Demorgon – vivre et penser les relations culturelles

La culture nous distingue de l’animal, Demorgon nous rappelle le mythe de Prométhée et d’Epiméthée et qu’en l’absence de « programmes naturels fixes », l’Homme est sans cesse amené à renouveler, perfectionner, ces mêmes « programmes » qu’ils doit construire. Cette capacité d’adaptation est à l’origine même de la culture.

Notre société se base sur la culture, car elle « émerge de toute expérience humaine ». Elle constitue chaque strate de la société humaine, elle intervient dans tous les domaines.

D’autre part les cultures (correspond aux cultures pratiquées dans un lieu précis ; pays, régions, etc. ou aux peuples, ethnies, religions) sont quant à elles différentes les unes des autres mais aussi semblables voir construites en interactions ou une culture qui contribue à une autre. Les différences peuvent résider par exemple dans les langues parlées (observation la plus évidente), les similitudes peuvent se trouver dans les croyances et pour les interactions entre cultures on peut reprendre le texte anonyme cité par Demorgon : « Ton Christ est juif. Ta voiture est japonaise. Ta pizza est italienne et ton couscous algérien. Ta démocratie est grecque. Ton café est brésilien. Ta montre est suisse. Ta chemise est indienne. Ta radio est coréenne. Tes vacances sont turques, tunisiennes ou marocaines. Tes chiffres sont arabes, ton écriture est latine… et tu reproches à ton voisin d’être étranger ! ».

Le propre de l’Homme c’est sa capacité d’adaptation, et parfois, l’adaptation vient d’ailleurs, de personnes hors du groupe d’appartenance, quand devons-nous nous ouvrir à la nouveauté pour notre intérêt ? Car il y a souvent l’idée d’intérêt qui amène l’ouverture. Demorgon dit ; « Tantôt, nous devons être capables de nous fermer pour nous protéger de stimulations trop nombreuses ou trop précipitées. » Ici, c’est la subjectivité de chacun qui est engagé, cela peut se jouer au niveau individuel ou à des niveaux impliquant plus de personnes, des régions, des pays…

La culture définie par Demorgon est donc riche, elle est à la base de ce que nous faisons, de pourquoi nous le faisons et en même temps elle est dynamique, susceptible d’évoluer pour le bien commun mais pour le bien individuel aussi.

Ce n’est pas sans me rappeler la complexité du sujet de mémoire que j’ai choisi avec mon binôme. Nous souhaitons travailler sur les manifestations de l’interculturel en milieu scolaire. Il paraît évident qu’avant de travailler sur cette notion d’interculturel, nous devons définir ce qu’est la culture. Nous avons utilisé des articles, ouvrages mais aussi des définitions de dictionnaires pour parler de la culture, son sens premier (comme cultiver la terre) et sa dimension plus intellectuelle qui correspond plus à la voie que nous voulons emprunter pour notre mémoire. L’article de Demorgon rejoint sur plusieurs points la définition que nous en avons dégagé, surtout sur la notion d’emprunt entre cultures qui font la richesse des unes et des autres.

DEFINITION DE LA CULTURE – TEXTE DE DEMORGON.

Quelle définition de la culture retenir et quelle mise en relation avec son mémoire ?

Définir le mot « culture » est une tâche plus complexe qu’il n’y paraît. D’un point de vue scolaire, l’on apprend à proprement parler de la culture dans les enseignements historiques et davantage en enseignement philosophique. A travers ce dernier, l’on apprend la distinction (et l’opposition) entre culture et nature. Cependant, afin de mieux la définir, il faut savoir différencier la culture des cultures.

La Culture (au singulier ou avec un C majuscule), est selon Demorgon, lors de sa conférence prononcée lors de la rencontre « Evénement Jeunesse 2008 », la principale distinction entre l’Homme et l’Animal. La Culture, est le produit de l’expérience humaine, elle est ce que l’humain créé. Au delà même d’être une simple création, elle serait nécessaire au développement humain.

Les cultures (au pluriel, avec un C minuscule), sont propres à chaque peuple, nation ou ethnie. Une culture ne sera jamais la même en fonction des différentes sociétés. Les cultures sont créés des « multiples possibilités de l’adaptation humaine ». Demorgon, toujours lors de sa conférence, explique que les différences de cultures s’expliquent par deux facteurs majoritaires. Le premier est le facteur géographique, qui intrinsèquement, implique le second facteur : celui des possibilités humaines. L’homme contraint (ou ouvert au champ des possibilités) s’adapte à son environnement de sorte à ce qu’il créé une culture propre à ses capacités et à son milieu. Par ailleurs, la culture est toujours objet de consentement. Plus précisément, les hommes vivant dans la société la pratiquant sont libres de la modifier afin d’améliorer leurs conditions de vie, cependant cette modification doit être acceptée et consentie par la société.

Mon mémoire aura pour thématique l’inclusion des Enfants Allophones Nouvellement Arrivé.es au sein de l’école et d’une classe. Au delà de l’importance même du travail de définition de la Culture fait par Demorgon, ce texte est aussi important et enrichissant quant à la vision qu’il apporte sur les approches et représentations que l’on peut avoir face aux autres cultures. Selon lui, afin de comprendre une culture il faut aller au-delà de ses propres représentations quant à sa propre culture. Vulgairement, il faut savoir mettre sa propre culture de côté afin d’en apprendre davantage sur une nouvelle culture bien que notre vision sera étriquée par notre culture initiale. Exercice donc difficile bien que faisable avec beaucoup de rationalité. Une autre notion intéressante est que bien qu’une culture différence puisse « impressionner » (terme utilisé par Demorgon), nous pouvons comprendre une culture en catégorisant ce qui la compose. De fait, l’on trouvera des points communs entre notre culture propre et la culture nouvellement apprise. Demorgon avance alors qu’il y a forcément des points communs entre deux cultures, qui peuvent sembler diamétralement opposées. Cela peut aisément être un point d’enclin pour définir l’idée sur les processus d’inclusion des élèves EANA, ainsi que l’ouverture culturelle que cette inclusion peut offrir.

Le lien entre le vêtement et l’identité

Cet extrait des Lettres Persanes (1721) de Montesquieu question sur lien entre l’identité et les vêtements. La forme épistolaire permet de recueillir différents points de sur la société (ici la société parisienne). Ainsi, nos vêtements deviennent un prolongement de notre identité, une extension de qui nous sommes, de ce qui nous caractérise en tant que personne issue d’un groupe. Dans les Lettres Persanes, les vêtements que porte Rica représentent son identité culturelle. Dans un premier temps, son identité persane est surtout perçue à travers ses habits. Il attire les regards, il devient un objet de curiosité pour la population parisienne. La popularité de Rica s’explique d’une part par le contexte historique avec l’orientalisme qui est à la mode en Europe.

À travers ses habits, on parle de son identité extérieure. C’est ce qui intéresse les parisiens et ils limitent alors toute leur culture à des vêtements. Lorsqu’il décide de passer à une mode plus européenne, on lui pose la question de savoir comment on peut être Persan. Cette question est assez violente car elle remet en question d’une certaine la culture persane. D’ailleurs, on peut y voir une vision colonialiste, c’est-à-dire qu’une personne dite « étrangère » ne peut qu’être habillée dans des habits de son pays, on les réduit à des stéréotypes. Dès lors, le vêtement devient un langage, certes muet, mais il peut en dire long sur une personne qui le porte mais aussi sur l’interaction que les autres ont avec lui.

On peut transposer cette question du lien entre le vêtement et l’identité à une problématique actuelle. Le vêtement est bien plus qu’un objet nécessaire à notre survie, il est symbole de notre identité. Au-delà de l’identité culturelle, il permet de montrer notre personnalité, nos convictions sans même utiliser la parole. On peut presque interpréter les vêtements comme une seconde peau sociale et culturelle.

L’IDENTITE ET LE VÊTEMENT.

De par la lecture en classe d’un extrait des Lettres Persanes de Montesquieu, nous avons pu débattre et nous questionner sur le lien entre l’identité et le vêtement. La tenue vestimentaire est-elle une manière de transposer sa personnalité et donc son identité ?

A l’heure où beaucoup de débats se multiplient autour de la question du vêtement dans notre société, la question de l’identité elle reste ouverte depuis de (très) nombreuses années. Qu’est-ce que l’identité ? Et parle-t-on d’identité propre lorsqu’on parle de tenue vestimentaire ? Est-ce que porter une tenue ou un vêtement qui nous plait reflète un moi propre ou un moi social, comme l’entendrait Bergson par exemple ?

Cette idée d’identité par le vêtement me fait beaucoup écho. En tant que petite fille ayant grandi dans une société que je me permettrais de qualifier de patriarcale et en continuant de grandir en tant que femme au sein de cette même société, la question me paraît nécessaire. Peut-on vraiment porter ce que l’on veut porter ? Et ce partout ? Et si oui, pourquoi tous les regards, commentaires, avis, jugements, et (encore pire) conseils ne sont pas de la censure à ma propre image ? Ne porte pas cela car c’est trop court. Ne porte pas cela car c’est trop échancré. Toutes ces fois où je mourrais d’envie de crier que je faisais ce que bon me semblait car c’était ce que je voulais. Pour toutes ces fois, jamais je ne me suis réellement demandée s’il était question de mon identité ou de ma personnalité. le vêtement est signe de liberté. Je suis libre de m’habiller comme je le veux. Alors, étroitement et implicitement, je m’habille telle que je suis, socialement et individuellement.

Maladroitement alors, je dirai que le texte travaillé de Montesquieu est encore aujourd’hui d’actualité. Tenter de rentrer dans des cases, ou du moins de normaliser l’apparence vestimentaire en censurant socialement certains vêtements, qu’ils soient traditionnels ou non montre de la bêtise, ou moins méchamment peut-être de la non ouverture d’esprit. Au lieu de célébrer les différences, l’on tend à les cacher par peur du regard de l’autre.

« Comment peut-on être persan ? » – Une question d’actualité

A partir du texte de Montesquieu, Lettres persanes, 1721 : 

Dans ce texte, on perçoit le rapprochement entre identité et vêtements. En effet, ici, on voit que l’habit détermine la culture du personnage principal (d’après la façon dont les parisiens le voient). Sans l’habit persan et en « endoss(ant) un habit à l’européenne », le personnage devient aux yeux des autres un européen. La notion du regard des autres est donc prédominante car en réalité il ne devient pas européen mais les autres le voient comme un européen. Il y a donc un rapport notable entre le type de vêtements portés et l’identité du personnage. 

Peut-on alors penser qu’en changeant notre style vestimentaire pour un autre, marqué par une culture en particulier, on changerait d’identité aux yeux des autres ? Cela signifierait donc également un changement de culture de notre part ? (Bien entendu, ce n’est pas mon point de vue mais simplement des observations et questionnements qui semblent émerger du texte). 

Cette remarque peut également se faire de nos jours. Effectivement, que ce soit par curiosité, admiration, surprise ou méprise, on constate que ce genre de comportements est encore très présent aujourd’hui. Lorsque l’on croise quelqu’un qui n’a pas le même type de vêtements que nous, on peut adopter des comportements différents en fonction de chacun, de notre vécu, de notre propre culture, de notre situation géographique etc. Dans certains cas, certains peuvent simplement trouver les habits jolis et être alors admiratifs des vêtements des autres, mais dans d’autres cas, certaines personnes pourraient également voir cette différence vestimentaire comme un refus d’acculturation à la zone géographique dans laquelle ils se trouvent. Aussi, on peut voir que certaines personnes, sans jugement apparent vont simplement émettre une opinion sur l’origine ou la culture de l’individu en question. Comme on peut le voir dans le texte, le passage « il faut avouer qu’il a l’air bien persan », nous montre que c’est l’apparence de cet individu qui fait dire aux autres qu’il est persan. Ici, on peut tout de même desceller un jugement qui apparaît bien plus clairement dans la dernière phrase du texte : « Comment peut-on être Persan ? ». En effet, cette dernière phrase laisse à penser que ça n’est pas possible d’endosser cette identité, comme si c’était bien trop exotique et bien trop lointain pour les « habitants de Paris ». 

La transposition entre vêtements et identité culturelle chez Montesquieu

D’après Montesquieu le lien entre l’identité culturelle et les vêtements que l’on porte est très fort. En effet, lorsque son personnage porte ses vêtements persans à Paris, il est extraordinaire, dans le sens littéral du terme : « je fus regardé comme si j’avais été envoyé du ciel ». En revanche, lorsqu’il porte des vêtements européens il devient invisible : « Libre de tout ornements étrangers, je [perdis] en un instant l’attention et l’estime publique ».

Les vêtements sont effectivement une des premières choses qu’on remarque. En effet, la plupart des marqueurs culturels sont invisibles au premier regard. Il est difficile de différencier par le regard seul un trait d’identité culturelle particulier tel que boire du thé le matin plutôt que du café. En revanche, une personne qui se promène en kilt dans la rue en France attirera presque immédiatement les regards et nous indiquera « celui-là est écossais ». Le personnage de Montesquieu en fait l’expérience lorsque les gens disent de lui : « Il faut avouer qu’il a l’air bien persan. »

Souvent au premier abord, ce qui intéresse, ou en tout cas, attire l’attention c’est l’identité extérieure d’une personne. D’autant plus lorsqu’il y a un effet de mode tel que l’engouement pour l’Orient du XVIIème. Le personnage de Montesquieu est donc doublement à la mode dans ce texte. Non seulement, il s’habille à la mode mais en plus, il est exotique.

Son identité culturelle est donc célébrée car elle est à la mode mais seulement lorsqu’il porte ses vêtements persan. Le moment où il choisit de porter des vêtements européens, il devient invisible et s’entend dire « Ah ! ah ! monsieur est Persan ? C’est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? » Cette réplique moqueuse sépare le personnage de son identité culturelle, elle le moque et le dénigre. Elle pose la question de l’intégration, de l’étranger et de l’accueil dans la société française d’hier comme d’aujourd’hui.

Comment peut-on être Persan ?

Les Lettres Persanes de Montesquieu s’inscrivent dans un courant littéraire, artistique et esthétique orientaliste. Dans un contexte de baisse des tensions diplomatiques avec l’Empire Ottoman, les cultures du Maghreb et du Moyen-Orient fascinent en Europe de l’Ouest.

Le personnage d’Usbek, dont on lit les impressions sur les habitants de Paris dans notre extrait, est originaire d’Iran (actuel). Il compare l’effet qu’il produit selon la façon dont il se vêtit.
Habillé d’un costume persan, il attire tous les regards, l’intérêt, la bienveillance, les louanges, mais également une forme de violation de son intimité (« je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure ») et de négation de son humanité (« comme si j’avais été envoyé du ciel »).
Au contraire, vêtu à l’européenne, il essuie une indifférence quasi-totale. Le seul intérêt que sa personne pourra susciter viendra à nouveau de son exotisme, et le ramènera à la dépréciation de son statut d’Homme (« Comment peut-on être Persan ? »).

Il y a dans les observations d’Usbek une forme d’interrogation quant à ce qui changeait de lui selon ses vêtements. Bien sûr, sa culture, bien qu’elle soit visuellement moins marquée (l’habit étant vecteur d’expression d’un art(isanat), d’une tradition et d’un mode de vie), n’est pas changée ou détruite. Elle devient toutefois une « culture invisible ». Et c’est le regard qui est porté sur elle qui est modifié.
Assez prosaïquement, on pourrait supposer qu’il s’agit simplement des attentes des interlocuteurs qui sont modifiées; on attend de celui qui est différent un discours qui aurait davantage d’intérêt que du discours de celui qui nous ressemble. Toutefois, ici, on comprend que l’attention portée à l’étranger n’est pas seulement celle qui relève d’une volonté d’enrichissement culturel, mais aussi d’une recherche de la mode.

En réalité, l’intérêt pour l’étranger dépend de la place qu’occupe sa culture dans la hiérarchisation que nous en faisons. Le port d’un marqueur culturel ne sera pas perçu de la même façon considérant son origine géographique, nos relations géopolitiques avec son lieu de provenance, etc. Il peut même souvent être davantage objet de crainte que d’attrait.

C’est ce phénomène de hiérarchisation des peuples et de leurs cultures qui justifie également le regard qui est porté sur l’étranger, et sur Usbek. Fut-il d’une autre ethnie, on aurait pu même le regarder comme un animal.

la question de l’identité transposée au vêtement

Dans le texte de Montesquieu, tout le monde le remarque par ses habits persans. Il essaye alors de s’habiller “à l’européenne” pour voir si les gens lui porteraient autant d’intérêt, ce qui n’est absolument pas le cas et cela le rend fou. J’interprète cela comme une sorte de crise de l’identité, son identité est reflétée à l’extérieur, par ses vêtements. S’il ne les a plus alors il n’est plus le même aux yeux des autres, ce qui peut remettre en cause son identité intérieure. Qui suis-je ? Suis-je mon vêtement ? Que représente réellement le vêtement que je porte ?

Cela m’amène d’abord à me poser des questions telles que les suivantes: quel est l’intérêt de s’habiller de la même manière que les autres ? Faut-il absolument se fondre dans la masse ? Est-ce que les personnes s’habillant différemment (ici je ne parle pas d’un habit culturel) le font pour qu’on les remarque ?

Mais nous pouvons aussi nous poser des questions transposées à l’actualité, à notre pays, sur la hiérarchie du vêtement, qu’il s’agisse du vêtement culturel ou non. Va-t-on regarder de la même manière une personne habillée avec des vêtements tâchés, déchirés, et une personne habillée avec de la haute couture, les deux personnes ne se fondant alors pas dans la masse ? Va-t-on regarder de la même manière une femme noire habillée dans le vêtement traditionnel de son pays qu’une femme blanche avec celui du sien? Nous savons très bien qu’une partie de la population portera une critique négative sur deux de ces quatre personnes et nous savons également très bien lesquelles.

Comment peut-on être Persan ? Une question d’actualité

Nous avons lu la célèbre lettre XXX des Lettres Persanes de Montesquieu et discuté autour des liens entre vêtement et identité (identité visible, cachée), autour des représentations qui touchent aux identités culturelles et à leur visibilité. De quoi le vêtement est-il ou non le signe et/ou le symbole ?