Danse et philosophie

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Dance vient de dancer, que l’on dit en latin Saltare : Dancer c’est à dire saulter, saulteloter, caroler, baler, treper, trepiner, mouvoir & remuer les pieds, mains, & corps de certaines cadances, mesures, & mouvementz, consistans en saultz, pliement de corps, divarications, claudications, ingeniculations, elevations, jactations de pieds, permutations & aultres contenances desquelles Atheneus, Celius, Scaliger, & aultres font mention: aulcunefois on y adjouxte les masques pour monstrer les gestes d’un personnage que lon veult representer. Lucian en à faict un traicté, ou vous pourrez veoir ce qu’il en dit plus au long: Julius pollux en faict semblablement un chappitre bien ample. (Thoinot Arbeau, Orchesographie, Langres, 1589)

Danse et philosophie.

Le rapport des philosophes à l’esthétique est certes difficile, mais dans l’histoire des idées on trouve cependant un regrettable oubli en ce qui concerne la danse. Quand bien même certains penseurs s’interrogent ou critiquent les arts, il s’agit d’arts visuels, de littérature de musique ou de théâtre, mais la danse ne semble pas digne d’attention.

Une première idée vient à l’esprit pour comprendre ce dédain envers la danse, c’est son lien intime avec le corps. Dans la hiérarchie des arts que propose le philosophe Hegel, c’est le mépris de l’architecture ou même de la musique conçus comme des arts trop « matériels » ; la littérature et la poésie sont aux places d’honneur, alors que la danse n’est pas même mentionnée.

Faut-il attendre les sciences humaines pour que la danse soit reconnue et encore, si c’est par son caractère animal -voire primitif- de manière tout à fait réductrice ? Dans la tradition de la philosophie occidentale, il est donc difficile de trouver des textes qui à proprement parler font place à la danse. Plus récemment, la tradition analytique développe des réflexion sur la danse sans pour autant lui donner une place spécifique au sein de autres œuvres d’art. Le philosophe Nelson Goodman affirme que dans l’art « les émotions fonctionnent cognitivement ». Cela signifie que la rationalité (dont la philosophie se fait la servante) est réconciliée avec la sensibilité (imagination, sentiments, sensation). La danse incarne l’expressivité et l’émotion mais un ballet ne peut pas se réduire aux mouvements et aux gestes qui le composent. L’expressivité des actions corporelles est sans doute chargée d’intentionnalité et de sens qui font d’elle une véritable œuvre.

Si la danse n’est pas que mouvements organisés du corps, on peut prétendre à un véritable discours qui lui rende sa place au sein de la créativité artistique. De l’importance de ces questions on relèvera la possibilité pour le philosophe de rendre plus clair le discours sur la danse au public, aux chorégraphes et aux danseurs eux-mêmes.

On peut lire un texte de Paul Valéry, Philosophie de la danse, 1936, à télécharger à l’adresse suivante:

http://classiques.uqac.ca/classiques/Valery_paul/philosophie_de_la_danse/philo_de_la_danse.html

« Si l’artiste pense à la manière du philosophe, il produit alors une œuvre précisément opposée à celle de l’art, quant à la forme sous laquelle l’idée nous apparaît ; car le rôle de l’imagination se borne à révéler à notre esprit la raison et l’essence des choses, non dans un principe ou une conception générale, mais dans une forme concrète et dans un réalité individuelle. Par conséquent tout ce qui vit et fermente dans son âme, l’artiste ne peut se le représenter qu’à travers les images et les apparences sensibles qu’il a recueillies, tandis qu’en même temps il sait maîtriser celles-ci pour les approprier à son but et de leur faire recevoir et exprimer le vrai en soi d’une manière parfaite. Dans ce travail intellectuel qui consiste à façonner et à fondre ensemble l’élément rationnel et la forme sensible, l’artiste doit appeler à son aide à la fois une raison active et fortement éveillée et une sensibilité vive et profonde. C’est donc une erreur grossière de croire que les poèmes comme ceux d’Homère se sont formés comme un rêve pendant le sommeil du poète. Sans la réflexion qui sait distinguer, séparer, faire un choix, l’artiste est incapable de maîtriser le sujet qu’il veut mettre en œuvre, et il est ridicule de s’imaginer que le véritable artiste ne sait pas ce qu’il fait. »