La cause de Dieu

« Certes, Descartes a voulu défendre la cause de Dieu, combattre les athées et les libertins… il accuse la scolastique d’avoir perverti la théologie comme la physique… »Henri Gouhier, la pensée religieuse de Descartes,Vrin, « Études de philosophie médiévale », 1972

Dans les méditations métaphysiques de DESCARTES, lire :

Troisième méditation, De Dieu, qu’il existe

Le Dieu du philosophe n’est cependant pas celui de la Révélation; si philosophie et théologie sont séparées (séparation qui protège l’ineffabilité de l’infini divin), il ne peut y avoir aucun conflit entre elles (car elles ont la même racine : une foi absolue en la Vérité).
Descartes est resté sereinement attaché à la religion de son pays, mais sa philosophie n’est pas religieuse, comme le sera la philosophie chrétienne de Malebranche.

Malebranche est un disciple de Descartes qui retient la connaissance possible grâce aux idées claires et distinctes. Mais ce qui sert de point départ, de fondement de la vérité n’est plus le cogito, le sujet pensant, mais la lumière divine. Les idées claires et distinctes sont en Dieu, c’est en Dieu que nous les voyons. C’est en Dieu que nous saisissons les Idées intelligibles, modèles des choses (c’est la vision en Dieu)

 La connaissance de la vérité et l’amour de la vertu ne peuvent donc être autre chose que l’union de l’esprit avec Dieu et qu’une espèce de possession de Dieu ; et l’aveuglement de l’esprit et le dérèglement du cœur ne peuvent aussi être autre chose que la séparation de l’esprit d’avec Dieu, et que l’union de cet esprit à quelque chose qui soit au-dessous de lui, c’est-à-dire au corps, puisqu’il n’y a que cette union qui le puisse rendre imparfait et malheureux. Ainsi c’est connaître Dieu que de connaître la vérité ou que de connaître les choses selon la vérité ; et c’est aimer Dieu que d’aimer la vertu ou d’aimer les choses selon qu’elles sont aimables ou selon les règles de la vertu.

L’esprit est comme situé entre Dieu et les corps, entre le bien et le mal, entre ce qui l’éclaire et ce qui l’aveugle, ce qui le règle et ce qui le dérègle, ce qui le peut rendre parfait et heureux et ce qui le peut rendre imparfait et malheureux. Lorsqu’il découvre quelque vérité ou qu’il voit les choses selon ce qu’elles sont en elles-mêmes, il les voit dans les idées1 de Dieu, c’est-à-dire par la vue claire et distincte de ce qui est en Dieu qui les représente ; car, comme j’ai déjà dit, l’esprit de l’homme ne renferme pas dans lui-même les perfections ou les idées de tous les êtres qu’il est capable de voir2 : il n’est point l’être universel. Ainsi il ne voit point dans lui-même les choses qui sont distinguées de lui. Ce n’est point en se consultant qu’il s’instruit et qu’il s’éclaire, car il n’est pas à lui-même sa perfection3 et sa lumière ; il a besoin de cette lumière immense de la vérité éternelle pour l’éclairer. Ainsi, lorsque l’esprit connaît la vérité, il est uni à Dieu, il connaît et possède Dieu en quelque manière.

Nicolas Malebranche (1638-1715), Recherche de la Vérité


1. Dans les idées : l’idée est, chez Malebranche, un modèle des choses sensibles, une réalité spirituelle indépendante de nous. C’est l’inspiration platonicienne et augustinienne qui domine dans la philosophie de Malebranche.
2. C’est en ce point du raisonnement de Malebranche que l’on voit bien la différence avec Descartes, pour qui les idées sont innées en notre âme.
3. Perfection : caractère de ce qui est achevé et complet

 

 

Laisser un commentaire