L’argent transforme-t-il Paris ?

Au lendemain de l’Exposition, dans Paris grisé de plaisir et de puissance, l’heure était unique, une heure de foi au bonheur, la certitude d’une chance sans fin. Toutes les valeurs avaient monté, les moins solides trouvaient des crédules, une pléthore d’affaires véreuses gonflait le marché, le congestionnait jusqu’à l’apoplexie, tandis que dessous, sonnait le vide, le réel épuisement d’une règne qui avait beaucoup joui, dépensé des milliards en grands travaux, engraissé des maisons de crédit énormes, dont les caisses béantes s’éventrait de toutes parts. Au premier craquement, c’était la débâcle. Et madame Caroline, sans doute, avait ce pressentiment anxieux, lorsqu’elle sentait son cœur se serrer, à chaque nouveau bond des cours de l’Universelle. Aucune rumeur mauvaise ne courait, à peine un léger frémissement des baissiers, étonnés et domptés. Pourtant, elle avait bien conscience d’un malaise, quelque chose qui déjà minait l’édifice, mais quoi ? rien ne se précisait ; et elle était forcée d’attendre, devant l’éclat du triomphe grandissant, malgré ces légères secousses d’ébranlement qui annoncent les catastrophes. Zola, l’argent, chapitre IX

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