Argent pas cher ?

Le sociologue Marcel Mauss ( 1872-1924) explique dans son Essai sur le don, la distinction entre nos sociétés et des communautés extra-européennes par leur différence d’échange. En effet nos sociétés sont fondées sur l’échange monétaire et sur l’accroissement de l’intérêt personnel de chacun ; Dans d’autre société, cet intérêt est remplacé par l’obligation pour tous de donner, de recevoir et de rendre des présents. Tout don exige un contre don en retour. C’est bien un échange mais fondé de manière différente que la circulation monétaire. Lors de cérémonie comme par exemple celle du potlatch (Mélanésie, tribus amérindiennes) les dons s’accompagne de la destruction festive de tous ces biens ; on entend ainsi montrer le caractère non naturel de ces échanges, et de notre vision de l’économie.

Un mouvement appelé Mauss anti-utilitariste en science sociale regroupe aujourd’hui des chercheurs sociologues, anthropologues, économistes et s’interroge sur ce que serait une société fondée sur « l’ardente obligation » de donner, recevoir et rendre. La difficulté avait été soulignée par Marcel Mauss, le système  don et contre don n’est pas entièrement gratuit. Il a bien une utilité sociale et symbolique et bouleverse en cela les rapports au pouvoir, les hiérarchies. D’autre part, les sociétés capitalistes fonctionnent aussi pour une bonne part avec ce principe de dons et contre dons : cadeaux lors de naissances, mariages et fêtes, système social de l’État sous forme d’allocations par exemple. Certes l’intérêt individuel semble aujourd’hui poussé à l’extrême, mais c’est  le constat selon lequel les échanges fondés sur les dons sont insuffisants qui montre que les échanges monétaires comportent aussi -comme une condition du vivre ensemble- un fond de dons et contre-dons à préserver.

Dans les économies et dans les droits qui ont précédés les nôtres , on ne constate pour ainsi dire jamais de simples échanges de biens, de richesses et de produits au cours d’un marché passé entre les individus. d’abord, ce ne sont pas des individus, ce sont des collectivités qui s’obligent mutuellement, échangent et contractent; les personnes présentes au contrat sont des personnes morales : clans, tribus, familles, qui s’affrontent et s’opposent soit en groupe se faisant face sur le terrain même, soit par l’intermédiaire de leurs chefs, soit de ces deux facons à la fois. de plus, ce qu’ils échangent, ce n’est pas exclusivement des biens et des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles économiquement. ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché n’est qu’un des moments et où la circulation des richesses n’est qu’un des termes d’un contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent. Enfin, ces prestations et contre-prestations s’engagent sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux, biens qu’elles soit au fond rigoureusement obligatoires, à peine de guerre privée ou publique. nous avons proposé d’appeler tout ceci le système des prestations totales. Marcel Mauss

Le don peut-il être considéré comme monnaie d’échange ?

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