Eclaircissement sur « les monstres »

Quelques pistes de recherche sur le film

Le mot « freak » est employé en Anglais dans l’expression de base « freak of nature » pour caractériser un écart par rapport à une norme, le mot désignant plus précisément un caprice de la nature et une distorsion d’ordre biologique. Le freak est donc un individu marqué par l’excentricité et par l’aberration que représentent ses anomalies congénitales ou les qualités physiques inhabituelles qu’il cultive savamment.

Le mot monstre en français, issu du latin « monstrum », dérivedu verbe « monere » (avertir) et désigne un signe venant des dieux – qui peut être un être ou un objet prodigieux – qu’il convient d’interpréter. On se demandera donc logiquement quelle mise en garde ou quelle révélation peuvent suggérer les créatures de Browning avant de souligner la nécessaire exhibition de la créature : le verbe « montrer », en Français, est un autre dérivé du monstrum.
Le monstre est ainsi nécessairement offert aux regards, étymologiquement voué à être exposé sur des tréteaux de foire.

L’image que Browning donne des freaks renvoie à l’enfance. De nombreux indices le révèlent. Dès le prologue est mise en évidence l’étape de la naissance, vue comme un « accident ». En dépit des liens familiaux qu’elle induit, l’infantilisation demeure pourtant source de souffrances.

Mise en question des notions de norme et normalité, Freaks se double d’une réflexion sur les limites de l’humanité. On peut ainsi relever d’emblée l’abondance des références à l’animalité dans le film. lLanimal possède à chaque fois une valeur emblématique. Le recours constant à la métaphore suggère la porosité des frontières. Abondent au fil des répliques les allusions témoignant de la cruauté du regard posé sur ces « horribles choses rampantes et gémissantes »

La traversée des apparences du générique renvoie à l’une des tendances majeures des films qui se déroulent dans le milieu du cirque ou du spectacle forain, qui pour la plupart choisissent de privilégier l’envers du décor. Le travail de cadrage de Tod Browning est caractérisé par le recours privilégié à deux dimensions. C’est d’abord la profondeur de champ qui permet au cinéaste de jouer sur les arrière-plans, à l’image du papier crevé du générique.

Le personnage partagé de l’androgyne n’est qu’une des manifestations de la bivalence sexuelle dans le film. Plusieurs autres figures convoquées par Browning peuvent être repérées et analysées. Ces tendances contradictoires mènent le plus souvent à une neutralisation de la sexualité.

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