L’origine de l’argent

Adam Smith, dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations explique l’origine de l ‘argent à partir de l’échange et du troc.

La division du travail une fois généralement établie, chaque homme ne produit plus par son travail que de quoi satisfaire une très-petite partie de ses besoins. La plus grande partie ne peut être satisfaite que par l’échange du surplus de ce produit qui excède sa consommation, contre un pareil surplus du travail des autres. Ainsi chaque homme subsiste d’échanges ou devient une espèce de marchand, et la société elle-même est proprement une société commerçante.

Mais dans les commencements de l’établissement de la division du travail, cette faculté d’échanger dut éprouver de fréquents embarras dans ses opérations. Un homme, je suppose, a plus d’une certaine denrée qu’il ne lui en faut, tandis qu’un autre en manque. En conséquence le premier serait bien aise d’échanger une partie de ce superflu, et le dernier ne demanderait pas mieux que de l’acheter. Mais si par malheur celui-ci ne possède rien dont l’autre ait besoin, il ne pourra pas se faire d’échange entre eux. Le boucher a dans sa boutique plus de viande qu’il n’en peut consommer; le brasseur et le boulanger en achèteraient volontiers une partie, mais ils n’ont pas autre

chose à offrir en échange que les différentes denrées de leur négoce, et le boucher est déjà pourvu de tout le pain et de toute la bière dont il a besoin pour le moment. Dans ce cas-là, il ne peut y avoir lieu entre eux à un échange. Il ne peut être leur vendeur, et ils ne peuvent être ses chalands; et tous sont dans l’impossibilité de se rendre mutuellement service. Pour éviter les inconvénients de cette situation, tout homme prévoyant, dans chacune des périodes de la société qui suivirent le premier établisse­ment de la division du travail, dut naturellement tâcher de s’arranger pour avoir par devers lui, dans tous les temps, outre le produit particulier de sa, propre industrie, une certaine quantité de quelque marchandise qui fût, selon lui, de nature à convenir à tant de monde, que peu de gens fussent disposés à la refuser en échange du produit de leur industrie.

Il est vraisemblable qu’on songea, pour cette nécessité, à différentes denrées qui furent successivement employées. Dans les âges barbares, on dit que le bétail fut l’instrument ordinaire du commerce; et quoique ce dût être un des moins commodes, cependant, dans les anciens temps, nous trouvons souvent les choses évaluées par le nombre de bestiaux donnés en échange pour les obtenir. L’armure de Diomède, dit Homère, ne coûtait que neuf bœufs; mais celle de Glaucos en valait cent. On dit qu’en Abyssinie, le sel est l’instrument ordinaire du commerce et des échanges; dans quelques contrées de la côte de l’Inde, c’est une espèce de coquillage; à Terre-Neuve, c’est de la morue sèche; en Virginie, du tabac; dans quelques-unes de nos colonies des Indes occidentales, on emploie le sucre à cet usage, et dans quelques autres pays, des peaux ou du cuir préparé; enfin il y a encore aujourd’hui un village en Écosse, où il n’est pas rare, à ce qu’on m’a dit, de voir un ouvrier porter au cabaret ou chez le boulanger, des clous au lieu de monnaie.

Cependant des raisons irrésistibles semblent, dans tous les pays, avoir déterminé les hommes à adopter les métaux pour cet usage, par préférence à toute autre denrée. Les métaux non-seulement ont l’avantage de pouvoir se garder avec aussi peu de déchet que quelque autre denrée que ce soit, aucune n’étant moins périssable qu’eux, mais encore ils peuvent se diviser sans perte en autant de parties qu’on veut, et ces parties, à l’aide de la fusion, peuvent être de nouveau réunies en masse; qualité que ne possède aucune autre denrée aussi durable qu’eux, et qui, plus que toute autre qualité, en fait les instruments les plus propres au commerce et à la circulation. Un homme, par exemple, qui voulait acheter du sel et qui n’avait que du bétail à donner en échange, était obligé d’en acheter pour toute la valeur d’un bœuf ou d’un mouton à la fois. Il était rare qu’il pût en acheter moins, parce que ce qu’il avait à donner en échange pouvait très-rarement se diviser sans perte; et s’il avait eu envie d’en acheter davantage, il était, par les mêmes raisons, forcé d’en acheter une quantité double ou triple, c’est-à-dire, pour la valeur de deux ou trois bœufs ou bien de deux ou trois moutons. Si, au contraire, au lieu de bœufs ou de moutons, il avait eu des métaux à donner en échange, il lui aurait été facile de proportionner la quantité du métal à la quantité précise de denrée dont il avait besoin pour le moment.

Différentes nations ont adopté pour cet usage différents métaux. Le fer fut l’instrument ordinaire du commerce chez les Spartiates, le cuivre chez les premiers Romains, l’or et l’argent chez les peuples riches et commerçants. Il paraît que, dans l’origine, ces métaux furent employés à cet usage, en barres informes, sans marque ni empreinte. Aussi Pline nous rapporte, d’après l’autorité de Timée, ancien historien, que les Romains, jusqu’au temps de Servius Tullius, n’avaient pas de monnaie frappée, mais qu’ils faisaient usage de barres de cuivre sans empreinte, pour acheter tout ce dont ils avaient besoin. Ces barres faisaient donc alors fonction de monnaie.

L’usage des métaux dans cet état informe entraînait avec soi deux grands incon­vénients, d’abord l’embarras de les peser, et ensuite celui de les essayer. Dans les métaux précieux, où une petite différence dans la quantité fait une grande différence dans la valeur, le pesage exact exige des poids et des balances fabriqués avec grand soin. C’est, en particulier, une opération assez délicate que de peser de l’or. A la vérité, pour les métaux grossiers, où une petite erreur serait de peu d’importance, il n’est pas besoin d’une aussi grande attention. Cependant nous trouverions excessive­ment incommode qu’un pauvre homme fût obligé de peser un liard chaque fois qu’il a besoin d’acheter ou de vendre pour un liard de marchandise. Mais l’opération de l’essai est encore bien plus longue et bien plus difficile; et à moins de fondre une portion du métal au creuset avec des dissolvants convenables, on ne peut tirer de l’essai que des conclusions fort incertaines. Pourtant, avant l’institution des pièces monnayées, à moins d’en passer par cette longue et difficile opération, on se trouvait à tout moment exposé aux fraudes et aux plus grandes friponneries, et on pouvait recevoir en échange de ses marchandises, au lieu d’une livre pesant d’argent fin ou de cuivre pur, une composition falsifiée avec les matières les plus grossières et les plus viles, portant à l’extérieur l’apparence de ces métaux. C’est pour prévenir de tels abus, pour faciliter les échanges et encourager tous les genres de commerce et d’industrie, que les pays qui ont fait quelques progrès considérables vers l’opulence, ont trouvé nécessaire de marquer d’une empreinte publique certaines quantités des métaux particuliers dont ils avaient coutume de se servir pour l’achat des denrées. De là l’origine de la monnaie frappée et des établissements publics destinés à la fabrication des monnaies; institution qui est précisément de la même nature que les offices des auneurs et marqueurs publics des draps et des toiles. Tous ces offices ont également pour objet d’attester, par le moyen de l’empreinte publique, la qualité uniforme ainsi que la quantité de ces diverses marchandises quand elles sont mises au marché.

Il paraît que les premières empreintes publiques qui furent frappées sur les métaux courants, n’eurent, la plupart du temps, d’autre objet que de rectifier ce qui était à la fois le plus difficile à connaître et ce dont il était le plus important de s’assurer, savoir la bonté ou le degré de pureté du métal. Elles devaient ressembler à cette marque sterling qu’on imprime aujourd’hui sur la vaisselle et les lingots d’argent, ou à cette empreinte espagnole qui se trouve quelquefois sur les lingots d’or; ces empreintes, n’étant frappées que sur un côté de la pièce et n’en couvrant pas toute la surface, certifient bien le degré de fin, mais non le poids du métal.

[…]

C’est de cette manière que la monnaie est devenue chez tous les peuples civilisés l’instrument universel du commerce, et que les marchandises de toute espèce se vendent et s’achètent, ou bien s’échangent l’une contre l’autre, par son intervention.

[…]


Salin, La vérité sur la monnaie, chap. II ; Bramoullé et Augey, Économie monétaire, pp. 8-10, 27-29 ; Ottavj, Monnaie et financement de l’économie, chap. 1 ; A. Smith, La richesse des nations, livre I, chap. IV ; Mises, « Le calcul économique dans la communauté socialiste » extrait de Le Socialisme (Paris : Librairie de Médicis, 1938) ; M. Weber, Economie et société (Paris : Agora, 1995), chap. II, §§ 9-12.

L’argent transforme-t-il Paris ?

Au lendemain de l’Exposition, dans Paris grisé de plaisir et de puissance, l’heure était unique, une heure de foi au bonheur, la certitude d’une chance sans fin. Toutes les valeurs avaient monté, les moins solides trouvaient des crédules, une pléthore d’affaires véreuses gonflait le marché, le congestionnait jusqu’à l’apoplexie, tandis que dessous, sonnait le vide, le réel épuisement d’une règne qui avait beaucoup joui, dépensé des milliards en grands travaux, engraissé des maisons de crédit énormes, dont les caisses béantes s’éventrait de toutes parts. Au premier craquement, c’était la débâcle. Et madame Caroline, sans doute, avait ce pressentiment anxieux, lorsqu’elle sentait son cœur se serrer, à chaque nouveau bond des cours de l’Universelle. Aucune rumeur mauvaise ne courait, à peine un léger frémissement des baissiers, étonnés et domptés. Pourtant, elle avait bien conscience d’un malaise, quelque chose qui déjà minait l’édifice, mais quoi ? rien ne se précisait ; et elle était forcée d’attendre, devant l’éclat du triomphe grandissant, malgré ces légères secousses d’ébranlement qui annoncent les catastrophes. Zola, l’argent, chapitre IX

Argent pas cher ?

Le sociologue Marcel Mauss ( 1872-1924) explique dans son Essai sur le don, la distinction entre nos sociétés et des communautés extra-européennes par leur différence d’échange. En effet nos sociétés sont fondées sur l’échange monétaire et sur l’accroissement de l’intérêt personnel de chacun ; Dans d’autre société, cet intérêt est remplacé par l’obligation pour tous de donner, de recevoir et de rendre des présents. Tout don exige un contre don en retour. C’est bien un échange mais fondé de manière différente que la circulation monétaire. Lors de cérémonie comme par exemple celle du potlatch (Mélanésie, tribus amérindiennes) les dons s’accompagne de la destruction festive de tous ces biens ; on entend ainsi montrer le caractère non naturel de ces échanges, et de notre vision de l’économie.

Un mouvement appelé Mauss anti-utilitariste en science sociale regroupe aujourd’hui des chercheurs sociologues, anthropologues, économistes et s’interroge sur ce que serait une société fondée sur « l’ardente obligation » de donner, recevoir et rendre. La difficulté avait été soulignée par Marcel Mauss, le système  don et contre don n’est pas entièrement gratuit. Il a bien une utilité sociale et symbolique et bouleverse en cela les rapports au pouvoir, les hiérarchies. D’autre part, les sociétés capitalistes fonctionnent aussi pour une bonne part avec ce principe de dons et contre dons : cadeaux lors de naissances, mariages et fêtes, système social de l’État sous forme d’allocations par exemple. Certes l’intérêt individuel semble aujourd’hui poussé à l’extrême, mais c’est  le constat selon lequel les échanges fondés sur les dons sont insuffisants qui montre que les échanges monétaires comportent aussi -comme une condition du vivre ensemble- un fond de dons et contre-dons à préserver.

Dans les économies et dans les droits qui ont précédés les nôtres , on ne constate pour ainsi dire jamais de simples échanges de biens, de richesses et de produits au cours d’un marché passé entre les individus. d’abord, ce ne sont pas des individus, ce sont des collectivités qui s’obligent mutuellement, échangent et contractent; les personnes présentes au contrat sont des personnes morales : clans, tribus, familles, qui s’affrontent et s’opposent soit en groupe se faisant face sur le terrain même, soit par l’intermédiaire de leurs chefs, soit de ces deux facons à la fois. de plus, ce qu’ils échangent, ce n’est pas exclusivement des biens et des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles économiquement. ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché n’est qu’un des moments et où la circulation des richesses n’est qu’un des termes d’un contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent. Enfin, ces prestations et contre-prestations s’engagent sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux, biens qu’elles soit au fond rigoureusement obligatoires, à peine de guerre privée ou publique. nous avons proposé d’appeler tout ceci le système des prestations totales. Marcel Mauss

Le don peut-il être considéré comme monnaie d’échange ?

Des sujets

Murakami, Château de Versailles, oct.2010

Le candidat traitera un des sujets au choix

Sujet 1. L’art nous détourne-t-il de la vérité ?

Sujet 2. Tous nos échanges sont-ils monétaires ? ( ?IEP)

Sujet 3 : Expliquer le texte suivant :

Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’ hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.
Si cet effet n’a pas toujours lieu sur les objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun qui les comprend toutes. Vivre sans peine n’est pas un état d’homme ; vivre ainsi c’est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus supportable.

Jean-Jacques Rousseau

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication
rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Redessiner d’autres frontières ?

« Redessiner d’autres frontières » ? Ceci semble être dans l’air du temps…

Lorsque un chanteur des plus populaires formule un tel vœu? QU’EN PENSEZ-VOUS  ? Ses arguments sont-ils pertinents ? Y a t-il dans cet art mineur qu’est la chanson, matière à réflexion ?

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=hVtTr07sDwY[/youtube]

Deux liens video et audio

Il est possible de mêler deux problématiques sur les deux thèmes au programme du concours IEP 2011. Cette émission peut vous aider à problématiser le lien entre flux financiers et émigration. C’est une émission de ARTE VIDEO

LE DESSOUS DES CARTES – FLUX FINANCIERS…

LES FLUX FINANCIERS DES ÉMIGRÉS

Réalisateur : Alain Jomier
Auteur : Frank Tetart, Jean-Christophe Victor
Producteur : ARTE France Developpement

Chaque année, les migrants envoient vers leurs pays d’origine plus de 300 milliards de dollars sous forme de transferts d’argent. Que représente cette manne financière, comment est-elle utilisée ?

FRANCE CULTURE a diffusé des programmes en relation avec la question de l’argent, son statut, ses connotations possibles, sa valeur, son utilisation dans diverses sociétés

François d’Assise et l’argent

Peut-on se passer de l’argent et vivre heureux ? La crise financière a donné lieu à de nombreuses interrogations et donné à l’apôtre de la pauvreté, François d’Assise, une nouvelle actualité. Celui qui a tenté de proposer une autre façon de vivre la richesse et la pauvreté. A sa suite, l’ordre mineur qui est issu du mouvement spirituel qu’il a lancé, a tenté de résoudre le rapport à l’argent et à la propriété dans ce qui paraît une stimulante réflexion pour aujourd’hui. En compagnie de l’historien André Vauchez, Jean-Noël Jeanneney revient sur la figure du riche bourgeois d’Assise devenu le saint pauvre.

Programmation sonore

– L’Argent, chanson interprétée par Jacques Grello et enregistrée en 1953.

« Le loup de Gubio », lecture de  Robert Martin, extraite des Fioretti consacrés à François d’Assise, diffusée dans le cadre de la série Ecrivains mystiques du Moyen Age : Saint François, le 2 juin 1963, (INA).

« La bourgeoisie catholique et l’argent », interview de François Mauriac dans le cadre des « Entretiens » avec Jean Amrouche, diffusée le 30 juin 1952, (INA).

– « Saint-François », interview d’André Malraux sur la vie mystique par Guy Suarès, diffusée le 8 décembre 1974, (INA / Radio France)


Le diable rouge

La pièce retrace les derniers mois de la vie de Mazarin, principal ministre du jeune roi Louis XIV dont il achève la formation de souverain. Assisté de Bernouin, son fidèle premier valet, le cardinal souhaite achever son œuvre en signant la paix avec l’Espagne, contre laquelle la France est en guerre depuis trente ans, et qui a ruiné les finances du royaume. La reine-mère Anne d’Autriche tente de convaincre le roi de choisir le mariage de raison avec l’infante d’Espagne, ce qui mettrait fin à la guerre, contre un mariage de passion avec Marie Mancini, la nièce de Mazarin. Colbert use de son influence pour préparer son accession à la surintendance des finances à la mort du cardinal.

-Colbert : «Pour trouver de l’argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J’aimerais que Monsieur le Surintendant m’explique comment on s’y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu’au cou…»

-Mazarin : «Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu’on est couvert de dettes, on va en prison mais l’État… L’État, lui, c’est différent. On ne peut pas jeter l’État en prison. Alors, il continue, il creuse la dette! Tous les États font cela.»

-Colbert : «Ah oui? Vous croyez? Cependant, il nous faut de l’argent et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables?»

-Mazarin : «On en crée d’autres».

-Colbert : «Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà».

-Mazarin : «Oui, c’est impossible».

-Colbert : «Alors, les riches?»

-Mazarin : «Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres».

-Colbert : «Alors, comment fait-on?»

-Mazarin : «Colbert, tu raisonnes comme un fromage (comme un pot de chambre sous le derrière d’un malade)! il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni riches… Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres! C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus! Ceux là! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C’est un réservoir inépuisable.»

Fric, krach et gueule de bois

Soirée spéciale, mardi 11 janvier à 20h35

L’économie n’appartient pas aux seuls spécialistes : elle touche chacun d’entre nous quelle que soit notre place dans la société. Et pourtant, elle nous paraît souvent difficile à comprendre.

Mais comment en est-on arrivé là ? Pourquoi, en quelques mois, le capitalisme a-t-il failli ?

Comment quelques banquiers ont-ils mis le monde sens dessus dessous ?
Pourrons-nous échapper à la prochaine crise ?

Sommes-nous dans une impasse ?

A 20h35 : Fric, krach, et gueule de bois : le roman de la crise

Cette émission spéciale nous plonge au coeur des enjeux des crises passées et sur le chemin des solutions pour l’avenir. Il était une fois la crise … avec ses héros et ses traîtres, ses menteurs et ses clowns…

A 22h10 : La crise et après ? Ce débat en direct animé par David Pujadas, reviendra sur les questions suscitées par l’émission diffusée en première partie de soirée.

en présence de Pierre Arditi, Daniel Cohen et Erik Orsenna
ainsi que Alain Madelin, Xavier Mathieu (CGT) et Juliane Charton (trésorière de l’UNL).

Frontières et ponts

« Se poser la question des frontières, c’est rencontrer ce qui sépare autant que ce qui unit ». (Raymond Weber)

Cliquez sur l’affiche de l’exposition

Cette exposition peut nous faire réfléchir sur la portée symbolique des frontières  car les ponts animent la traversée d’une rive à l’autre, d’un pays à l’autre. Les ponts sont en quelque sorte les témoins qu’une séparation, une limite, une borne -fut-elle naturelle (le fleuve)- peut devenir un lien. Le pont constitue à travers une ligne de partage, la volonté de rapprochement, de compréhension invitant au dialogue, à la communication.

follmi

LE PONT U-BEIN,
pont en teck de 1,5 km de long
à Anarapura près de Mandalay, Myanmar

La main tendue d’un paysan tibétain à une porteuse du village pour traverser le torrent glacé, les mains groupées au-dessus des braises sur les rives du Fleuve Gelé du Zanskar, Motup qui guide sa petite soeur Diskit sur les glaces pour rejoindre l’école, Cécilia qui rejoint Julio entre terre et ciel pour un tango en Bolivie, Abilé qui conte une histoire à son arrière petit fils au Zanskar, tout est pont reliant les hommes : l’amour, l’entraide, la connaissance, le partage, la solidarité.
La vie est pont, de la rive de la naissance jusqu’à la rive de la mort, et cette vie est aussi frêle mais aussi précieuse que la passerelle qui permet de rejoindre le monastère de Phuktal où les moines étudient et transmettent les enseignements du Bouddha.

OLIVIER FÖLLMI

Vidéo de l’exposition :

http://culturebox.france3.fr/ponts

L’argent source de vice ?

Illustration de J.J. GrandvilleL’avare qui a perdu son trésor, Grandville

L’AVARE QUI A PERDU SON TRÉSOR

L’usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d’entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n’ait pas un autre homme.
Diogène là-bas (1) est aussi riche qu’eux,
Et l’avare ici-haut (2) comme lui vit en gueux.
L’homme au trésor caché qu’Esope nous propose,
Servira d’exemple à la chose.
Ce malheureux attendait,
Pour jouir de son bien, une seconde vie ;
Ne possédait pas l’or, mais l’or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie,
Son cœur avec, n’ayant autre déduit (3)
Que d’y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance (4) à lui-même sacrée.
Qu’il allât ou qu’il vînt, qu’il bût ou qu’il mangeât,
On l’eût pris de bien court (5), à moins qu’il ne songeât
A l’endroit où gisait cette somme enterrée.
Il y fit tant de tours qu’un Fossoyeur (6) le vit,
Se douta du dépôt, l’enleva sans rien dire.
Notre avare, un beau jour ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire.
Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris.
C’est mon trésor que l’on m’a pris.
Votre trésor ? où pris ? Tout joignant (7) cette pierre.
Eh sommes-nous en temps de guerre
Pour l’apporter si loin ? N’eussiez-vous pas mieux fait
De le laisser chez vous en votre cabinet,
Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.
A toute heure, bons Dieux ! ne tient-il qu’à cela ?
L’argent vient-il comme il s’en va ?
Je n’y touchais jamais.  Dites-moi donc, de grâce,
Reprit l’autre, pourquoi vous vous affligez tant,
Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent :
Mettez une pierre à la place,
Elle vous vaudra tout autant (8).

Molière a présenté sa pièce « l’Avare » peu de
temps après la publication de la fable de La Fontaine.

La fable d’Esope « L’Avare » (recueil Nevelet), source de celle de la Fontaine, se terminait par :
« La fable montre que sans l’usage, la possession n’est rien », morale reprise dans le premier vers de La Fontaine. La Fontaine qui ne s’est jamais soucié d’accumuler pendant sa vie et a toujours eu des difficultés avec l’argent affiche son ironie envers les avares.

(1) ce philosophe grec se moquait de l’argent et vivait dans un tonneau ; là-bas veut dire chez les morts.
(2) ici-haut : sur terre
(3) distraction, divertissement
(4) bien, richesse
(5) il y songeait sans cesse
(6) un terrassier
(7) près de
(8) elle aura pour vous autant de valeur