La vie heureuse SENEQUE

Le bonheur, la vertu

Introduction:

« Tous les hommes par nature désirent être heureux. » Sénèque

Le bonheur se définit comme la finalité de l’homme à laquelle toutes les autres fins sont subordonnées c’est-à-dire que le bonheur est désirable en lui-même et non pas pour autre chose. Le désir du bonheur est universel même s’il se heurte à toutes sortes d’obstacles et surtout au problème du malheur. La difficulté n’est donc pas cette aspiration au bonheur, cette quête que tous les hommes recherchent mais plutôt la définition même du bonheur.

Une deuxième difficulté est la contingence du bonheur (le fait que les bonheur peut venir par hasard, qu’il est fragile alors qu’il est défini comme un absolu, il semble nous échapper dans la mesure où il n’est jamais quelque chose que l’on peut saisir pour soi ni de manière durable.

3ème difficulté: la fragilité du bonheur: nous aspirons au bonheur pourtant s’il est difficile à atteindre, n’est-il pas qu’un idéal ? Aujourd’hui la question prend une tournure particulière quand nous revendiquons un droit au bonheur. N’est ce pas confondre le bonheur avec l’épanouissement de l’individu, le soucis de soi ?

I- Le bonheur véritable est-il placé dans la vertu ?

Analyse des thèmes liés à la vie heureuse:

le bonheur, le souverain bien, la vertu et le plaisir.

Après avoir constaté l’universalité de la quête de bonheur, il va déterminer premièrement les moyens pour parvenir au bonheur et deuxièmement le but final qui est le bien.

Le bonheur pour Sénèque est un absolu qui dépasse toutes les expressions qui semblent le définir (tranquillité, apaisement, bienveillance, courage, honnêteté, gaieté, joie).

Le bonheur est une certitude, il est inébranlable et dure toujours. Si la vertu est le seul moyen pour y parvenir, c’est qu’elle se définit conformément à la nature humaine comme être raisonnable.

  1. Désir et plaisir.

Sénèque distingue clairement la satisfaction des désirs et du bonheur.

Le plaisir aboutie au point même où il cesse.

C’est l’origine pour Sénèque d’une vie inquiète car le plaisir se nie lui-même dans sa propre satisfaction.

  1. Vouloir ce qui arrive comme cela arrive.

Il faut comprendre le bonheur comme l’accord entre l’ordre du monde et l’ordre du désir.

En effet, si notre bonheur dépend de ce qui se passe dans la nature nous serons toujours déçus, il vaut donc mieux travailler sur soi-même pour changer notre rapport au monde. Il ne s’agit pas de se résigner contre l’ordre du monde qui lui-même est un ordre rationnel. Il faut comprendre que tout ce qui arrive est un enchaînement rationnel.

  1. Vouloir le bonheur atemporel

L’ignorant pense que le bonheur peut se faire au présent, au passé ou au futur. Apprendre à heureux c’est ne pas faire du bonheur un objet de regrets ou d’espérance. C’est accepter la réalité telle qu’elle est.

« Le sage vit heureux du présent et sûr de l’avenir »

Sénèque promet donc par la connaissance une sorte d’éternité, une règle de vie qui consiste à éliminer toute crainte et à juger le monde de telle sorte qu’il nous permet de trouver une règle de vie. Si le bonheur ne dépend que de nous, c’est qu’il est entièrement à notre portée dans l’action présente.

Connaître la nature, notre propre nature, c’est la condition du bonheur qui n’est pas en dehors de nous mais dans l’effort rationnel de notre compréhension du monde.

II- Le plaisir et la sagesse.

Sénèque s’adresse à trois interlocuteurs pour définir le plaisir:

  • le jouisseur, le débauché est radicalement condamné

  • ceux qui font du plaisir une morale, en particulier Épicure

  • ceux qui reprochent à Sénèque de condamner les plaisirs en parole mais pas en acte

  1. Condamnation du jouisseur.

Sénèque donne trois arguments principaux:

  • l’homme perd toute liberté, il devient esclave de ses propres plaisirs (paragraphe 14 page 68)

  • « le plaisir amollie l’âme de ses caresses »

  • l’homme qui ne résonne pas est réduit au rang « des bestiaux et des bêtes féroces ». L’homme qui se laisse aller à ses plaisirs ne connaît pas ses limites. Les plaisirs de l’âme sont autant méprisables car ils engendrent l’arrogance, l’orgueil, la paresse.

  1. La réfutation d’Épicure

  • Sénèque est contre le matérialisme d’Épicure. Pour Sénèque, il n’est pas vrai que tout ce que nous appréhendons vient de la sensation et que cette sensation soit la mesure du plaisir ou de la douleur. Sénèque n’est pas tout à fait l’adversaire d’Epicure dans la mesure où il reconnaît que ce dernier ne fait pas une éloge de la débauche. Epicure définit l’homme comme un être de raison et conseille un simple impératif de prudence pour régler ses plaisirs relativement à la douleur ou au bien qu’il nous procure. La critique de Sénèque est donc mesurée en raison du lien entre plaisir et raison, Sénèque reproche par ailleurs à Epicure de confondre vertu et plaisir, ce qui n’est pas le cas car pour Epicure les deux diffèrent de nature. C’est que Sénèque caricature le plaisir. La confusion que fait Sénèque explique les mauvaises interprétations de la philosophie d’Epicure comme encourageant toutes les dérives.

  1. le plaisir du sage

Ataraxie: absence de troubles

  • L’idéal du sage doit être compris relativement à un être qui n’est pas parfait, qui ne parvient pas toujours à la sagesse. Sénèque pense que le sage est celui qui se prépare, qui tend vers la sagesse.

  • Le plaisir n’est pas à exclure, ce n’est pas lui qui est mauvais mais de s’en rendre esclave. Le sage n’est pas en contradiction avec la fortune, il ne se sacrifie pas, il ne renonce pas. Être vertueux n’implique donc aucune souffrance inutile mais au contraire le plein accord entre soi-même et la nature.

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