectionneuse de papillons (oui, je me cite moi-même, j’ai un égo démesuré !)

« Mercredi 21 octobre 2020, au réveil, dans le brouillard qui le caractérise, ces mots me parviennent depuis le poste de radio : « Aujourd’hui j’ai décidé de quitter définitivement les réseaux sociaux, de ne plus utiliser Instagram ou Facebook. Je ne veux plus cautionner des réseaux où la haine s’étale sans filtre, où aucune surveillance n’existe, où c’est le règne de l’impunité et de la démagogie. Et où leurs fondateurs, dans leurs bureaux de la Silicon Valley, n’ont aucun compte à rendre ». Ces mots sont ceux de la romancière Leïla Slimani. Ces mots font écho à ce sentiment qui depuis 2 ans déjà me hante, quelque part, là, près du coeur. De l’estomac peut-être. Ce sentiment d’injustice, de lâcheté, d’insécurité. Ce sentiment, je l’ai ressenti la première fois quand une élève de l’établissement scolaire où je travaille a été traquée, humiliée, lynchée via les réseaux sociaux par ses propres camarades. Ses camarades de 12 ans. Et tant d’inconnu.e.s. J’ai appris que ce à quoi elle avait été exposée, avait un nom : le cybersexisme. Bien sûr, une plainte a été déposée, une enquête a été menée. Mais ce sentiment a continué à grandir quand de lumineuses adolescentes de 3e sont venues me voir à la fin d’un cours pour me raconter les photos qu’elles subissaient sur Instagram. J’ai appris récemment que dans le jargon du net on appelait ces photos des « dick pics ». J’ai appris en discutant avec elles que c’était leur lot quotidien. Tous les jours, à un moment ou à un autre, un utilisateur de ce réseau social leur envoie une photo de leur sexe. Elles ont 13 ans, 14, 15 ans. Alors là, j’ai hésité entre l’envie de vomir et l’envie de pleurer. L’envie de les serrer dans mes bras (à l’époque j’aurais pu et l’envie d’aller toucher deux mots à Kevin Systrom et Michel Mike Krieger. Mais rien de tout cela n’aurait vraiment été efficace me direz-vous. Alors on le rapporte à l’administration. Des plaintes sont déposées. Et que se passe-t-il ? Rien. ça a continué : les témoignages de ces jeunes qui sont confronté.e.s quasi quotidiennement à la pornographie et à la violence verbale. […]

Et puis vendredi dernier, un collègue a été assassiné. Suite à un cours qu’il avait donné sur la liberté d’expression à partir des caricatures de Mahomet publiées en 2006 par Charlie Hebdo. Et j’apprends que le jeune homme qui en est arrivé à commettre cet acte barbare utilisait Instagram pour communiquer avec un jihadiste, qu’il avait un compte Twitter qui avait fait l’objet de plusieurs signalements, qu’un père d’élève de ce professeur a diffusé impunément une vidéo donnant des informations personnelles sur cet enseignant sur plusieurs réseaux sociaux. Tout cela dans l’impunité la plus complète. Tout cela parce que nous ne parvenons pas à légiférer pour assurer le respect de toutes et de tous sur les réseaux sociaux.

Tout cela, je le sais bien, est bien plus compliqué. Tout cela, sans doute, parce que notre projet de société n’est plus vraiment lisible. Tout cela, sans doute, parce que les individualités prennent le pas sur la collectivité.

Alors, lorsque j’ai entendu les mots de Léïla Slimani, mercredi matin, au réveil, dans le brouillard qui le caractérise, je me suis dit : toi aussi, tu peux faire ça. Quitter FB et Instagram. »

Aude. – Comment fais-tu pour rendre les élèves vigilants à l’utilisation des réseaux sociaux et de leur téléphone portable de manière plus général ?

Colette. – Ma dernière initiative en la matière est une séquence d’enseignement consacrée à l’usage du numérique dans le cadre de l’objet d’étude du programme de 3e « Progrès et rêves scientifiques ». Je propose une lecture du début de la nouvelle de science-fiction d’Alain Damiaso intitulée Scarlett et Novak qui raconte la dépendance d’un jeune homme à son téléphone portable. Je ne lis pas la nouvelle en entier, je m’arrête au moment où le héros se rend compte qu’il a perdu son précieux portable, que toute sa vie lui a été volée et qu’il doit retourner seul chez lui. Les élèves doivent écrire la suite du texte telle qu’ils et elles l’imaginent. Nous lisons ensuite leur écrits. Et à partir de ce qu’ils et elles ont imaginé, on s’interroge sur la portée du texte : est-ce vraiment de la science-fiction ? Que nous dit ce texte de nos propres usages ? Sommes-nous devenus dépendant.e.s de nos téléphones portables ? Réfléchissent-ils à notre place ? C’est l’occasion de s’initier au débat et au sujet de réflexion. Je leur propose aussi d’écouter quelques titres phares d’artistes contemporaines que j’adore : « Monsieur Pomme » de Suzane, « La Machine » de Luce et « Amour, haine et danger » d’Angèle sur lesquels ils et elles travaillent en groupe. L’idée n’est pas d’asséner une morale de l’usage du téléphone portable mais simplement de les inviter à prendre de la distance et à aiguiser leur esprit critique concernant leur rapport à cet outil. Ce qu’ils et elles y gagnent. Ce qu’ils et elles y perdent.

Aude: En EMC, je travaille beaucoup sur la source: qui produit l’information? Comment peut-on la vérifier ou la contredire et en histoire-géographie, lorsque je pratique la recherche documentaire, je les oblige à multiplier les natures des informations qu’ils exploitent et de plus en plus, je reste vigilante à la façon dont ils font des recherches sur internet. Trop souvent, les élèves s’arrêtent et n’utilisent que la première itération donnée par google, ils se découragent devant des articles scientifiques en ligne.

Aude. – Que penses tu de l’utilisation du téléphone portable dans les pratiques pédagogiques ?

Colette. – Pour moi utiliser le téléphone portable des élèves comme outil pédagogique c’est avouer que l’éducation nationale n’a pas les moyens de fournir à chaque élève le matériel nécessaire pour se former au numérique… Le plus souvent quand nous demandons à nos élèves d’utiliser leur téléphone portable, c’est que nous pallions au manque de matériel informatique de nos établissements. Exactement comme l’institution nous a demandé lors de la pandémie de 2020 d’assurer la continuité pédagogique sans nous fournir d’ordinateur ou de connexion internet… Il faut se former au numérique et former nos élèves avec nos propres moyens. Cela me dérange. Je trouve cette demande malhonnête.

Aude. – Quelle est la politique de l’établissement par rapport à l’usage des portables ? En ce qui me concerne, ils ont droit de les utiliser tout le temps sauf en classe, et encore même en classe, parfois je finis par céder parce qu’ils oublient leur manuel et qu’ils demandent à utiliser la version numérique. Je vois qu’ils travaillent avec, mais je constate aussi que dans les couloirs leur utilisation isole certains élèves ou au contraire occupe des élèves qui sont souvent seuls. Ils jouent, écoutent de la musique voire regardent des séries. Personnellement cela me rend triste et m’inquiète sur leurs capacités à créer du lien autrement que par le biais de l’écran. Je constate d’ailleurs qu’en ce qui me concerne, il est parfois plus facile pour moi de dire des choses par SMS ou message whatsapp que de vive voix.

Colette. – Au collège, l’usage du téléphone est défini par le code de l’éducation. Les portables sont interdits dans l’enceinte du collège. Et je trouve que c’est une excellente chose étant donné ce qui arrive en dehors du collège par le biais des portables. Chaque année, l’établissement recense un nombre effarant d’infractions, de diffamations, de situations de harcèlement liés à l’utilisation d’internet via les téléphones portables.

Aude. Enfin comment gères-tu les écrans dans l’éducation de tes enfants?

Ici c’est très compliqué, nous reconnaissons mon mari et moi que nous l’utilisons beaucoup. Mes filles n’ont pour le moment pas de portables mais ont accès à des ordinateurs portables ou des tablettes soit pour jouer, soit pour lire des fan fictions ou manga en ligne ou encore et c’est tout récent pour programmer. Je n’arrive pas du tout à contrôler ce à quoi elles ont accès. Je lis vaguement au dessus de leur épaule, je vois bien que les jeux installés sur la tablette familiale semblent sans conséquences et nous essayons de limiter le temps d’accès aux écrans mais de plus en plus elles biaisent la règle justement par la lecture ou la programmation qui nécessitent des temps d’accès plus longs aux écrans, bref c’est une adaptation quotidienne à leurs pratiques.

Il y a aussi tout ce qui est consommation de séries sur les différentes plate-forme là aussi est ce qu’on considère que c’est du temps d’exposition aux écrans ou non? et là aussi en ce qui me concerne, nous sommes issus de familles où la télévision tournait et tourne encore en bruit de fond permanent, elle est là, on ne la regarde pas forcément et du coup j’avoue avoir parfois manqué de vigilance par rapport à ça. Régulièrement quand elles étaient plus jeunes, mes filles ont regardé des dessins animées pour que je puisse corriger quelques paquets de copies ou que je puisse préparer des cours tranquillement.

Enfin, pour ce qui est de l’éducation de mes enfants aux écrans, je trouve d’une part qu’il y a beaucoup de jugement des autres parents, de la société par rapport à cette éducation aux écrans et j’ai l’impression de toujours mal faire et d’autre part, je trouve que nous manquons d’aide, de formation, d’informations sur le rapport que nous devons entretenir avec nos écrans. Il est nécessaire aussi d’interroger là toute la société sur notre rapport aux écrans, je pense au livre Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, effrayant et dans le même temps sur Instagram par l’algorithme je pourrais suivre des centaines de mamans qui exposent de manière plus ou moins conscientes leurs enfants aux écrans.

Les enfants sont rois - Poche - Delphine De Vigan - Achat Livre ou ebook |  fnac
Les enfants sont rois, Delphine de Vigan, 2021.

Bref, je pense que l’exposition aux écrans et l’usage qu’on en fait doit se discuter, se négocier et nécessite une adaptation permanente comme s’ils avaient toujours un temps d’avance.

Colette. – Pour l’instant, un seul de mes enfants a un téléphone portable. Il a bientôt 14 ans et possède un téléphone connecté à Internet depuis l’année dernière. Il a eu droit à un téléphone parce qu’il nous l’a demandé en argumentant son désir. Il avait écrit un texte pour nous convaincre de l’utilité d’un téléphone – à touches à l’époque ! Le fameux téléphone à touches n’a pas fait long feu, et nous avons offert un téléphone avec connexion internet pour le remplacer. Le temps d’écran y est contrôlé depuis le téléphone de mon mari. Notre priorité était que le temps d’écran n’empiète pas sur le sommeil et le travail personnel. Nous avons la chance d’avoir un enfant d’une maturité assez rare à cet âge : il n’utilise pas son téléphone régulièrement. Cependant nous avons eu la mauvaise surprise de découvrir qu’il s’était créé un compte FB sans notre autorisation. Après discussion, il s’avère qu’il l’a fait pour suivre l’actualité de ses équipes sportives préférées, celles de son club de hand et celles de Terra Aventura. Concernant l’ordinateur, il ne l’utilise que pour travailler et la pandémie a largement accéléré les choses à ce niveau. Quant aux consoles de jeux, nous en avons deux, une Nintendo DS et une Nintendo Swicth que les enfants n’utilisent qu’une heure chacun (temps contrôlé) le mercredi, le week-end et les vacances scolaires. Ils ne peuvent y jouer que dans le salon, l’idée est de jouer un maximum ensemble, sous la responsabilité d’un adulte. Pour ce qui est de la télévision, c’est la même règle : une heure le mercredi, le week-end et les vacances. Et nous la regardons toujours en famille. Je pense que le seul secret en matière d’éducation au numérique c’est la communication : il faut s’intéresser à ce que nos enfants consultent sur internet et en parler le plus souvent possible. Sans négliger une sensibilisation aux dangers auxquels ils peuvent être confrontés.

Aude. – et justement en parlant d’adaptation, as-tu adapté tes pratiques pédagogiques pour éduquer ou sensibiliser les élèves à leur consommation d’écrans ?

Colette. – J’essaie d’intégrer le thème de l’usage du numérique à mes séquences d’enseignement, surtout en 3e comme évoqué plus haut. En 6e, comme je travaille surtout autour de l’éco-citoyenneté, nous abordons la question de l’impact écologique des téléphones portables à l’occasion des dictées vertes de la semaine ou encore le vocabulaire propre à la recherche en ligne lors de nos recherches documentaires : qu’est-ce qu’un moteur de recherche ? un navigateur ? que sont les cookies ? le RGPD ? les données personnelles ? qu’est-ce que cela consomme de regarder un film en streaming, d’utiliser un cloud, etc… Mon rêve – peut-être pour 2023 – serait de proposer aux familles de mes élèves un défi à relever et à documenter : 10 jours sans écran, l’impact de cette expérience sur le bien être physique, mental et sur les relations aux autres. Il faudrait déjà tester ce défi à l’échelle de ma famille ! En serions-nous capables ? Et toi ça te tente ?

Aude: Je pense que déjà partir sur l’idée de 48h, 72h, ce serait déjà très bien;). Je sais que 10 jours, ce serait impossible y compris pour moi. Mais pendant des vacances quelques jours, pourquoi pas? ça me laisserait sans doute plus de temps pour dessiner par exemple, mais personnellement, j’apprécie aussi la créativité qui émerge sur internet et les milliers d’idées que je retiens ou pas et qui m’inspirent, je trouve aussi qu’il y a du beau sur internet et la toile donne une visibilité à des pratiques de loisirs qui sont très intéressantes. Par exemple, dans le cadre, des mes loisirs brodées ou tricotées, j’aime beaucoup participé à des SAL (Stitch along) en français: broder au long court et j’aime cette idée que par le biais d’internet des femmes partout en France, en Europe voire dans le monde vont réaliser un ouvrage sur le même thème, j’adore ensuite regarder l’interprétation de chacun, l’universalité des réflexions sur le sujet,…ça m’émeut beaucoup cette force là d’internet, même si je ne suis pas dupe et que je me rends bien compte que ces pratiques deviennent de plus en plus commerciales et permettent à certaines créatrices ou artistes de vendre leurs produits

Je voulais en parler dans les ressources à proposer mais au CDI, il y a un ouvrage à destination des élèves qui s’appelle la digitale détox! Comment finir par se débarrasser de son téléphone, il y a des défis dedans et je comptais en proposer quelques uns à mes élèves sur la dernière période et tenter de les réaliser moi-même ça peut être un point de départ pour un challenge familial.

Quand oralité rime avec jouer!

On avait envie de terminer cette cession un peu décousu sur l’oral par des jeux. De plus en plus nous jouons en classe, en ce qui me concerne au lycée surtout en AP ou sur des moments hors la classe, au collège probablement un peu plus fréquemment. Ainsi nous ferons le lien avec nos prochains articles qui seront uniquement sur les activités ludo-pédagogiques que nous proposons.

Je prévois à la fin de l’année deux séances d’AP sur la prise de parole à l’oral.

Une première séance où les élèves lisent, parlent fort, chuchotent, articulent, grimacent,…. et pour faire ça j’utilise les exercices du livre 50 exercices pour parler en public.

50 exercices pour parler en public - 1

Les jeux proposés prennent la forme de carte. les élèves doivent donc lire à haute voix en suivant les conseils des cartes tirées au sort.

J’ai aussi plastifié quelques textes et cette année, je rajouterai des discours pour une troisième séance que j’aime beaucoup et qui à mon sens méritent d’être connu.

J’ai ensuite investi dans quelques jeux d’argumentation comme éloquence, pour ou contre.

On va clamer dans la cour, le parc d’a côté, au bord de la mer. Bref allons parler, discuter, batailler, hurler, chuchoter, crier, débattre!

Aude et Colette veillent : chronique n° 3

En ce mois de Novembre, voici les pépites de Colette.

Tout d’abord, il y a eu l’émission de l’incontournable Être et savoir sur « collaborer et coopérer à l’école : pour quoi faire ? » On y entend notamment le fabuleux Sylvain Connac qui connaît si bien ce sujet et qui nous donne envie d’explorer toutes les formes pédagogiques qui nous permettraient de consolider l’art de faire ensemble.

Faire collectif pour apprendre ©Getty - Malte Mueller
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Il y a eu également le fabuleux spectacle Drag, écrit et joué par le comédien Jérôme Batteux, qui est venu à la rencontre de toutes nos classes de 3e avant la représentation d’une pièce qui invite à « oser être soi-même ». Une représentation qui ne fut pas de tout repos mais qui nous a tous et toutes bousculer. Pour le meilleur et pour le pire !

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Les pépites d’Aude

J’ai découvert le chroniqueur, poète, slameur, et comédien belge Félix Radu. Je l’écoute en boucle. Je l’ai mis dans la playlist motivation des élèves sur mon pearltrees.

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Ensuite je voulais vous parler deux films qui m’ont bouleversé, emporter, fait pleurer, mis du baume au cœur aussi. Il est vraiment temps de mettre un peu de tendresse dans ce monde.

EO - film 2022 - AlloCiné

C’est l’histoire d’un âne du cirque, à l’abattoir en passant par la ferme pédagogique, la bête de traie et le jardin d’une bourgeoise italienne. C’est l’histoire de notre rapport à l’animal, du doudou qu’il peut être, jusqu’au saucisson devant lequel on salive. C’est pas très joli notre cruauté humaine et c’est plutôt émouvant cette sensibilité. Changeons de point de vue, regardons ce qui nous entoure avec les yeux de la sensibilité animale et peut être qu’il changera un tout petit peu.

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Annie Colère - film 2022 - AlloCiné

C’est l’histoire d’Annie qui se retrouve dans l’arrière boutique d’une libraire pour avorter en 1973. Annie avorte et rencontre des femmes incroyables, sensibles, sublimes et puissantes remplies de leurs histoires de femmes, ces histoires sourdes, non entendues dans cette société patriarcale. C’est l’histoire d’une sororité entre femmes mais aussi avec des hommes, des médecins, des maris qui aiment à la folie, des fils qui admirent, c’est l’histoire du MLAC qui faut aller découvrir vite vite.

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Enfin je terminerai avec des jeux pour parler de soi en toute sincérité, des jeux pour se découvrir dans toute notre humanité tester en formation estime de soi comme le très connu « Brin de Jasette ».

Brin de jasette: jeu de société

Bref au mois de Novembre, j’avais probablement envie de partager de la sincérité et de la douceur dans cette période qui s’annonce un peu compliquée quand on allume les chaines d’informations !

Belles découvertes.

Petit entretien sur la lecture à haute voix

Colette m’a posé quelques questions au sujet de la lecture à haute voix auxquelles je vais répondre avec grand plaisir.

1) Peux-tu nous raconter à quels moments de ton enseignement tu pratiques la lecture à haute voix ?

Lorsque j’étais au collège, je l’utilisais beaucoup avec les sixièmes notamment sur les mythes grecs et romains ou les récits fondateurs. Je l’ai aussi utilisé pour quelques contes en géographie mais c’est un de mes regrets d’enseignante de collège, j’ai moins d’occasion au lycée d’utiliser la lecture à haute voix. Néanmoins je m’enregistre en train de lire des articles ou des extraits de manuels universitaires pour éviter la paralysie que peut provoquer chez certains élèves les lectures scientifiques. Comme ils ont parfois des trajets longs en bus ou en train, ils peuvent m’écouter sur ces temps là.

Je l’utilise actuellement dans le cadre d’un projet sur notre espacer quotidien.

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2) Fais-tu lire tes lycéennes et tes lycéens à haute voix ? A quelles occasions ?

je les faire lire à haute voix pour s’entraîner à prendre la parole lors des oraux ou entretiens de sélection post bac lors de séance d’Ap. Je présenterai d’ailleurs ces outils la semaine prochaine. Par ailleurs, j’espère vraiment que cela pourra se faire mais cette année j’ai un projet avec une conteuse professionnel pour que mes élèves aillent conter dans une maison de retraite . Ce n’est plus vraiment de la lecture à haute voix mais je trouve que c’est un beau prolongement de cet exercice. C’est encore au stade d’ébauche. *


3) Y-a-t-il au lycée des activités pédagogiques transdisciplinaires autour de la lecture à haute voix comme le « quart d’heure lecture  » ? Est-ce que ça fonctionne auprès des élèves ? Absolument pas! à mon grand regret, mais ça viendra surement, pour cela il faudrait qu’on est du temps pour se concerter, ce qui est très compliqué au lycée, avec des journées quasiment continues.


4) Quels sont d’après toi les avantages de la pratique de la lecture à haute voix ? Je ne sais pas trop. J’aurais tendance à dire le plaisir de partager une lecture qui nous a plu. Je me souviens des cours de français de première où une fois par période on avait le droit d’amener une lecture de notre choix et de la lire à la classe. Elle appelait ça on oublie les classiques! C’est un de mes plus beaux souvenirs de cours de français.

Je dirais aussi que la lecture à haute voix favorise la prise de confiance en soi et petit à petit d’être de plus en plus à l’aise en public. C’est plus facile à mon sens de se lancer avec un texte pas trop loin de soi que par cœur! Les élèves développent aussi leur capacité d’écoute et d’attention autant en étant spectateur que lecteur. Ils peuvent prendre conscience qu’ils lisent trop vite, pas assez fort, de manière trop monotone, que leurs camardes décrochent…


5) Et comme nos vies de parents inspirent souvent nos vies d’enseignantes, je me permets cette question plus personnelle : dans le parcours scolaire de tes enfants, la lecture à haute voix a-t-elle une importance particulière ?

Mes filles ont participé aux champions de la lecture en CM2 et Maritxu a gagné dans sa classe. Malheureusement, le confinement nous a empêché d’aller au niveau départemental! Au collège, j’ai l’impression qu’elles n’en font plus du tout. C’est bien dommage d’ailleurs!


6) Pratiquez-vous ou avez-vous pratiqué la lecture à haute voix en famille ? A quelles occasions ? Nous pratiquons la lecture à haute voix tous les soirs depuis presque 10 ans maintenant. D’abord des albums et maintenant des livres. Un chapitre ou une moitié de chapitre tous les soirs. Depuis qu’elles dévorent des dystopies et des sagas fantastiques qui ne m’enchantent pas, elles m’octroient cette demi-heure où j’ai le privilège de choisir le livre et on lit à tour de rôle: d’ailleurs ce soir c’est à moi et nous lisons Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery aux éditions Toussaint Louverture

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Lire à haute voix : faire entendre ses émotions !

Depuis 3 ans, nous faisons passer un test de fluence à nos élèves de 6e dans les premières semaines de septembre. Même si la demande institutionnelle n’a pas vraiment été justifiée, nous pouvons imaginer qu’elle est basée sur le constat que nombreux sont les élèves qui arrivent au collège sans maîtriser parfaitement la lecture, et notamment la lecture à haute voix. Pour ne pas en rester à ce triste constat, nous avons cherché en équipe des projets qui pourraient permettre d’entraîner la fluence de nos élèves. C’est comme ça qu’est né le projet « Des bibliothèques à nos portes ».

Dès le mois d’octobre de l’année dernière, les bibliothécaires de la communauté de communes dont dépend le collège sont venues à la rencontre de tous nos élèves de 6e pour leur présenter les conditions d’emprunt et les animations qu’elles organisaient. Et avec l’une des bibliothécaires, rencontrée grâce à Aude, nous avons proposé à une classe de 6e de participer au concours organisé par La Grande librairie, le concours « Si on lisait à voix haute ».

Une fois par semaine, en demi-groupe, pendant 3 mois, nous avons écouté, entraîné, conseillé 25 élèves de 6e. Au départ, nous leur avions proposé une sélection de textes. Mais leurs lectures étaient particulièrement monotones sur ces textes qu’ils n’avaient pas choisis. Alors nous leur avons proposé de lire leur texte préféré. Et là, l’émotion était au rendez-vous ! Nous avons par la suite organisé une demie-finale puis une finale. Le Covid étant toujours de la partie et les protocoles toujours plus contraignants les uns que les autres, les demie-finales se sont faites pour plusieurs élèves à partir d’enregistrements vidéos. Mais quelle ne fut pas la surprise notamment de découvrir la magnifique lecture de Clémence, particulièrement timide en classe, qui se révélait une excellente lectrice, libérée de la pression sociale, enregistrant chez elle en confiance avec sa mère et sa sœur un extrait du Petit Prince ! Un extrait qui a ravi le cœur du jury composé à cette occasion de notre professeure documentaliste, de notre adjoint, de la bibliothécaire qui avait collaboré avec la classe et de moi-même. La semaine suivante avait lieu la finale et nos 4 candidat.e.s ont été incroyables d’expressivité ! Un extrait de James et la grosse pêche de Roald Dahl, un extrait de La Tresse de Laetitia Colombani, un extrait de Tes seins tombent de Susie Morgenstern et un extrait de A la vie, à la… de Marie-Sabine Roger. Et notre incontournable Petit Prince. Une pluralité de tons, d’écritures, de fictions. Des voix qui chantent, des voix qui murmurent, des voix qui pleurent, des voix qui pétillent. Une véritable fête.

Que retenir de cette expérience ? La lecture à haute voix est un moyen incroyable d’embarquer tout un groupe dans un voyage immobile et éphémère. Un voyage vers l’autre, celui ou celle qui a écrit, mais aussi un voyage vers celui ou celle qui lit. Car à travers nos voix, c’est notre histoire qui se glisse, notre monde intérieur, notre pouvoir de capter l’attention pour la transformer en quelque chose de beau. Juste quelque chose de beau. A vivre ensemble.

En Novembre, faire entendre sa voix !

Le mois de Novembre sera dédié à la question de l’oral. Par sa place dans les examens certificatifs du DNB et du bac, il nous semble important de réfléchir à comment l’enseigner. Mais pour introduire notre réflexion, cette semaine, nous avons choisi de partager avec vous l’émerveillement que la prise de parole de nos élèves peut parfois produire. Aujourd’hui, Aude nous livre une chronique pédagogique écrite lors de sa dernière année au collège à l’occasion de l’oral du DNB.

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V arrive pour son oral les mains moites et tremblantes et la poitrine battante. J’ai eu V en 6ème, je me souviens d’une petite fille avec des joues rouges encore d’enfants, des cheveux frisés assez courts blond vénitiens et pleins de Toc et notamment celui de se gratter le cuir chevelu très fort à s’en blesser parfois. Mon collègue m’annonce qu’elle rentre, je lève ma tête de la fiche d’évaluation que je commence à compléter et je vois une jeune fille dans une longue robe bustier aux tissus ethniques avec les cheveux teints en prune relevés, je ne reconnais de la petite fille que j’avais eu 4 ans auparavant que ses billes bleues perçantes, affolées, paniquées.

Elle entre, pose un roman sur le bord du bureau : Autopsie White Chapel de Kerri Maniscalpo, démarre sa prestation avec une présentation prezi et nous évoque son choix d’orientation, elle veut devenir médecin légiste. Son oral coche toutes les cases demandées, il est bien préparé et elle s’est donné les moyens de le réussir mais pour moi l’essentiel n’est pas là, je ne suis pas tellement attaché au contenu mais à la jeune fille qu’elle est devenue, à cette personnalité charismatique dans laquelle elle se métamorphose. L’éclosion est proche, la mue est quasiment terminée, on la sent passionnée par ce métier qu’elle est en train de choisir, excitée à l’idée des années pourtant longues et exigeantes d’études qui l’attendent, animée par le choix des écoles dans lesquelles elle aimerait bien aller. Elle est prête à conclure, elle s’avance devant la table du jury derrière laquelle je suis assise et pose le livre sous mes yeux, elle explique que la vocation qui est en train de naître en elle est liée au coup de foudre qu’elle a eu pour ce livre et termine son exposé par cette citation d’Anthony Robbins qui semblerait être un coach en développement personnel américain 

« Toute personne qui réussit avait un rêve et l’a poursuivi jusqu’au bout. »

Son exposé est fini, j’ai les larmes qui me montent au bord des yeux et je ne peux que penser que je suis au bon endroit, au bon moment, je suis reconnaissante d’assister à ces métamorphoses, à ces envols, à y contribuer peut être aussi un peu. Il est là le bonheur de notre métier, de voir le semis prendre, d’assister aux bourgeonnements, au début de la floraison et deviner les arbres qu’ils deviendront. Je pars de ce collège, je fais probablement passer cet oral pour la dernière fois avec V. Indéniablement le plus bel au revoir d’élève !

Je ne peux m’empêcher de la remercier pour ces 5 minutes magiques, celles qui te font te souvenir pourquoi tu enseignes, pourquoi là où certains ne voient que de l’ingratitude, de la fatigue, de l’épuisement, une routine insupportable, personnellement je ne vois que de la passion, de la persévérance et des indispensables rituels pour faire correctement notre travail, pour être digne de la confiance que la société nous accorde ? Pour les prochains challenges professionnels qui m’attendent j’enseignerai avec en bandoulière une citation d’Albert Einstein : « Nous passons 15 ans à l’école et pas une fois on ne nous apprend la confiance en soi, la passion et l’amour qui sont les fondements de la vie. » Il est temps que ça change ! parce que les métamorphoses doivent être encore plus spectaculaires et nombreuses.

Aude et Colette veillent : chronique n° 2.

Du côté de Colette

Pour notre deuxième article dédié à notre veille pédagogique, je vous propose d’aller visionner en replay sur France.TV le documentaire en 2 parties  » Histoire d’une nation : l’école » qui permet d’envisager les enjeux de la scolarisation des enfants français depuis la création de cette institution. Comment elle participe de notre construction individuelle mais surtout de notre construction en tant que collectivité, que peuple. Une manière de répondre à la question que nous nous posions en septembre : peut-on éduquer à la citoyenneté ? Comment transmettre les valeurs de la République ? A travers ce documentaire, nous sommes invités à prendre un peu de distance avec cette institution qui semble aujourd’hui ébranlée, mais qui finalement l’a été régulièrement. Un documentaire qui permet aussi de se souvenir à quel point l’école est un lien primordial que nous devons absolument protéger, surtout en période de crises.

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Dans ma veille pédagogique, j’ai aussi adoré écouter le podcast de l’émission Barbatruc de France Inter intitulée « Cher journal : des conseils pour écrire sur soi » qui nourrira sans aucun doute une prochaine séquence de 3e dédiée à l’écriture autobiographique. On y entend la voix savoureuse et pétillante de Susie Morgenstern (qui envoie tous les jours les pages de son journal à sa fille !) et on y découvre le travail incroyablement inspirant d’Irvin Anneix, artiste vidéaste et collectionneur de journaux intimes. Il est notamment l’auteur d’un projet intitulé « Cher futur moi » pour lequel il invite les participants à se confier à leur moi futur. Un projet qui m’a rappelé le projet d’écriture que je propose à mes 3e en Janvier en les invitant à écrire à leur moi de l’année suivante, un projet dont j’avais parlé ICI.

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Du côté d’Aude

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Comme le 10 Novembre, j’amène les élèves de première à deux séances du festival du film d’histoire de Pessac avec pour thème cette année Masculin/féminin, j’ai découvert la vie d’Alice Miliat qui fut la première femme à demander des olympiades féminines. La première séance avec mes élèves fut l’occasion d’évoquer leur rapport au corps féminin et j’ai trouvé ces discussions passionnantes. Afin de pouvoir poursuivre le travail après la séance du film documentaires les Incorrectes, j’ai exploré les ressources proposées sur le site de la fondation Alice Miliat et une mine s’est ouverte à moi non seulement sur le sport féminin, mais aussi sur les notions de persévérance, motivation, coaching,…

J’ai commencé à me passionner d’abord pour le podcast Humbles et Engagées

Alors ce podcast est dirigée par Inès Irigoyen et s’appelait avant les conquérantes, il s’agit d’explorer le rapport des femmes au monde du sport sous toutes ces coutures.

dans la même veine vous avez Championnes du monde sous la direction de Cléo Hénin

Stream Championnes du Monde | Listen to podcast episodes online for free on  SoundCloud

et enfin là c’est sur le sport et non sur les femmes uniquement mais j’adore même si c’est très américain, il s’agit de la série documentaire sur netflix: secret de coach

Voilà donc pour le moment j’en ai écouté ou regarder deux de chacun mais j’ai beaucoup aimé et je compte bien en proposer quelqu’uns à l’écoute en AP et en EMC.

Ensuite réseau canopée propose un parcours de formation entre le 18 novembre et le 14 décembre inviter la nature à l’école en trois étapes et 14 webinaires

La nature à l’école – Réseau Canopé (reseau-canope.fr)

Personnellement, je me suis inscrite à quelques conférences.

par ailleurs magistère propose aussi un parcours de formation enseigner dehors dans le secondaire

Enseigner dehors dans le secondaire – Réseau Canopé (reseau-canope.fr)

belles découvertes

Le label E3D espoirs et déconvenues!

Aujourd’hui c’est finalement un bilan amer que je viens faire de nos actions sur l’éducation au développement durable et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, nous avons préféré évoquer l’idée d’une éducation en anthropocène parce que pour le moment je ne vis que de des déceptions dans les actions menées dans le cadre du développement durable : combien de projets avortés, à moitié faits, d’élèves découragés, peu impliqués, peu sollicités, combien de freins de la part des services de gestions, combien de collègues qui ne trouvent pas ça important parce que ce n’est pas un bout du programme, combien d’établissement dans lesquels la direction évoque la volonté d’obtenir le label E3D et puis rien….

J’avoue qu’à l’instant où j’écris je suis franchement découragée par les souris dont on accouche quand on lance des projets EDD. Malheureusement, je n’arrive pas à trouver de solutions pour que cet enseignement soit plus efficace : faut-il plus de moyens ? Plus de temps ? plus d’aide ? plus de formation ? Plus d’obligations à prendre partie à cet engagement? Peut être aussi plus de rémunérations, des directions plus directives ? des personnels dédiés uniquement à cela ? …

Et pourtant, je suis chaque année pleine d’enthousiasme devant les projets que nous avons envie de mener, je suis pleine d’espoirs et regarde admirative les établissements qui semblent avoir réussi à impulser de belles initiatives, oui je continue de m’investir, je ne sais pas trop ce qui m’anime mais je continue de m’animer là sans doute parce que je pense que c’est essentiel, indispensable malgré les lacunes de ces projets.

Je vais continuer à m’inspirer, à me projeter et à faire ma part bien trop modeste à mon goût mais ce sera au moins ça. Je finis par une note positive et valorisante pour mon estime pédagogique :

J’ai déjà réussi à :

  • Co-rédiger une charte du pique nique « zéro déchet »
  • Sensibiliser plusieurs générations d’élèves à l’habitat durable avec des sorties sur Bordeaux
  • Monter un vide-dressing caritatif
  • Organiser le ramassage des papiers sur une année avec une équipe de 4 élèves volontaires

Nous sommes partantes pour des échanges sur ce sujet : où en êtes vous dans vos établissements ? Espoirs et déconvenues ? Ce serait d’ailleurs peut être une idée pour des interviews sur le modèle de l’été dernier.

Bonnes vacances !

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