Territoire, frontière

Territorium : Terra, la Terre

Frontière et Territoire

Pourquoi réfléchir sur le territoire et en quoi ce concept géopolitique, ou du moins géographique intéresse-t-il le thème des frontières ?  La notion de territoire se rapporte à un certain domaine, une région, un topos (lieu) délimité et permanent. Il suppose donc un en-deçà pour celui qui se trouve sur le territoire, un intérieur, une frontière ou une limite qui fixe un horizon, un au-delà  qui s’étend dans un champs indéterminé. Champ de vision ou de perception, l’horizon fuit bien au-delà de la frontière et peut-être considéré alors comme illusion, perception faussée, défaillante, « vérité en deçà, erreur au-delà  » affirmait Pascal.  Tracer une frontière, délimiter un territoire, c’est aller au-delà d’une limite, sans bien  percevoir ce qui se passe au-delà, de l’autre coté.  Si quelqu’un se trouve au-delà, il ne perçoit pas non plus ce qui est au-delà du traçage que l’autre effectue, il est par là-même exclu. Il se heurte à la frontière, demande son admission, la détruit, ou passe son chemin. Mais il vient toujours après, c’est-à-dire qu’il rencontre un domaine déjà occupé. Ainsi comprises, « [les frontières] constituent le domaine propre du système en rapport avec ce qui devient environnement pour ce système. » (Luhmann : Systèmes sociaux)

Territoire et terra

Deleuze et Guattari soulignent l’expressivité de la territorialité. Nous percevons des territoires, non pas à la manière des animaux qui tracent des sortes d’interdits de manière agressive. Par le traçage de frontières, c’est un acte créatif qui constitue le territoire :

«Or les composantes vocales, sonores, sont très importantes : un mur du son, en tout cas un mur dont certaines briques sont sonores. Un enfant chantonne pour recueillir en soi les forces du travail scolaire à fournir. Les postes de radio ou de télé sont comme un mur sonore pour chaque foyer, et marquent des territoires. » (Deleuze / Guattari : Mille Plateaux)

Les territoires ne doivent pas être seulement représentés matériellement par un seul type de représentation. On peut concevoir des territoires intellectuels, des frontières littéraires, scientifiques ; ce n’est pas seulement le premier homme qui a dit « C’est à moi ! » qui a jalonné un territoire et tracé la notion agressive de frontière.

Le nom l’indique, le territoire a quelque rapport avec la terre ; il dépend aussi de notre rapport à la terre. Nous nous territorialisons dans notre environnement. Nous sommes en rapport avec notre environnement, y compris en nous déplaçant.

« Ce sont deux composantes, le territoire et la terre, avec deux zones d’indiscernabilité : la déterritorialisation (du territoire à la terre) et la reterritorialisation (de la terre au territoire). On ne peut pas dire lequel est premier. » (Deleuze / Guattari : Qu’est-ce que la philosophie ?)

Le territoire contient ainsi en lui-même la terre et le mouvement de traçage de frontière que nous produisons par une expression, un mouvement répété qui marque un territoire, le rend actuel, mouvement sans lequel il n’est que potentialité.

« But when we sit together, close’ we melt into each other with phrases. We are egded with mist. We make an unsubstantial territory. »
(Virginia Woolf : Waves)
« Mais lorsque nous sommes assis ensemble, tout proches, dit Bernard, nos paroles nous fondent l’un dans l’autre. Nous formons à deux une espèce de territoire imprenable. »
(Virginia Woolf : Les Vagues)

Deleuze : Déterritorialisation

« On est devenu soi-même imperceptible et clandestin dans un voyage immobile. Plus rien ne peut se passer, ni s’être passé. Plus personne ne peut rien pour moi ni contre moi. Mes territoires sont hors de prise, et pas parce qu’ils sont imaginaires, au contraire : parce que je suis en train de les tracer. Finies les grandes ou les petites guerres, toujours à la traîne de quelque chose. Je n’ai plus aucun secret, à force d’avoir perdu le visage, forme et matière. Je ne suis plus qu’une ligne. Je suis devenu capable d’aimer, non pas d’un amour universel abstrait, mais celui que je vais choisir, et qui va me choisir, en aveugle, mon double, qui n’a pas plus de moi que moi. On s’est sauvé par amour et pour l’amour, en abandonnant l’amour et le moi. On n’est plus qu’une ligne abstraite, comme une flèche qui traverse le vide. Déterritorialisation absolue. On est devenu comme tout le monde, mais à la manière dont personne ne peut devenir comme tout le monde. On a peint le monde sur soi, et pas soi sur le monde. »

« Mille plateaux indique beaucoup de directions dont voici les principales : d’abord une société nous semble se définir moins par ses contradictions que par ses lignes de fuite, [ses échappées, les autonomies qu’elle autorise]. Il y a une autre direction dans Mille plateaux, qui ne consiste plus seulement à considérer les lignes de fuites plutôt que les contradictions, mais les minorités plutôt que les classes [, les collectifs plutôt que les communautés et les grands individus]. Enfin, une troisième direction, qui consiste à chercher un statut des machines de guerre [par rapport à l’appareil d’Etat sédentaire] qui ne se définirait pas du tout par la guerre mais par une certaine manière d’occuper, de remplir l’espace-temps. [Mais à la grande différence que le nomade (celui qui use de la machine de guerre) n’est pas un sédentaire, bien entendu, mais surtout n’est pas un migrant. C’est que le nomade au fond reste attacher à sa terre, produit des mouvements aberrants, si vous préférez il gigote, il se débat, il résiste comme le touaregs dans son désert]. » (Deleuze, Pourparlers, p. 233).

Frontières, clotures

L’AFFIRMATION DE J.J. ROUSSEAU

Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne! » Mais il y a grande apparence qu’alors les choses en étaient déjà venues au point de ne plus pouvoir durer comme elles étaient : car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d’idées antérieures qui n’ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d’un coup dans l’esprit humain : il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l’industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d’âge en âge, avant que d’arriver à ce dernier terme de l’état de nature. […] La métallurgie et l’agriculture furent les deux arts dont l’invention produisit cette grande révolution. Pour le poète, c’est l’or et l’argent, mais pour le philosophe ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes, et perdu le genre humain.

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755)

ET LA RÉPONSE DE VOLTAIRE…

Ainsi, selon ce beau philosophe, un voleur, un destructeur aurait été le bienfaiteur du genre humain; et il aurait fallu punir un honnête homme qui aurait dit à ses enfants : « Imitons notre voisin, il a enclos son champ, les bêtes ne viendront plus le ravager ; son terrain deviendra plus fertile; travaillons le nôtre comme il a travaillé le sien, il nous aidera et nous l’aiderons. Chaque famille cultivant son enclos, nous serons mieux nourris, plus sains, plus paisibles, moins malheureux. Nous tâcherons d’établir une justice distributive qui consolera notre pauvre espèce, et nous vaudrons mieux que les renards et les fouines à qui cet extravagant veut nous faire ressembler. »
Ce discours ne serait-il pas plus sensé et plus honnête que celui du fou sauvage qui voulait détruire le verger du bonhomme ?
Quelle est donc l’espèce de philosophie qui fait dire des choses que le sens commun réprouve du fond de la Chine jusqu’au Canada ? N’est-ce pas celle d’un gueux qui voudrait que tous les riches fussent volés par les pauvres, afin de mieux établir l’union fraternelle entre les hommes ?

Questions sur l’Encyclopédie (1770)

Frontières, interfaces

Du plus simple …

Zone de contact entre deux milieux, deux systèmes, permettant des échanges entre eux (E.Noussis)

Au plus réfléchi …

Limite du territoire d’un Etat et de sa compétence territoriale. Par extension, limite séparant deux zones, deux régions, ou même deux entités plus ou moins abstraites (frontière linguistique, « la frontière entre le bien et le mal »). (…)

Il a été abondamment prouvé que la théorie des frontières naturelles est une construction politique et intellectuelle, élaborée à partir de considérations militaires locales et de la lecture de cartes qui surreprésentaient les rivières et des « chaînes » de montagnes parfois imaginaires. (…) Toutes les frontières, par définition, sont artificielles. « Frontière : ligne imaginaire entre deux nations, séparant les droits imaginaires de l’une des droits imaginaires de l’autre ». (A.Bierce, 1842 – 1914)

La frontière est donc une interface privilégiée entre des systèmes différents, où fonctionnent les effets de synapse (rupture, passage, relais), d’autant plus forts que le gradient entre les deux espaces séparés par la frontière est plus fort, comme la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique (…).

Brunet R., Ferras R., Théry H., Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Reclus
La Documentation Française, 1993.

Jamais les frontières n’ont été aussi nombreuses et leur jeu aussi complexe. Ici, on cherche à construire des ensembles économiques et politiques transnationaux qui les effacent. Là, par l’effet d’un nouvel ordre mondial, elles réapparaissent ou se renforcent. Partout, des barrières culturelles et sociales fragmentent les espaces nationaux. La frontière, comme limite de territoire (de quel territoire ?), est bien au coeur des problèmes monde d’aujourd’hui.

Pendant une quarantaine d’années cette question était, en quelque sorte, restée taboue. Revenir, le cauchemar de la seconde guerre mondiale passé, sur le statut de la frontière risquait de remuer dangereusement en Europe la question des annexions, des déplacements de population, de la partition de l’Allemagne. Nul n’y tenait. Mais l’actualité pressait les géographes de rouvrir ce dossier : ils se devaient par exemple d’observer si les frontières léguées par la colonisation avaient réellement créé des espaces nationaux intégrés, et viables après les indépendances, de créer une nouvelle géographie économique pour une Europe qui supprimait peu à peu ses barrières douanières, de réfléchir sur les effets de la mondialisation des échanges, d’analyser les conflits entre nouveaux Etats.

Si la frontière comme limite séparant deux Etats a une histoire simple à écrire, relativement brève d’ailleurs, l’effet-frontière prend des visages multiples qu’il faut décrire et analyser : elle fonctionne, selon le cas et selon la conjoncture, comme barrière ou passage, ligne de défense ou zone refuge, douane protectrice ou zone franche, périphérie ou zone privilégiée de coopération, espace-pionnier ou zone de migration permanente.

La frontière était autrefois, et demeure toujours, le reflet d’un rapport de forces, politiques, économiques, culturelles, sociale.

Renard J.P et Picouet P., « Frontières et Territoires », Documentation photographique, Avril 1993, La Documentation Française.

Un Lien utile sur les cartes :

Titre du livre : Cartographies – Les Carnets du Paysage n° 20
Auteur : Collectif Éditeur : Actes Sud Date de publication : 17/11/10 N° ISBN : 2742795332

« L’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté. »

ARGENT …

C’est peut-être l’argent qui exprime le mieux la distinction des deux sociétés, puisque la discipline s’est toujours rapportée à des monnaies moulées qui renfermaient de l’or comme nombre étalon, tandis que le contrôle renvoie à des échanges flottants, modulations qui font intervenir comme chiffre un pourcentage de différentes monnaies échantillons. La vieille taupe monétaire est l’animal des milieux d’enfermement, mais le serpent est celui des sociétés de contrôle. Nous sommes passés d’un animal à l’autre, de la taupe au serpent, dans le régime où nous vivons, mais aussi dans notre manière de vivre et nos rapports avec autrui.

(…)

..ET FRONTIERES

Il est vrai que le capitalisme a gardé pour constante l’extrême misère des trois quarts de l’humanité, trop pauvres pour la dette, trop nombreux pour l’enfermement : le contrôle n’aura pas seulement à affronter les dissipations de frontières, mais les explosions de bidonvilles ou de ghettos.

(…)

ll n’y a pas besoin de science-fiction pour concevoir un mécanisme de contrôle qui donne à chaque instant la position d’un élément en milieu ouvert, animal dans une réserve, homme dans une entreprise (collier électronique). Félix Guattari imaginait une ville où chacun pouvait quitter son appartement, sa rue, son quartier, grâce à sa carte électronique (dividuelle) qui faisait lever telle ou telle barrière ; mais aussi bien la carte pouvait être recrachée tel jour, ou entre telles heures ; ce qui compte n’est pas la barrière, mais l’ordinateur qui repère la position de chacun, licite ou illicite, et opère une modulation universelle.

Deleuze, à lire :  Post-scriptum sur les sociétés de contrôle

Désir de s’enrichir

Sujet 2 : Est-il raisonnable de désirer s’enrichir ?

Descartes, qui définit la raison comme « le bon sens », nous invite à « changer nos désirs plutôt que l’ordre du monde » dans sa morale provisoire. Je peux désirer la richesse et acheter un billet de loterie, mais seul le sort décidera qu’il soit gagnant ; je peux aussi me lancer dans les affaires et l’économie, dont on connait les aléas. ne dépendant pas même des meilleures volontés. En désirant m’enrichir, je tends vers quelque chose qui ne dépend pas de ma volonté ni de mon pouvoir, mais de l’ordre général du monde. On peut donc se demander s’il est conforme au bon sens de vouloir s’enrichir ou bien si ce n’est pas pure folie dans la mesure où j’ai de fortes chances de ne pas obtenir la richesse espérée et, même en étant favorisé par le sort, d’en être épuisé et malheureux. La raison, faculté qui me permet de juger, de distinguer le bien du mal, peut-elle m’empêcher de désirer ce qui ne dépend pas de moi, de limiter mes désirs à ce que je suis certain de posséder ? Une action est raisonnable lorsqu’elle est conforme à la morale universelle, ne serait-ce que caprice et folie que de désirer ce qui subjectivement me procure du plaisir ?  Car telle est la richesse, objet sans limite de nos désirs et de ceux d’autrui. Un désir raisonnable est contradictoire car justement le sage fait taire ses désirs pour privilégier sa raison. Mais il faut alors se demander quel est le rôle de la raison dans cette lutte contre le désir de s’enrichir. Le désir de s’enrichir est-il à ce point contraire à la raison qu’elle pourrait « crier » sans « pouvoir mettre le prix au choses » (Pascal) ?

La toison d’or

Après avoir lu la métamorphose de Midas, Danaé et la pluie d’or, voici une nouvelle histoire tirée de la mythologie grecque qui évoque la richesse : Jason et la toison d’or.

En Géorgie, chez les populations montagnardes du nord (les Svanes), on utilise depuis des temps très anciens une technique d’orpaillage en usant des peaux de moutons que l’on fait tremper dans le lit des rivières, dans le but de récolter l’or qui s’y trouve en abondance. Peut-être faut-il voir là une explication de la légende grecque où la toison est celle d’un bélier ailé que Jason va conquérir.

L’histoire dans la mythologie grecque :  Jason fils d’Eson roi d’Iolcos en Thessalie, à été élevé par un centaure. Son oncle Pélias, qui a usurpé le trône, avait été prévenu par un oracle qu’il périra par sa famille, une personne qui ne porterait qu’une seule sandale. Il fut donc inquiet en voyant arriver Jason, ne portant qu’une seule sandale, et réclamant le trône légitime. Jason venait de perdre une sandale en aidant une vieille femme à traverser une rivière, cette femme était en fait la déesse Era. Pélias lui assura qu’il lui rendrait le trône si Jason se rendait en Colchide pour en ramener la Toison d’or. Il était bien sûr persuadé que Jason ne reviendrait jamais. La Toison d’or est la laine d’un bélier fabuleux gardée par un dragon. Ce bélier volant avait servi de monture à Phrixos et Hellé pour s’enfuir vers Colchide. Jason partit en navire vers la Colchide avec ses 52 compagnons, les Argonautes. Parmi les Argonautes, il y avait de nombreux héros grecs dont Castor, Héraclès, Pollux. Durant leur expédition, les Argonautes rencontrèrent les Harpyes, qui détruisirent leurs vivres. Après de nombreux combats ils arrivèrent enfin en Colchide chez le roi Aiétès, possesseur de la Toison d’or. Médée était magicienne et fille du roi, Jason réussit à s’emparer de la Toison d’or grâce à elle, elle devint par la suite sa femme. Médée donna une herbe magique à Jason pour combattre le dragon qui gardait l’arbre auquel était suspendue la Toison d’or, le dragon fût endormi et Jason prit la toison d’or. Jason rentra à Iolcos, ou il apprit que ses parents étaient morts à cause de Pélias. Jason demanda à Médée de l’aider à tuer Pélias, pour se faire elle raconta aux filles de Pélias qu’elle pouvaient rendre la jeunesse à leur père. Médée leur montra comment faire en découpant un bélier qu’elle fit bouillir. Elle formula une incantation et les morceaux se transformèrent en un jeune agneau. Les jeunes filles découpèrent leur père en petits morceaux, le firent bouillir, mais elles ne retrouvèrent pas Médée pour réciter la formule magique.

Que nous apprennent ces trois mythes ,MIDAS (1) , DANAE (2), JASON, sur le pouvoir de l’argent (ici symbolisé par l’or) ?

Comment utiliser un mythe, une allégorie ?

Ces récits ont-ils une valeur symbolique aujourd’hui ?

Or ou argent dans la mythologie ?

Danaé et la pluie d’or

Anselm Kiefer, peintre et sculpteur allemand, installe sa Danae dans une des niches de l’escalier nord de la Cour carrée du Louvre ( sur le palier de l’escalier nord de l’aile Sully).

Danaé, dans la mythologie grecque est la fille d’Acrisios (roi d’Argos) et d’Eurydice, mère de Persée.

Acrisios, son père, l’emprisonne dans une tour d’airain quand un oracle lui prédit que son propre petit fils mettrait sa vie en péril. Zeus lui-même parvint à séduire Danaé en se présentant à elle sous la forme d’une pluie de pièces d’or. De cette union naquit son fils Persée. Acrisios, dans sa crainte et sa colère mit sa fille et son petit fils dans un coffre qu’il jeta à la mer. Ils voguèrent à la dérive jusqu’à Sérifos, là où le roi Polydecte force Danaé à l’épouser, et voulant se débarrasser de Persée l’oblige à aller combattre les Gorgones (créatures monstrueuses). Persée revient triomphant avec la tête de l’une d’entre elle (Méduse), change le roi en pierre et réussit à ramener sa mère à Argos. C’est dans les métamorphoses d’Ovide que l’on trouve se récit.

Danaé et la pluie d’or est aussi mentionnée dans les tragédies grecques d’Eschyle, d’Euripide et de Sophocle. Elle est le symbole de la terre souffrant de sécheresse et qu’ une pluie bienfaisante, fertilisante vient apaiser.

« Il (Acrisius) ne pensait pas non plus que Jupiter était le père de Persée,

conçu par Danaé, visitée par une pluie d’or.

Pourtant – tant s’impose la vérité -, Acrisius bientôt regrette

et d’avoir outragé le dieu et de n’avoir pas reconnu son petit-fils.

Déjà l’un des deux avait été installé dans le ciel ; l’autre,

portant la dépouille mémorable du monstre vipérin,

s’envolait dans la douceur de l’air, à l’aide de ses ailes bruissantes. » OVIDE

Cette allégorie de la pluie d’or à donné de nombreuses représentations artistiques :

Danaé et la pluie d’or, cratère en cloche de Béotie, v. 450-425 av. J.-C., musée du Louvre.

Le thème de la pluie d’or a été représenté par par Giambattista Tiepolo (vers 1736, musée de Stockholm) ; par Rembrandt (1636, Musée de l’Ermitage) ;  par Orazio Gentileschi (vers 1621, Museum of Art de Cleveland) par Titien (1545, musée de Naples), par Tintoret (1580, musée des Beaux-Arts de Lyon), par Mabuse (1527, Alte Pinacotek de Munich), par Orazio Gentileschi (vers 1621, Museum of Art de Cleveland),par Mabuse (1527, Alte Pinacotek de Munich).

Gustav Klimt a également représenté en 1907-1908 le thème de manière érotique, la pluie d’or se glissant entre les cuisses fléchies d’une jeune femme dénudée, son visage suggérant l’extase amoureuse. Le positionnement de l’héroïne dans une forme blanche ovoïde symbolise la fécondité (voir ci-dessous).

L’or de Midas

Midas, métamorphoseur métamorphosé (11, 85-193)

Bacchus, escorté de sa troupe de Satyres et de Bacchantes, passe de Thrace en Phrygie. Des paysans phrygiens capturent le Satyre Silène, qu’ils livrent en état d’ivresse à Midas, leur roi. Celui-ci, heureux de retrouver celui qui l’avait jadis initié aux orgies bacchiques, l’accueille généreusement, puis le reconduit auprès de Bacchus. (11, 85-99)

Pour le remercier, Bacchus propose à Midas de se choisir une récompense. Peu avisé, Midas choisit de pouvoir transformer en or tout ce qu’il touchera. Mais ce pouvoir, qui le ravit dans un premier temps, s’avère très vite catastrophique : même les aliments que Midas porte à sa bouche se transforment en or, l’empêchant ainsi de se nourrir. (11, 100-130)

Midas reconnaît et regrette son erreur, et Bacchus le débarrasse de son pouvoir funeste, en lui recommandant d’aller se baigner dans le Pactole, fleuve dont les flots et les champs voisins ont depuis lors la couleur de l’or. (11, 131-145)

Après cela, Midas vécut dans les bois, près du Tmolus. Un jour, le dieu Pan, avec son simple pipeau, eut l’audace de se mesurer au brillant Apollon dans un concours de chant. Désigné comme arbitre, le mont Tmolus donna la palme à Apollon ; seul Midas prit parti pour Pan. Le dieu de Délos châtia Midas pour sa stupidité, en lui donnant des oreilles d’âne. (11, 146-179)

Son coiffeur surprend l’affreux secret du roi, qui cherche pourtant à le dissimuler. Ne pouvant s’empêcher de révéler ce qu’il a découvert, mais craignant la colère de son maître, le serviteur s’isole, creuse un trou auquel il confie son secret à voix basse, avant de le recouvrir de terre. Mais l’année suivante, des roseaux ont poussé à cet endroit et quand le vent les agite, ils parlent des oreilles d’âne de Midas. (11, 180-193)

Nec satis hoc Baccho est ; ipsos quoque deserit agros

cumque choro meliore sui uineta Timoli

Pactolonque petit, quamuis non aureus illo

tempore nec caris erat inuidiosus harenis.

Hunc adsueta cohors, satyri bacchaeque, frequentant,

Cela ne suffit pas à Bacchus ; il abandonne même son pays

et, suivi d’un choeur meilleur, rejoint les vignes de son Tmolus

et le Pactole, qui pourtant en ce temps-là ne chariait pas d’or

et n’éveillait pas l’envie par des plages de sable précieux.

Son cortège habituel de satyres et de bacchantes l’entoure en foule.

11, 90

at Silenus abest ; titubantem annisque meroque

ruricolae cepere Phryges uinctumque coronis

ad regem duxere Midan, cui Thracius Orpheus

orgia tradiderat cum Cecropio Eumolpo.

Qui simul agnouit socium comitemque sacrorum,

Mais Silène n’est pas présent. Il titubait sous l’effet du vin et des ans

quand des paysans de Phrygie l’ont pris, paré de guirlandes,

et conduit ligoté à Midas, leur roi, qui avait été initié jadis

aux orgies bacchiques par Orphée de Thrace et Eumolpe le Cercopien.

Dès que Midas reconnut un ami, un compagnon des rites sacrés,

11, 95

hospitis aduentu festum genialiter egit

per bis quinque dies et iunctas ordine noctes ;

et iam stellarum sublime coegerat agmen

Lucifer undecimus, Lydos cum laetus in agros

rex uenit et iuueni Silenum reddit alumno.

il célébra joyeusement l’arrivée de son hôte,

par une fête qui dura dix jours et autant de nuits.

Déjà, pour la onzième fois, Lucifer avait rassemblé dans le ciel

l’armée des étoiles, quand le roi satisfait arriva en terre de Lydie

et ramena Silène au jeune dieu qui avait été son nourrisson.

11, 100

Huic deus optandi gratum, sed inutile, fecit

muneris arbitrium, gaudens altore recepto.

Ille male usurus donis ait : « Effice, quicquid

corpore contigero, fuluum uertatur in aurum. »

Annuit optatis nocituraque munera soluit

Le dieu, tout à la joie d’avoir retrouvé son père nourricier, offrit à Midas,

présent agréable mais risqué, le libre choix d’une récompense.

Midas, qui allait faire bien mauvais usage de ce présent, dit :

« Fais que tout ce que touchera mon corps se mue en or fauve. »

Liber exauça son souhait et accorda un présent qui nuirait à Midas,

11, 105 Liber et indoluit, quod non meliora petisset.

Laetus abit gaudetque malo Berecyntius heros

pollicitique fidem tangendo singula temptat ;
;

tout en déplorant qu’il n’ait pas formulé un souhait plus sage.

Le héros du Bérécynthe s’en va content, réjoui du malheur qui l’attend,

et, touchant à tout, il vérifie s’il peut avoir foi en cette promesse.