Sacrifice et lien social

C’est en tant que communautés de narration et d’émotion — c’est-à-dire dans le culte — que les cultures, ces groupes de criminels enchantés par leur méfait, sont le plus elles-mêmes. C’est là où les émotions et le récit se recoupent que se constitue le sacré. […] L’objet sacrifié est ainsi placé au cœur de l’espace spirituel d’une société. […] La fusion des groupes fondée sur les émotions et les récits, les peurs et les mensonges, se trouve aussi consolidée politiquement. (Peter Sloterdijk)

Le sacrifice signifie le « fait de rendre sacré ». L’acte le plus connu de sacrifice dans l’histoire de l’humanité est celui qui est censé offrir au Dieu par acte délibéré, la vie que ce même Dieu donne et reprend. Ainsi le sacrifice est il l’acte qui accomplit la volonté de Dieu et épargne ceux qui sont menacés et qu’il faut protéger. Le sacrifice permet de rendre aux choses divines ce que les hommes ne peuvent garder dans les affaires humaines : objet, être vivant animal ou humain, partie du corps. Le passage de l’humain au divin obéit à un rituel de destruction souvent sanglant (mise à mort, incinération, immersions sous l’eau…)

On connait de nombreuses représentations et interprétations dans l’antiquité grecque et romaine qui témoignent de l’importance du sacrifice dans la vie de la cité. Dans les religions monothéistes, on trouve également de nombreuses fêtes qui commémorent des sacrifices relatés dans les textes sacrés.

Si l’origine des sacrifices humains est inconnue, aucune religion ne s’y réfère aujourd’hui en tant que rite. Cependant certains comportements contemporains aboutissant à la mise à mort d’êtres humains (la peine de mort / la mise à mort d’ennemis) peuvent être analysés comme des sacrifices sociétaux. L’analyse sociologique du sacrifice montrera par exemple qu’il peut se comprendre comme un échange fondamental de toute société, échange non seulement entre les hommes et Dieu mais entre les hommes eux-mêmes selon des codes précis réglés par la tradition. On parlera alors de don et contre don dans des sociétés qui partagent des victimes ou des ennemis avec les puissances divines pour résoudre les affaires humaines.

Enfin pour René Girard, toute culture est le fruit du meurtre fondateur issu  d’un système d’envie et de jalousie. Chaque société se constitue par une accusation collective et une condamnation d’une victime sacrificielle ; c’est la fameuse thèse du bouc émissaire : la culture qui sacrifie une victime noue le lien étroit de la société. Le sacrifice consiste alors à régler tous les litiges d’une société et à fonder une paix, un ordre commun nouveau. En supprimant un des protagoniste du conflit, il semble que l’on établisse un ordre nouveau par une action surnaturelle qu’aucun acte de justice humain ne pouvait remplacer. Lorsqu’une personne est désignée, le meurtre est justifié par une déshumanisation préalable. A la mise à mort de cette personne et pour rassembler la communauté, mieux vaut s’en remettre aux catégories divines…

La manière dont a été traité [le corps] de Kadhafi, dont nous avons cette fois des images brutales, exhibé comme un trophée, rappelle deux choses : le sacrifice est généralement sanglant et il sert de lien social. La disparition d’un corps individuel permet au corps social de se réconcilier. C’est du moins l’idée, l’avenir nous dira s’il y parvient.(Jean-Baptiste Jeangène Vilmer)

Une réflexion sur « Sacrifice et lien social »

  1. Dans lien social il y a d’ abord LIEN contraire de LIberté proche de PRISon, de menottes et de cellule…rien moins. On parle de cellule familiale…demandez à Hervé Bazin ce qu’ il en pense. Il l’ a écrit dans Vipères au poing,largement autobiographique, avec sa mère sous les traits de Folcoche…ou à François Mauriac avec Le noeud de vipères…dans la bourgeoisie bordelaise. On parle aussi des « liens sacrés du mariage » qui par les temps qui courent sont devenus solubles…dans quoi? Et le sacrifice…quel est le sacrificateur et quel est le (ou la) sacrifié(e). Il faut un ouvrage en plusieurs volumes ou mieux une vie entière pour le comprendre et encore!!! Les jeunes allez y le bonheur et la folie c’ est la même chose….

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