Une œuvre à la mesure d’un désastre…colossal(e)

L’artiste japonais Manabu Ikeda aura mis un peu plus de 3 ans pour réaliser une toile impressionnante, tant par sa taille que par sa minutie: Rebirth (en français, Renaissance).

Haute de 3 m et large de 4 m, cette œuvre de 12 m² met en scène, de manière très détaillée, la réflexion de l’auteur sur le drame du tsunami survenu dans le nord-est du Japon le 11 mars 2011 et qui provoqua la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Utilisant des stylos et de l’encre, l’artiste crée un dessin qui représente un arbre, grand et puissant, issu du désastre causé par le séisme. L’arbre est entouré de vagues déferlantes symbolisant le tsunami qui suivit le tremblement de terre.

Mais à y regarder de plus près, ce sont des milliers de petits personnages (individus, animaux) et de petites histoires qui sont représentés. Car la toile contient des détails stupéfiants.

Par exemple sur les racines, on distingue les restes sans vie d’un carnage passé.

Puis, plus on monte, plus on observe des scènes de vie, des fleurs grandissantes…

Rebirth présente aussi bien des images de destruction (accidents de train ou d’avion, explosions…) ; que des détails en lien direct avec la vie personnelle de l’artiste (comme la naissance de ses deux filles pendant la création de cette œuvre).

Cet arbre, symbole de la vie, est comme l’incarnation d’un pays (le Japon) qui, malgré les catastrophes, reste debout. En dépit des dizaines de milliers de victimes (morts et disparus), des multiples dégâts matériels et environnementaux, le pays meurtri se relève. La reconstruction des zones dévastées se poursuit.

La toile de Manabu Ikeda révèle ainsi un travail colossal, préparé au Chazen Museum of Art de Madison (ville située dans le Wisconsin aux États-Unis). Tout à la fois violent et poétique, Rebirth transmet un message d’espoir… et mérite les larmes de joie et de soulagement de l’artiste, une fois l’oeuvre achevée. Colossal !

 

 A n’en pas douter, l’art nous enseigne que du pire peut naître le meilleur.

Fukushima 5 ans après

Les conséquences du drame toujours présentes

Il y a 5 ans, le 11 mars 2011, le Japon était victime d’un terrible tremblement de terre sous-marin (d’une magnitude de 8,9 sur l’échelle de Richter) aux conséquences dramatiques : le séisme provoqua un tsunami qui engendra un « accident » nucléaire. Le bilan définitif de cette triple catastrophe (humaine, écologique et nucléaire) fait état d’environ 19 000 morts et disparus.

carte du SEISME DU JAPON MARS 2011C’est au large des côtes du Nord Est de l’archipel nippon, à près de 25 km de profondeur, que la secousse a pris naissance ; non loin de la ville de Sendaï. S’ensuivirent des vagues d’environ 8 m de haut (parfois plus) déferlant à vive allure sur les côtes japonaises.

alerte_au_tsunami_dans_tout_le paysLe jour même du tsunami, une vidéo montre l’ampleur et la puissance de la vague.

Mais le tsunami touche également la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (gérée par la firme Tepco).

japon_la_situationTout d’abord c’est le système de refroidissement de la centrale qui tombe en panne. Puis très vite, ce sont les réacteurs eux-mêmes qui explosent : la moitié d’entre eux (trois sur six) finissent par entrer en fusion totale, dégageant de très importants rejets radioactifs alentour (dans l’océan comme dans l’atmosphère).

centrale fukushima-2011 bisdrame fukushimaDans un pays qui avait déjà connu l’horreur nucléaire en août 1945 après le largage de deux bombes atomiques sur Hiroshima le 6 puis Nagasaki le 9, le traumatisme est énorme.

La zone fortement contaminée fut alors interdite à la population (environ 140 000 personnes ont été évacuées au moment du drame). Aujourd’hui, cinq ans après les événements, le démantèlement de la centrale nucléaire et la décontamination sont toujours en cours. Pour ce faire, différents types de robots prêtent main-forte à plus de 8 000 travailleurs qui s’acharnent sur les lieux de la catastrophe.

décontaminateurs

Car la radioactivité est telle en certains endroits du site (ex : à l’emplacement des réacteurs) que l’homme ne peut y pénétrer. Les robots sont donc indispensables pour effectuer certaines tâches ; comme par exemple récupérer le corium (ce magma métallique radioactif fondu). Pour autant, seul l’Homme sera véritablement capable de nettoyer ce désastre qu’il a lui-même causé ; on évalue à une quarantaine d’années le temps nécessaire pour y parvenir.

Les conséquences de la radioactivité sur le corps humain sont connues. Si à ce jour, un seul cas de cancer lié directement à la catastrophe nucléaire a été officiellement reconnu (il s’agit d’un ouvrier de 41 ans ayant travaillé sur le site contaminé de la centrale), le nombre devrait toutefois augmenter assez rapidement : sur les 385 000 enfants de Fukushima ayant fait l’objet d’analyses, plus de 80 présentent déjà un cancer de la thyroïde

radioactivite sur corps humainNéanmoins, progressivement, les autorités appellent les habitants évacués à une trentaine de km de la centrale nucléaire à revenir chez eux. Selon le gouvernement, le niveau d’exposition à la radioactivité y est inférieur aux 20 millisieverts par an requis pour pouvoir revivre dans ces zones.

C’est le cas notamment depuis septembre 2015 du village de Naraha, proche de la centrale nucléaire de Fukushima, déclaré officiellement habitable. Pour autant, moins de 10 % de la population souhaite y retourner. (cliquer sur l’image pour accéder à la vidéo)

retour à fukushima Arte

 

La face cachée d’Hiroshima

Retour sur un cataclysme, 70 ans après

Arte diffusait hier soir à 20h55 un documentaire inédit (« Hiroshima, la véritable histoire ») sur la ville japonaise martyre, détruite au matin du 6 août 1945 après la terrible déflagration nucléaire. Des témoignages bouleversants de rescapés de la première bombe atomique (appelés « hibakusha ») nous révèlent ce qu’ils ont vécu et vu : le bombardier Enola Gay survolant la ville au petit matin, l’incroyable explosion (comme « cent coups de tonnerre ») et sa lumière aveuglante, le souffle (une onde de choc à 1 600 km/h) et puis l’enfer qui s’ensuivit (des corps atomisés ou fondus, d’autres brûlés, mutilés, des chairs à vif, des peaux qui se désintègrent). Les effets immédiats sont terrifiants. La bombe a tué environ 80 000 personnes d’un coup.

Atomic_cloud_over_HiroshimaAussitôt un nuage en forme de champignon recouvre la ville (un mélange de gaz chauds, de particules radioactives et de débris de la ville), comme un cercle de feu. La ville a complètement disparu. C’est une vision d’apocalypse. Au brouillard de gaz radioactifs s’ajoutent des incendies qui embrasent la ville (car beaucoup de constructions sont en bois) puis arrive la pluie noire radioactive (qui tuera ceux qui la boiront). Les rues sont jonchées de cadavres ou d’agonisants. Très vite les morts sont brûlés sur des bûchers par l’armée (cela durera 4 jours) ; des milliers d’orphelins sont livrés à eux-mêmes, devant se battre et voler pour survivre. C’est le chaos total.

Mais l’explosion nucléaire a également des effets à retardement que les Etats-Unis vont chercher à passer sous silence : perte des cheveux, fièvres et nausées, saignements et vomissements de sang, développement des cancers liés aux radiations…

Devant l’ampleur des « dégâts », le secret militaire américain est immédiatement imposé sur les souffrances des populations. La « peste atomique » fait peur. En 1946, un journaliste étasunien venu sur place, John Hersey, publie Hiroshima (à l’origine un article paru dans The New Yorker), dans lequel il raconte comment 6 personnes ont vécu la journée du 6 août 1945. Dès lors, tout le monde sait ce qu’a été le bombardement atomique sur la ville ; et quels ont été les effets des radiations sur la population

hiroshima herseyLe gouvernement américain devra alors s’expliquer sur l’utilisation de l’arme nucléaire; et avancera l’argument du « mal nécessaire » : mettre fin à la guerre contre le Japon (c’était la bombe ou la mort de dizaines de milliers de soldats américains dans un débarquement sur les côtes japonaises).

Le documentaire dit aussi comment les Etats-Unis ont utilisé à leur profit cette véritable catastrophe humanitaire : étude des vivants, dissection des morts pour en savoir plus sur les effets des radiations sur les corps. Les Japonais (notamment des enfants) deviennent des cobayes que l’on examine mais ne soigne pas.

Des scientifiques (comme Benjamin Bedersen et Roy Glauber) ayant participé au projet Manhattan (programme de recherche top secret sur l’arme atomique engagé dès 1942 par le président Roosevelt sans l’aval du Congrès américain) prennent également la parole; et s’interrogent sur le largage de la seconde bombe atomique au-dessus de Nagasaki le 9 août 1945.

Des historiens s’expriment comme l’Américain Sean Malloy (qui met en avant d’autres motivations sur l’usage de la bombe que mettre fin à la guerre) et le Japonais Tomoyuki Yamamoto (qui révèle notamment l’inertie des autorités japonaises, laissant venir les B-29 sur Hiroshima d’abord puis Nagasaki, sans se soucier des habitants).

Des membres de l’équipe de pilotes d’élite ayant largué Little Boy sur Hiroshima, considérés comme des héros à leur retour aux Etats-Unis, se rappellent les préparatifs de leur mission et son succès. Ils sont partis de l’île de Tinian, dans l’archipel des Mariannes en plein océan Pacifique; c’est alors un site militaire américain top secret. Le B-29 Enola Gay qui largue la bombe sur Hiroshima est accompagné de deux autres avions (l’un pour faire des photos, l’autre équipé d’instruments pour mesurer les effets de l’explosion).

Enfin, des images d’archives inédites accompagnent ce documentaire qui nous apprend notamment que, quelques semaines après la capitulation allemande, l’empereur japonais Hirohito avait envoyé des émissaires aux Etats-Unis pour négocier les termes d’une reddition; et qu’il avait compté sur la médiation de Staline, lors de la conférence de Potsdam (à l’ouest de Berlin), pour négocier un accord de paix en faveur du Japon (l’URSS n’était pas en guerre contre ce pays). Le président Truman (qui a succédé à Roosevelt mort en avril 1945) savait donc que le Japon voulait capituler (mais la condition était le maintien de l’empereur à la tête du pays). Pourtant, au terme des accords conclus à Potsdam le 26 juillet 1945 par les Alliés, la capitulation sans condition est exigée du Japon, sous peine de terribles représailles (« un anéantissement rapide et total »).

Comment ne pas s’interroger alors sur les véritables motivations de l’utilisation de l’arme nucléaire par les Etats-Unis? Non seulement le Japon mourait de faim (un blocus très efficace asphyxiait le pays) et allait capituler; mais au final la capitulation signée par le Japon le 2 septembre 1945 garantit le maintien au pouvoir de l’empereur Hirohito (la condition exigée dès le départ par ce dernier pour arrêter la guerre!). De là à affirmer que Truman ne voulait en fait utiliser la bombe atomique que pour montrer à ses ennemis, et à Staline, la puissance de feu des Etats-Unis, il n’y a qu’un pas…