La vérité 3 / Le modèle mathématique

La méthode des mathématiciens dans la découverte et l’exposé des sciences – c’est-à-dire la démonstration des conclusions par définitions, postulats, et axiomes – est la meilleure et la plus sûre pour chercher la vérité et l’enseigner : voilà l’opinion unanime de tous ceux qui veulent s’élever au-dessus du vulgaire. À juste titre d’ailleurs. Car on ne peut tirer une connaissance rigoureuse et ferme de ce qu’on ne connaît pas encore que de choses déjà connues avec certitude. Il est donc nécessaire de s’en servir comme d’un fondement stable sur lequel on puisse établir par la suite tout l’édifice de la connaissance humaine, sans risquer qu’il s’affaisse au moindre choc. Or, que ce soit le cas des notions qui, sous le nom de définitions, postulats et axiomes, sont fréquemment utilisées par ceux qui cultivent les mathématiques, on n’en pourra douter si on a tant soit peu salué du seuil cette noble discipline. Car les définitions ne sont guère que des explications très larges de termes et noms qui désignent les objets dont il sera question. Et les postulats et les axiomes, c’est-à-dire des notions communes de l’esprit, sont des propositions si claires, si évidentes, que tous ceux qui ont simplement compris correctement les mots ne peuvent que donner leur assentiment.
Baruch Spinoza, Les Principes de la philosophie de Descartes démontrés selon la méthode géométrique [1663], trad. du latin par R. Caillois, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1954, p. 147.