CDC – Les Hivernales

lundi 16 janvier 21h (1h30) | CDC – Les Hivernales | Tarif PAC ARTS
[…] ou pas
compagnie Androphyne
conception : Pierre-Johann SUC et Magali POBEL
avec : pas mal de monde (danseurs, musiciens, comédiens, performer) … [ou pas]

« […] ou pas » est un spectacle. Précisons spectacle « total », pour dire la diversité des disciplines qui se croisent sur scène. Musique (concert et chanson en direct), art contemporain (installations, vidéo, performances, créations d’images)… c’est du théâtre, parce qu’il y a jeu, action, personnages, texte, décors, scénographie. C’est aussi de la danse, et pas seulement à cause des passages exclusivement dansés : androphyne est née compagnie de danse, il lui en reste une manière de tout envisager comme le déploiement du corps.
« […] ou pas » peut alors se décrire comme un spectacle de théâtre chorégraphié, fait de variations autour du thème du choix, et ce, à partir d’un dispositif simple : un « reality show » mené avec les spectateurs.
Magali Pobel et Pierre-Johann Suc s’intéressent depuis longtemps à l’obsession de la liberté, telle que la développent nos sociétés modernes, c’est-à-dire occidentales et industrialisées. Comment une organisation politique construit-elle l’illusion de la liberté à mesure qu’elle en neutralise l’usage ? Le jeu télévisé constitue à cet égard un terrain de jeu fascinant. Il n’est pas besoin d’analyser les dernières tendances de la « télé réalité », les sociologues parlent très bien de cette remarquable union des principes totalitaires et capitalistes.
« Vous avez le choix ! » disent les politiques, les banquiers, les agences de pub, l’école, mon voisin … Que signifie cette insistance ? En tous cas, la langue, la pensée, le sentiment et jusqu’à la sensation s’en transforment depuis un demi-siècle. Et c’est précisément là, dans cette inscription de la politique dans le corps, qu’intervient le spectacle.
Il s’agit de jouer des codes qui influent sur nos choix, des vraies comme des fausses alternatives qui nous sont proposées. Quelle position adopter ? Que répondre ? Sur quel ton ?
Placement au mégaphone, instructions au casque audio, sondage au micro, tirage au sort entre les sièges… Les règles du jeu s’avèrent surréalistes, surtout si l’animateur du « show » se prend pour un artiste, et qu’il l’est, avant de devenir magicien ou tennisman. Une séquence vidéo nous montre les acteurs en pleine dérision, négociant avec leur administrateur un concept pour le moins radical. Des comédiens s’installent dans le coin musical (batterie, guitares, basse, clavier) ; leur concert accompagne la création de tableaux vivants de Goya, de Vinci, allant vers des troubles obsessionnels auto chorégraphiés.
Les épisodes s’enchaînent et le tempo est rapide ; la structure d’ensemble ménage des échos et le rythme se veut contrasté : des pauses plus méditatives donnent une respiration au bouillonnement. Cela dit, à partir d’un certain moment, le spectacle est pris dans la logique d’un emballement, d’un élan furieusement punck-rock.
La scène est pour androphyne un espace de jeu, où se déploie une énergie qui est celle du groupe : un groupe composé d’acteurs qui sont aussi danseurs, musiciens, plasticiens, artisans, et dont la liberté de proposition aboutit à un mélange d’écriture et d’improvisation. Le spectacle semble prolonger l’engagement expérimental propre à son élaboration. Cette énergie, communicative, jubilatoire, traverse avec aisance les catégories de légèreté et de gravité; elle s’épanouit dans un comique propre à androphyne, ironique, burlesque, poétique.
Julien Lacoste.

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