LE TEMPS textes

Textes en couleur >>>étudiés en classe

Il remarqua plus tard que le soleil n’était visible de l’intérieur de la villa qu’à certaines heures du jour et qu’il serait plus pratique pour savoir l’heure de fabriquer une sorte d’horloge qui fonctionnerait jour et nuit à l’intérieur de la maison. Après quelques tâtonnements, il confectionna une sorte de clepsydre, c’est-à-dire une horloge à eau, comme on en avait autrefois. C’était simplement une bonbonne de verre transparent dont il avait percé le fond d’un tout petit trou par où l’eau fuyait goutte à goutte dans un bac de cuivre posé sur le sol. La bonbonne mettait vingt-quatre heures à se vider dans le bac, et Robinson avait strié ses flancs de vingt-quatre cercles parallèles marqués chacun d’un chiffre. Ainsi le niveau du liquide donnait l’heure à tout moment. Il lui fallait aussi un calendrier qui lui donnât le jour de la semaine, le mois de l’année et le nombre des année passées. Il ne savait absolument pas depuis combien de temps il se trouvait sur l’île. Un an, deux ans, plus peut-être ? Il décida de repartir à zéro. Il dressa devant sa maison un mât-calendrier. C’était un tronc écorcé sur lequel il faisait chaque jour une petite encoche, chaque mois une encoche plus profonde, et le douzième mois, il marquait d’un grand 1 la première année de son calendrier local.

Michel Tournier, Vendredi ou la vie sauvage, (1971), Gallimard, 1977, pp. 35-36.
Pourquoi Robinson a-t-il besoin de se repérer dans le temps ?
Je mesure le mouvement des corps à l’aide du temps ; et le temps lui-même, ne puis-je donc le mesurer ? Mesurerais-je le mouvement d’un corps, sa durée, le temps qu’il met pour aller d’un lieu à un autre, si je ne mesurais le temps où s’effectue ce mouvement ?
Mais le temps lui-même, à l’aide de quoi puis-je le mesurer ? Avec un temps plus court mesurons-nous un temps plus long, comme avec la coudée on mesure une solive ? Ainsi on voit bien que nous mesurons la durée d’une syllabe longue d’après la durée d’une syllabe brève, disant l’une double de l’autre. Pareillement, nous mesurons l’étendue des poèmes par le nombre des vers, la longueur des vers par le nombre des pieds, la longueur des pieds par le nombre des syllabes, la durée des syllabes longues par celle des brèves. Ce n’est pas sur des feuillets de livres que nous faisons ces comptes, ce serait mesurer de l’espace et non du temps ; mais au passage des paroles, au fur et à mesure qu’on les prononce, nous disons :  » Voilà un long poème, car il se compose de tant de vers ; ces vers sont longs, car ils sont formés de tant de pieds ; ces pieds sont longs, car ils s’étendent sur tant de syllabes ; cette syllabe est longue, car elle est le double d’une brève. « 
Mais même ainsi, nous n’obtenons pas une mesure exacte du temps : il peut se faire qu’un vers plus court, s’il est prononcé plus lentement, se fasse entendre plus longtemps qu’un vers plus long, récité plus vite. De même un poème, un pied, une syllabe.
D’où il résulte pour moi que le temps n’est rien d’autre qu’une distension. Mais une distension de quoi, je ne sais au juste, probablement de l’âme elle-même.
Saint Augustin, Les Confessions, (env. 400), L. XI, ch. XXVI, Flammarion, trad. Trabucco, 1964, p. 275.
Peut-on mesurer objectivement le temps ?
Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l’expliquer à la demande, je ne le sais pas ! Et pourtant — je le dis en toute confiance — je sais que si rien ne se passait il n’y aurait pas de temps passé, et si rien n’advenait, il n’y aurait pas d’avenir, et si rien n’existait, il n’y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d’être alors que le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l’éternité.
Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu’en passant au passé, quel mode d’être lui reconnaître, puisque sa raison d’être est de cesser d’être, si bien que nous pouvons dire que le temps a l’être seulement parce qu’il tend au néant. (…) Enfin, si l’avenir et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. Car s’ils y sont, futur il n’y est pas encore, passé il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils n’y sont que présents. Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n’est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d’après ces images qu’elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens. Saint Augustin, Les Confessions

Qu’est-ce que le temps ?

 

C’est justement cette continuité indivisible de changement qui constitue la durée vraie. Je ne puis entrer ici dans l’examen approfondi d’une question que j’ai traitée ailleurs. Je me bornerai donc à dire, pour répondre à ceux qui voient dans cette durée « réelle » je ne sais quoi d’ineffable et de mystérieux, qu’elle est la chose la plus claire du monde : la durée réelle est ce que l’on a toujours appelé le temps, mais le temps perçu comme indivisible. Que le temps implique la succession, je n’en disconviens pas. Mais que la succession se présente d’abord à notre conscience comme la distinction d’un « avant » et d’un « après » juxtaposés, c’est ce que je ne saurais accorder. Quand nous écoutons une mélodie, nous avons la plus pure impression de succession que nous puissions avoir — une impression aussi éloignée que possible de celle de la simultanéité — et pourtant c’est la continuité même de la mélodie et l’impossibilité de la décomposer qui font sur nous cette impression. Bergson, La perception du changement, Paris, PUF, 1959, p 166.

Qu’est-ce que la durée vraie ?

Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et, s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. Pascal, Les pensées, Ed. Brunschvicg, 172.

Sommes nous capables de vivre et d’être heureux au présent ?

Le poids le plus lourd. – Et si, un jour ou une nuit, un démon venait se glisser dans ta suprême solitude et te disait : « Cette existence, telle que tu la mènes, et l’as menée jusqu’ici, il te faudra la recommencer et la recommencer sans cesse ; sans rien de nouveau ; tout au contraire ! La moindre douleur, le moindre plaisir, la moindre pensée, le moindre soupir, tout de ta vie reviendra encore, tout ce qu’il y a en elle d’indiciblement grand et d’indiciblement petit, tout reviendra, et reviendra dans le même ordre, suivant la même impitoyable succession,… cette araignée reviendra aussi, ce clair de lune entre les arbres, et cet instant, et moi aussi ! L’éternel sablier de la vie sera retourné sans répit, et toi avec, poussière infime des poussières ! »… Ne te jetterais-tu pas à terre, grinçant des dents et maudissant ce démon ? A moins que tu n’aies déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu ; je n’ai jamais ouï nulle parole aussi divine ! » Si cette pensée prenait barre sur toi, elle te transformerait peut-être, et peut-être t’anéantirait ; tu te demanderais à propos de tout : « Veux-tu cela ? le reveux-tu ? une fois ? toujours ? à l’infini ? » et cette question pèserait sur toi d’un poids décisif et terrible ! Ou alors, ah ! comme il faudrait que tu t’aimes toi-même et que tu aimes la vie pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation ! Nietzsche

Aime-t-on la vie au point de vouloir la recommencer sans cesse ?

Le temps n’est pas quelque chose qui existe en soi, ou qui soit inhérent aux choses comme une détermination objective, et qui, par conséquent, subsiste, si l’on fait abstraction de toutes les conditions subjectives de leur intuition; dans le premier cas, en effet, il faudrait qu’il fût quelque chose qui existât réellement sans objet réel. Mais dans le second cas, en qualité de détermination ou d’ordre inhérent aux choses elles-mêmes, il ne pourrait être donné avant les objets comme leur condition, ni être connu et intuitionné a priori par des propositions synthétiques; ce qui devient facile, au contraire, si le temps n’est que la condition subjective sous laquelle peuvent trouver place en nous toutes les intuitions. Alors, en effet, cette forme de l’intuition intérieure peut être représentée comme les objets et, par suite, a priori. E. KANT, Critique de la raison Pure

L’existence et le temps, explications

Texte de Michel Tournier, Vendredi ou la vie sauvage (1971).

Idée générale : Peut-on se passer de repères/mesures dans le temps ?

Arguments :

  • Le rapport au passé ( à son propre passé : vie ) => Le souvenir, l’identité personnelle

  • Le temps dans notre rapport au présent => le temps de l’action

  • Le rapport au futur ( Peut-on repartir de zéro en décidant de poser des commencements ?)

Le temps est continu/arbitraire car il relève de la décision toute humaine dans donner des repères.

Qu’est-ce que la solitude nous apprend sur le temps ? => Le temps est paradoxal : il est toujours de l’ordre du vécu et en même temps nécessite une mesure objective.

Lignes 3-8 : Le temps découpé en heure => l’horloge

Lignes 8-fin : le temps découpé en jours / mois / année => calendrier

=> Repartir à zéro.

Texte de Saint-Augustin, Les Confessions.

Idée générale : Peut-on saisir/connaître le temps ?

Saint-Augustin répond par un paradoxe => L’existence du temps est une évidence et pourtant nous ne savons pas l’expliquer.

Évidence vient du mot latin video qui veut dire je vois.

Lignes 1-5 : Aspect paradoxal du passé et futur

Lignes 5-9 : Est-il possible de saisir le présent ?

Lignes 9-fin : Où sont l’avenir et le passé ?

La connaissance peut-être :

  • Intuitive : immédiate et vient des sens/de l’imagination.

  • Discursive : qui vient de la raison (connaissance par démonstration)

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