Ciné : Conte d’hiver, Eric Rohmer

Le mot « psychologie » est employé parfois dans un sens péjoratif : essayer d’expliquer un comportement. Mais moi, j’aime montrer des gens qui ont des sentiments, une vie intérieure et des raisons d’agir qu’ils exposent. Ils parlent d’eux-mêmes, ils s’analysent. Depuis les Contes moraux, cela a toujours été mon propos, en opposition à ces films où les personnages ne disent jamais rien d’eux mêmes et ne sont pas tout à fait des êtres humains. Je crois que dans la vie, les gens sont plutôt comme je les montre : ils pensent.

Éric ROHMER, Télérama, 29 août 1984

 

Tout ce que nous montre ce film c’est une invitation à partager les promenades des personnages.

Itinéraires et déambulation,s au sens propre et au sens figuré : les personnages sont des individus qui tâtonnent, cherchent à se frayer une voie, une manière de vivre qui soit sont le plus en accord possible avec les lois de la raison, les règles de la morale et la contingence du monde. Tout choix de vie sentimentale est un mélange de décision et d’abdication, on ne maîtrise jamais les éléments pour savoir si on a raison d’aimer un tel ou de vivre avec tel autre. En ce sens tout choix de vie est un pari au sens pascalien, un calcul logique bien que subjectif, de la probabilité que l’on a d’espérer et que l’on a de savoir que ce qu’on espère va réellement arriver.

Choisir ou ne pas choisir, parier ou ne pas parier, telle est la question du film Conte d’hiver.

Le pari de Pascal : FOI, croyance et RAISON

« — Examinons donc ce point, et disons : «Dieu est, ou il n’est pas.» Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n’y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l’extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre; par raison, vous ne pouvez défaire nul des deux.
Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix; car vous n’en savez rien.
— Non; mais je les blâmerai d’avoir fait, non ce choix, mais un choix; car, encore que celui qui prend croix et l’autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier.
— Oui, mais il faut parier; cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu’il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. (…) .Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. »

Pascal, Les Pensées

(Texte du bac)

L’expérience religieuse

Miracle, révélation, illumination ?

Références philosophiques

Dans Conte d’hiver est évoqué le pari de Pascal et la question de l’immortalité de l’âme chez Platon (Menon et Phédon), rattachée à la scène de théâtre du Conte d’hiver de Shakespeare.
Il y a sans doute une éthique assez sartrienne chez Rohmer : on n’a pas le droit de décider à la place des autres, de vouloir ce qui leur nuit ; finalement on n’a jamais que ce que l’on mérite, non pas tant dans le sens du châtiment que dans le sens de la responsabilité. L’homme est libre, responsable, il n’a pas d’excuses. On ne naît pas lâche ou héros, on choisit de l’être. Il s’agit d’être fidèle à des valeurs, auxquelles on croit sincèrement et qui donnent sens à notre vie.

http://www.youtube.com/watch?v=4i-YH7eu3LQ

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