Rentrée en musique

Yeruham Scharovski  - Henri Demarquette

Musique et philosophie 1.

Nous irons assister à un concert symphonique vendredi 4 novembre pour découvrir l’orchestre Lyrique de Région Avignon Provence grandeur nature !

Violoncelle : Henri Demarquette
Direction : Yeruham Scharovsky

Oeuvre(s)

Gabriel Fauré Elégie en ut mineur pour violoncelle et orchestre, opus 24

Ce programme réunit trois des cinq continents de notre planète, si finie (manquent l’Océanie et l’Afrique), dont les musiques se structurent autour du temps musical (et son organisation en rythmes divers), des échelles sonores, et d’unités « mélodiques ». Et, ici, la mélodie l’emporte. Mais la mélodie est une auberge espagnole. Tour à tour, elle est une ligne qui entre dans notre mémoire et y demeure, doucement obsédante (les deux œuvres, pour violoncelle soliste de ce concert : Élégie de Fauré et Concerto de Barber). Elle est aussi la porte d’entrée dans Nature profonde et sacrée (Takemitsu). Enfin, elle est le matériau de base, simple prétexte, à partir duquel on construit une œuvre musicale tout simplement géniale, et drôle (la « Roulement de timbale » de Haydn).

Henri Demarquette, violoncelliste

« Musicien passionné et personnalité aux facettes multiples, Henri Demarquette joue du violoncelle comme on embrase une forêt profonde; pas un de ses coups d’archet ne laisse indifférent car il réveille l’inconscient de la musique » O.Bellamy (Le Monde de la Musique).Henri Demarquette, né en 1970, entre à 13 ans au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il étudie avec Philippe Muller et Maurice Gendron. Titulaire d’un Premier Prix à l’unanimité, il travaille également avec Pierre Fournier et Paul Tortelier, puis, avec Janos Starker à Bloomington aux Etats-Unis.Familier de la scène dès l’âge de 14 ans, il débute à 17 ans par un récital au Théâtre du Châtelet et une émission télévisée enregistrée par France 3 avec la pianiste Hélène Grimaud. Il est aussitôt remarqué  par Lord Yehudi Menuhin qui l’invite à jouer sous sa direction le Concerto de Dvorak à Prague et à Paris.Depuis, sa carrière prend un essor international qui le conduit dans de nombreuses capitales accompagné des plus grands orchestres français ou étrangers comme récemment l’Orchestre National de France, le London Philharmonic, l’Ensemble Orchestral de Paris, le Tokyo Symphony, l’Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, le Sinfonia Varsovia, la Neue Philharmonie Westphalen, et en compagnie de ses partenaires pianistes privilégiés: Brigitte Engerer, Michel Dalberto, Boris Berezovsky,Jean-Philippe Collard.Henri Demarquette à enregistré pour le Label Warner Classics « Invitation au voyage », florilège de pièces de musique française en compagnie de Brigitte Engerer : « Choc du monde de la musique ».  Puis « Les 3 sonates » de J.Brahms avec Michel Dalberto, également « Choc du monde de la musique », « RTL d’OR », et ffff de Télérama.  Dernièrement sont sorti deux disques : l’un consacré à Camille Saint-Saëns avec le concerto n°1, la sonate n°1 et le Carnaval des animaux (Mirare) « Choc de Classica » et l’autre à la musique d’Olivier Greif avec le concerto Durch Adams Fall et la sonate de Requiem (Universal-Accord), « Choc de l’Année de Classica ».En 2010 et 2011 il se produit entre autres avec l’orchestre National de France et le Sinfonia Varsovia, l’Orchestre Symphonique de Saint Petersbourg, l’Orchestre Philharmonique de l’Oural, le NDR de Hannovre, l’ Ensemble Orchestral de Paris, l’Orchestre National de Lille, l’Orchestre Colonne, l’Orchestre Français des Jeunes, et donnera en particulier un récital au Théâtre des Champs Elysées avec Brigitte Engerer.Esprit curieux, Henri Demarquette aborde régulièrement la musique contemporaine, et se plaît à défendre des oeuvres rares. Il travaille en étroite collaboration avec les grands compositeurs actuels et suscite la composition d’oeuvres de Olivier Greif (concerto «Durch Adams Fall»), Pascal Zavaro (concerto), Eric Tanguy (Nocturne), Florentine Mulsant (sonate), Alexandre Gasparov (Nocturne), Gustavo Beytelmann (Together, A Tango Dream). Son interprétation du concerto « Tout un monde lointain » de Henri Dutilleux avec l’Akademisches Orkester de Mannheim dirigé par Frédéric Chaslin à donné lieu à un film réalisé par France Europe Média, soutenu par le fonds d’action SACEM et diffusé sur la chaîne Mezzo. Cette ouverture d’esprit se reflète dans une discographie éclectique, couronnée de nombreuses distinctions en France et à l’étranger.Henri Demarquette a reçu de l’académie des Beaux Arts le Prix de la Fondation Simone et Cino del Duca.Il joue un violoncelle du luthier italien Goffredo Cappa de 1697 et un archet de Persois de 1820.

Yeruham Scharovski, chef d’orchestre

Yeruham Scharovsky est le directeur artistique et le chef d’orchestre de l’Orchestre Symphonique de Rio de Janeiro depuis octobre 1998.Né à Buenos Aires en Argentine, il commence très tôt son apprentissage musical : flûte, contrebasse, composition et direction avec les professeurs du Conservatoire National de Musique de Buenos Aires et du Teatro Colon Opera House. En Israël, il obtient son prix à l’Académie Rubin de Musique de Jérusalem, en étudiant auprès de Mendi Rodan.
Depuis lors, il a dirigé en Israël, Finlande, Suède, Allemagne, Danemark, Russie, Lituanie, Italie, France, Argentine, République Dominicaine, Chili et Brésil, salué unanimement par le public et la critique. Il a dirigé, notamment, l’Orchestre Philharmonique d’Israël, l’Orchestre Symphonique de Jérusalem, l’Israël New Opera Orchestra, l’Orchestre Philharmonique de Moscou, le National Opera Orchestra Finlandais, le National Opera Orchestra Suédois, l’Orchestre de chambre de Cannes, l’Orchestre Philharmonique de Riga, l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg, le Marcheggiana Philharmonic Orchestra, le Philharmonique du Teatro Colon et Opéra de Buenos Aires, l’Orchestre Symphonique du Théâtre Municipal de Sao Paulo, l’Orchestre Symphonique de Santiago du Chili, et l’Orchestre Symphonique Brésilien de Rio de Janeiro.
En 1990, Yeruham Scharovsky a été choisi par le chef Zubin Mehta pour recevoir le prix israélien du jeune artiste de l’année « Young Artist of the Year Award » (Françoise Schapira). De ce fait, il a eu le privilège de diriger l’Orchestre Philharmonique d’Israël pour un concert de gala, et comme pour un grand orchestre d’Israël, il a pu diriger une tournée de concert et un enregistrement de disque.
Au cours de la même année, il a dirigé pour la première fois l’Orchestre Symphonique de Jérusalem. Depuis lors, il a dirigé cet orchestre fréquemment pour des concerts et des sessions d’enregistrements, ainsi qu’une tournée réussie en Amérique du Sud en juin 1998 dans les villes les plus importantes du Brésil et d’Uruguay.
En novembre 1991, le chef d’orchestre Scharovsky a été invité pour une tournée en Russie, pour diriger l’Orchestre Philharmonique de Moscou, le Philharmonique de Riga et le Philharmonique de Yaroslavel ; il a été le premier chef d’orchestre israélien invité pour cela.
Scharvosky a également été choisi pour diriger le concert d’ouverture du nouveau Golda Meir Arts Center à Tel Aviv, dans l’une de ses premières productions de Nabucco de Verdi, avec la participation des solistes Ghena Dimitrova, Leo Nucci, Feruccio Furlanetto et Pahta Berdchalaze.
Entre 1991 et 1995 il était le Directeur Artistique et le Chef Permanent du Ra’anana Symphonette Orchestre en Israël. Sous sa baguette, l’orchestre est devenu l’un des orchestres les plus populaires d’Israël, générant des centaines d’abonnements pour les concerts, produisant de nombreux enregistrements radio et télévision, et entreprenant trois tournées en France et en Allemagne.
En avril 2000, il partage une série de concerts avec Lorin Maazel au Philharmonic Hall de Munich en Allemagne, pour la direction de l’Orchestre Symphonique de Jérusalem avec l’Orchestre de la Radio Bavaroise pour des concerts dédiés à la Ville de Jérusalem. Il est nommé membre du jury du « Concours International Maazel de Chefs d’Orchestre » par Lorin Maazel.
En septembre 2001 il fait une tournée aux Etats-Unis avec l’Orchestre Symphonique du Brésil, tournée au cours de laquelle cinquante mille spectateurs assistent à un concert à Central Park (New York). Ce concert ainsi que celui donné au Lincoln Center ont soulevé un immense enthousiasme.

Depuis 2004, il est le principal chef invité de l’Orchestre Symphonique de Rome.
Parallèlement à sa carrière internationale de direction, Maitre Scharovsky est le directeur de la Kfar-Saba Music Fondation, qui a servi à 3000 étudiants en musique. En extension de ses activités d’éducation, Maître Scharovsky a entrepris la réalisation d’une série de 30 programmes de musique diffusés à la télévision qu’il a également dirigée.
Scharvosky et l’Orchestre Symphonique Brésilien de Rio de Janeiro ont récemment enregistré un CD avec les Ouvertures et Préludes du compositeur brésilien Carlos Gomes, ainsi qu’un disque live avec notamment Scherehazade de Rimsky-Korsakov et le concerto n°4 pour piano de Beethoven avec Nelson Freire en soliste.

Ce dispositif est inscrit dans la politique éducative et culturelle de l’Académie Aix-Marseille.

A suivre…

Sacrifice et lien social

C’est en tant que communautés de narration et d’émotion — c’est-à-dire dans le culte — que les cultures, ces groupes de criminels enchantés par leur méfait, sont le plus elles-mêmes. C’est là où les émotions et le récit se recoupent que se constitue le sacré. […] L’objet sacrifié est ainsi placé au cœur de l’espace spirituel d’une société. […] La fusion des groupes fondée sur les émotions et les récits, les peurs et les mensonges, se trouve aussi consolidée politiquement. (Peter Sloterdijk)

Le sacrifice signifie le « fait de rendre sacré ». L’acte le plus connu de sacrifice dans l’histoire de l’humanité est celui qui est censé offrir au Dieu par acte délibéré, la vie que ce même Dieu donne et reprend. Ainsi le sacrifice est il l’acte qui accomplit la volonté de Dieu et épargne ceux qui sont menacés et qu’il faut protéger. Le sacrifice permet de rendre aux choses divines ce que les hommes ne peuvent garder dans les affaires humaines : objet, être vivant animal ou humain, partie du corps. Le passage de l’humain au divin obéit à un rituel de destruction souvent sanglant (mise à mort, incinération, immersions sous l’eau…)

On connait de nombreuses représentations et interprétations dans l’antiquité grecque et romaine qui témoignent de l’importance du sacrifice dans la vie de la cité. Dans les religions monothéistes, on trouve également de nombreuses fêtes qui commémorent des sacrifices relatés dans les textes sacrés.

Si l’origine des sacrifices humains est inconnue, aucune religion ne s’y réfère aujourd’hui en tant que rite. Cependant certains comportements contemporains aboutissant à la mise à mort d’êtres humains (la peine de mort / la mise à mort d’ennemis) peuvent être analysés comme des sacrifices sociétaux. L’analyse sociologique du sacrifice montrera par exemple qu’il peut se comprendre comme un échange fondamental de toute société, échange non seulement entre les hommes et Dieu mais entre les hommes eux-mêmes selon des codes précis réglés par la tradition. On parlera alors de don et contre don dans des sociétés qui partagent des victimes ou des ennemis avec les puissances divines pour résoudre les affaires humaines.

Enfin pour René Girard, toute culture est le fruit du meurtre fondateur issu  d’un système d’envie et de jalousie. Chaque société se constitue par une accusation collective et une condamnation d’une victime sacrificielle ; c’est la fameuse thèse du bouc émissaire : la culture qui sacrifie une victime noue le lien étroit de la société. Le sacrifice consiste alors à régler tous les litiges d’une société et à fonder une paix, un ordre commun nouveau. En supprimant un des protagoniste du conflit, il semble que l’on établisse un ordre nouveau par une action surnaturelle qu’aucun acte de justice humain ne pouvait remplacer. Lorsqu’une personne est désignée, le meurtre est justifié par une déshumanisation préalable. A la mise à mort de cette personne et pour rassembler la communauté, mieux vaut s’en remettre aux catégories divines…

La manière dont a été traité [le corps] de Kadhafi, dont nous avons cette fois des images brutales, exhibé comme un trophée, rappelle deux choses : le sacrifice est généralement sanglant et il sert de lien social. La disparition d’un corps individuel permet au corps social de se réconcilier. C’est du moins l’idée, l’avenir nous dira s’il y parvient.(Jean-Baptiste Jeangène Vilmer)

Propos d’ARTISTE

PROPOS DE L’ARTISTE RICHARD LONG

J’aime l’art simple, pratique, émotionnel,
tranquille, vigoureux.
J’aime la simplicité de la marche à pied,
la simplicité des pierres.
J’aime les matériaux ordinaires, ce qu’il y a sous la main,
mais particulièrement les pierres. J’aime l’idée que les pierres
sont l’étoffe du monde.
Même avec des moyens modestes, on peut obtenir une forme
d’art créative.
J’aime la sensibilité sans technique.
J’aime la façon dont le degré de visibilité
et d’accessibilité de mon art est contrôlé
par les circonstances, et aussi le fait qu’il
peut être public ou privé, possédé ou non.
J’aime utiliser la symétrie des unités entre temps,
lieux et temps, entre distance et temps,
entre pierres et distance, entre temps et pierres.
Je choisis des lignes et des cercles car ils
font le travail.
[…]
Mon travail se base sur mes sens, mon instinct, ma propre
échelle et mon propre engagement physique.
[…]
Mon talent en tant qu’artiste est de marcher à travers
la lande, ou de placer une pierre au sol.
Mes pierres sont comme des grains de sable répartis dans
l’espace du paysage.
Une véritable compréhension du paysage exige
plus qu’une construction d’objets.
[…]
Les montagnes et les galeries sont à la fois
extrêmes, neutres, épurées;
ce sont de bons endroits pour travailler.
Un bon travail est la bonne chose
au bon endroit au bon moment. Un lieu de passage.
Richard Long […]
Five, six, pick up sticks
Seven, eight, lay them straight [1980]
Athony d’Offay Gallery. Londres.

Peut-on lutter contre la bêtise ?

Préparation à la dissertation :

Peut-on lutter contre la bêtise ?

 

On peut s’aider d’expressions communes.
Ex : Faire des bêtises, bête comme ses pieds, qui veut faire l’ange fait la bête (Pascal),

On peut s’aider des mots voisins, des mots de la même famille, des mots proches ou des synonymes.
Ex : Faire des conneries (vulgaire), des sottises, faire des erreurs (erreurs d’inattention), des fautes (raconter des mensonges), chercher les nuances, les glissements de sens, les contextes pour cerner une définition exacte du mot « bêtise ».

 

On remarque que le singulier est l’article défini la (?une/des/les)
lutter contre LA bêtise signifie lutter contre LA bêtise en général, une spécificité, une caractéristique de quelque chose (d’un acte ?) que l’on peut réprimer. On suppose qu’il existe un ensemble d’actes ou de faits que l’on puisse ranger dans cette catégorie, ou nommer Bêtise. On suppose que la bêtise existe et qu’elle est répréhensible, quelque chose de négatif, quelque chose contre lequel on doit lutter, voire détruire, supprimer.

 

On se demande dans quel domaine on fait des bêtises. Est ce relativement à la connaissance ou à la pratique, à la morale ? Qui fait des bêtises ? Qui lutte contre ? Y a-t-il un critère pour juger nos bêtises ? Y a-t-il un juge extérieur à nous même capable de décider de l’ampleur de la lutte ?  Faut-il faire appel à un arbitre, à un justicier ? Toute bêtise est-elle condamnable ?

Si il faut lutter contre la bêtise, quels sont les moyens et les capacités pour lutter contre ? Est-ce l’intelligence ? La réprimande morale ? La bonne conscience ? Les bons sentiments ?

Pourquoi lutter contre la bêtise, quel est l’intérêt, la finalité du combat ? Y-aura-t-il un vainqueur ? On sous entend que la bêtise doit être vaincue. On suppose que l’on possède une arme pour lutter contre la bêtise.

La bêtise est-elle l’ignorance ? Admet-elle des degrés ? A quoi se mesure-t-elle ? Est-ce au pied comme le suggère l’expression qui sous entend que d’autres parties du corps sont exempte de la lutte ?

Aristote affirmait que l’homme a des mains parce que l’homme est intelligent, il confond la fonction et l’organe ;  peut on le transposer en disant que l’homme a des pieds parce qu’il est bête ? La bêtise serait alors le propre du seul animal Bipède. Or faut-il rapprocher la bêtise de la bête ? Faire des bêtises est-ce se comporter comme des bêtes ? Comparer la dignité de l’homme, son intelligence à l’animal.

D’un autre côté la bêtise n’est pas condamnable parce qu’elle peut nous faire avancer. On peut faire une bêtise et se corriger. En ce sens elle est assimilée à l’erreur. Mais si on ne se corrige pas, nous pouvons devenir bête, il faut donc que la bêtise soit reconnue comme une bêtise. Le paradoxe est donc que celui qui est bête est celui qui ne reconnaît pas ses bêtises, il ne sait pas qu’il est bête. En ce sens il est tout autant difficile de lutter contre la bêtise que contre une illusion. Il est rare que l’on s’avoue à soi-même que l’on a fait des bêtises, il est plus facile de reconnaître, de dénoncer et de lutter contre celles des autres. L’adulte qui réprimande l’enfant fait lui même comme si il savait ce qui est bête ou non. Il dénonce les bêtises infantiles sous couvert du principe d’autorité. Lutter contre la bêtise suppose alors un rapport de force, un pouvoir mais ce pouvoir n’est pas fondé, n’est pas moral s’il repose sur la simple appréciation subjective de ce qui est bête ou non. Il y a donc un problème pour juger la bêtise avant même de la combattre. Il semble que nul ne soit à même de la reconnaître, de la désigner. Lutter contre la bêtise suppose de l’objectivité et suppose aussi qu’elle se laisse définir.

 

« L’homme n’est ni ange ni bête et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. » Pascal

« Anaxagore prétend que c’est parce qu’il a des mains que l’homme est le plus intelligent des animaux. Ce qui est rationnel plutôt, c’est de dire qu’il a des mains parce qu’il est intelligent. En effet, l’être le plus intelligent est celui qui est capable d’utiliser le plus grand nombre d’outils : or la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main. Aussi ceux qui disent que l’homme n’est pas naturellement bien constitué, qu’il est le plus désavantagé des animaux, parce qu’il est sans chaussures, qu’il est nu et n’a pas d’armes pour combattre, sont dans l’erreur. Car les autres animaux n’ont chacun qu’un seul moyen de défense, et il ne leur est pas possible d’en changer. Ils sont forcés, pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir comme pour faire tout le reste, il leur est interdit de déposer l’armure qu’ils ont autour du corps et de changer l’arme qu’ils ont reçue en partage. L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours permis d’en changer, et même d’avoir l’arme qu’il veut quand il le veut. Car la main devient griffe, serre, corne, elle devient lance ou épée, ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu’elle est capable de tout saisir et de tout tenir. La forme même que la nature a imaginée pour la main est adaptée à cette fonction. Elle est, en effet, divisée en plusieurs parties. Et le fait que ces parties peuvent s’écarter implique aussi pour elles la faculté de se réunir, tandis que la réciproque n’est pas vraie. Il est possible de s’en servir comme d’un organe unique, double ou multiple. »

Aristote, Des parties des animaux

 

« Quiconque veut parler de la bêtise ou tirer quelque profit de tels propos doit partir de l’hypothèse qu’il n’est pas bête lui-même ; c’est-à-dire proclamer qu’il se juge intelligent, bien que cela même passe généralement pour une marque de bêtise  » (Robert Musil, « De la bêtise », in Essais, trad. par Ph. Jaccottet, Paris, Seuil, 1984, p. 299)

 

Clément ROSSET, dans un essai philosophique célèbre Le réel, traité de l’idiotie , tente de nous donner des éclaircissements sur le phénomène de  » l’idiotie  » en liaison avec  » la sottise  »

Il définit ainsi :

[…]  » Idiotès, idiot, signifie simple, particulier, unique ; puis par une extension sémantique dont la signification philosophique est de grande portée, personne dénuée d’intelligence, être dépourvu de raison.

Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu’elles n’existent qu’en elles-mêmes, c’est à dire sont incapables d’apparaître autrement que là où elles sont et telles qu’elles sont : incapables donc, et en premier lieu, de se refléter, d’apparaître dans le double du miroir.

Or, c’est le sort finalement de toute réalité que de ne pouvoir se dupliquer sans devenir autre : l’image offerte par le miroir n’est pas superposable à la réalité qu’elle suggère. […]

[…]  » Le monde, tous les corps qu’il contient, manquent à jamais de leur complément en miroir. Ils sont à jamais idiots. « . […] (p. 42-43, Le réel, Traité de l’idiotie, Clément ROSSET/ C.R)

Et c’est  » la grandiloquence  » qui est, selon ROSSET, l’expression, de  » la bêtise  » :

[…]  » Grandiloquus, terme forgé par Cicéron, désigne l’association de la parole (loqui) et de l’énormité (grandis).  » […]. (p. 84, ibid.)

[…]  » La grandiloquence est généralement et assez justement considérée comme une manière d’exagération, une façon d’en dire plus qu’il ne serait juste pour décrire une situation, un sentiment, un objet quelconques. L’origine latine du mot y autorise d’ailleurs : le  » grandi-loquent  » n’a que des grands mots à la bouche, il présente comme très grand et très important quelque chose qui, considéré plus calmement, apparaîtrait aussitôt sous les auspices de l’anodin et du petit.

Technique de la boursouflure donc, de l’ampoulé, de l’excès : gonflant démesurément le  » volume  » de ce dont elle parle, la grandiloquence transforme le petit en grand et l’insignifiant en signifiant, ce qui permet accessoirement à l’homme de s’y forger un destin et de s’y figurer une importance.  » […] (p. 83, ibid.)

[…]  » Le propre de la grandiloquence – ou d’un certain pouvoir des mots – est ainsi moins d’amplifier le réel (en faisant quelque chose de rien) que de l’escamoter (en faisant rien de quelque chose).

[…]  » Il n’est pas du tout évident que la sottise doive être définie en fonction de et par rapport à l’intelligence. Il est possible que la question de la sottise soit une question autonome, sans rapports ni frontières communes avec la question de l’intelligence.

Ignorer cette hétéronomie des deux questions, poser d’emblée l’implication de la sottise et de l’intelligence (c’est à dire faire de la sottise un défaut d’intelligence, assimilant sottise et  » inintelligence « ), reviendrait ainsi à brouiller les cartes, à entretenir une vieille confusion peut-être responsable tant du caractère impénétrable de la sottise que du caractère généralement décevant des études qui lui sont consacrées.

La sottise est donc généralement assimilée à l’inintelligence, considérée comme le contraire de l’intelligence. Ainsi opposera-t-on volontiers, à l’intelligence attentive, agile, vigilante, une sottise considérée comme endormie, anesthésiée, momifiée  » […] (p. 144, ibid.)

[…]  » On dit […] sans le savoir une vérité profonde lorsqu’on dit d’un imbécile qu’il est positivement crétin : car c’est son activisme qui caractérise l’imbécile, et non la passivité ; en sorte qu’il faut distinguer radicalement entre la simple négativité de l’inintelligence et l’indiscutable positivité de la sottise.  » […]

[…]  » L’inintelligence subit, la sottise agit : elle garde toujours l’initiative. L’inintelligence est en retrait, se dérobe à un message auquel elle n’entend rien. La sottise, elle, va toujours de l’avant. L’inintelligence n’est qu’un refus, ou plutôt une impossibilité de participation ; la sottise se manifeste, au contraire, par un perpétuel engagement.

L’inintelligence ferme des portes : elle signale l’interdiction de certaines voies d’accès à telle ou telle connaissance, rétrécissant ainsi le champ de l’expérience.

La sottise ouvre à tout : faisant de n’importe quoi un objet d’attention et d’engagement possible, elle fournit de l’occupation pour la vie (occupation dont Bouvard et Pécuchet font l’expérience grisante).[…]

[…] Décidément, la question de la sottise n’a rien à voir avec celle de l’intelligence ou de la non-intelligence. Intelligence et inintelligence dune part, sottise et non-sottise d’autre part, n’ont véritablement rien en commun, pas même d’être contraire. […]  » (p. 145, ibid.)

 

 

Collection Lambert

Nous irons à la Collection Lambert
en Avignon
5 rue Violette
mardi 18 octobre à 16 heures

 

Le temps retrouvé, est une exposition (unique en France) des photographies de Cy Twombly et des œuvres d’autres photographes qu’il a lui même choisi. Cy Twombly nous plonge dans son univers profondément sensible.
Eric Mézil : directeur de la Collection Lambert et commissaire-associé de l’exposition « Le temps retrouvé »

 

En 2007, Cy Twombly réalisait à Avignon la sublime exposition « Blooming » pour laquelle il avait spécialement créé un cycle d’immenses peintures autour des pivoines et de leur poésie très japonaise. Aujourd’hui il propose une nouvelle expérience avec la Collection Lambert, en étant cette fois-ci l’artiste invité, en tant que photographe et commissaire d’exposition associé. Par cette double expérience passionnante, il offre une lecture inédite de son œuvre si foisonnante. À la Collection Lambert, celle-ci sera associée à d’autres grands noms de l’histoire de l’art du XIXe et du XXe siècle : Auguste Rodin, Eadweard Muybridge, Pierre Bonnard, Constantin Brancusi, Jacques-Henri Lartigue, Hiroshi Sugimoto, Diane Arbus, Sol LeWitt, Ed Ruscha, Cindy Sherman, Sally Mann, son amie de toujours.

 

La cause de Dieu

« Certes, Descartes a voulu défendre la cause de Dieu, combattre les athées et les libertins… il accuse la scolastique d’avoir perverti la théologie comme la physique… »Henri Gouhier, la pensée religieuse de Descartes,Vrin, « Études de philosophie médiévale », 1972

Dans les méditations métaphysiques de DESCARTES, lire :

Troisième méditation, De Dieu, qu’il existe

Le Dieu du philosophe n’est cependant pas celui de la Révélation; si philosophie et théologie sont séparées (séparation qui protège l’ineffabilité de l’infini divin), il ne peut y avoir aucun conflit entre elles (car elles ont la même racine : une foi absolue en la Vérité).
Descartes est resté sereinement attaché à la religion de son pays, mais sa philosophie n’est pas religieuse, comme le sera la philosophie chrétienne de Malebranche.

Malebranche est un disciple de Descartes qui retient la connaissance possible grâce aux idées claires et distinctes. Mais ce qui sert de point départ, de fondement de la vérité n’est plus le cogito, le sujet pensant, mais la lumière divine. Les idées claires et distinctes sont en Dieu, c’est en Dieu que nous les voyons. C’est en Dieu que nous saisissons les Idées intelligibles, modèles des choses (c’est la vision en Dieu)

 La connaissance de la vérité et l’amour de la vertu ne peuvent donc être autre chose que l’union de l’esprit avec Dieu et qu’une espèce de possession de Dieu ; et l’aveuglement de l’esprit et le dérèglement du cœur ne peuvent aussi être autre chose que la séparation de l’esprit d’avec Dieu, et que l’union de cet esprit à quelque chose qui soit au-dessous de lui, c’est-à-dire au corps, puisqu’il n’y a que cette union qui le puisse rendre imparfait et malheureux. Ainsi c’est connaître Dieu que de connaître la vérité ou que de connaître les choses selon la vérité ; et c’est aimer Dieu que d’aimer la vertu ou d’aimer les choses selon qu’elles sont aimables ou selon les règles de la vertu.

L’esprit est comme situé entre Dieu et les corps, entre le bien et le mal, entre ce qui l’éclaire et ce qui l’aveugle, ce qui le règle et ce qui le dérègle, ce qui le peut rendre parfait et heureux et ce qui le peut rendre imparfait et malheureux. Lorsqu’il découvre quelque vérité ou qu’il voit les choses selon ce qu’elles sont en elles-mêmes, il les voit dans les idées1 de Dieu, c’est-à-dire par la vue claire et distincte de ce qui est en Dieu qui les représente ; car, comme j’ai déjà dit, l’esprit de l’homme ne renferme pas dans lui-même les perfections ou les idées de tous les êtres qu’il est capable de voir2 : il n’est point l’être universel. Ainsi il ne voit point dans lui-même les choses qui sont distinguées de lui. Ce n’est point en se consultant qu’il s’instruit et qu’il s’éclaire, car il n’est pas à lui-même sa perfection3 et sa lumière ; il a besoin de cette lumière immense de la vérité éternelle pour l’éclairer. Ainsi, lorsque l’esprit connaît la vérité, il est uni à Dieu, il connaît et possède Dieu en quelque manière.

Nicolas Malebranche (1638-1715), Recherche de la Vérité


1. Dans les idées : l’idée est, chez Malebranche, un modèle des choses sensibles, une réalité spirituelle indépendante de nous. C’est l’inspiration platonicienne et augustinienne qui domine dans la philosophie de Malebranche.
2. C’est en ce point du raisonnement de Malebranche que l’on voit bien la différence avec Descartes, pour qui les idées sont innées en notre âme.
3. Perfection : caractère de ce qui est achevé et complet

 

 

Le pari de Pascal

Parmi les textes incontournables, voici le pari de Pascal

« Examinons donc ce point, et disons Dieu est, ou il est pas… Que gagerez-vous?… Il faut parier cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqué… Pesons le gain et la perte en prenant croix, que Dieu est […]
Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude; et votre nature a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. »

Blaise Pascal, Pensées 418

 Une vidéo

et un texte regroupant un choix de Pensées sur la religion, accompagné d’un lexique fort clair.

Art land, « in situ »

« Chaque travail est, pour l’artiste, comme un grain de sable dans l’espace du monde »

 Matériau naturel (ocre rouge), forme géométrique (le rectangle), installation à grande échelle, sont  autant de facettes de la pratique de Richard Long qui sont présentes dans son travail à la Chapelle Saint- Charles. L’œuvre ainsi créée a un caractère unique et original qui marquera l’histoire de l’art puisqu’elle présente un matériau employé pour la première fois par l’artiste.

Dès lors que l’artiste expose en intérieur, une sorte de rituel détermine son projet artistique. En effet, il éprouve systématiquement le besoin de découvrir la région dans laquelle il expose ainsi que ses potentialités en termes de supports de travail. Ce n’est qu’après immersion dans cette culture locale que l’artiste laisse exprimer tout son esprit créatif. Ainsi durant l’été 2010, Richard Long a arpenté le Département de Vaucluse et la région d’Apt en particulier, nourrissant son œuvre à venir.

Exposer en intérieur est partie prenante de sa réflexion artistique ; c’est également l’occasion pour le public d’accéder à son travail souvent implanté dans des lieux improbables et difficile d’accès.

« Présenter un travail au public au cœur d’une grande ville et faire un travail dans l’Himalaya donnent lieu à des situations très différentes. Néanmoins, il est important pour moi de travailler dans ces deux situations, d’avoir ces deux possibilités. » (Richard Long: la vision, le paysage, le temps, Art Press, n° 140, juin 1986)

  VOTRE TRAVAIL personnel de réflexion

3 pistes de recherches pour la réflexion philosophique : les 3 étapes de la création dans la Chapelle Saint-Charles

1ère étape : s’approprier le lieu

2ème étape : valoriser la richesse d’un matériau régional

3ème étape : la réalisation de Champ d’Ocre


Artiste anglais né en 1945, Richard Long est à la fois un sculpteur, un photographe et un peintre du mouvement Land Art. Ses œuvres éphémères in situ, en intérieur ou majoritairement en extérieur, tirent partie des éléments de la nature et expriment l’esprit des lieux. Il a participé à de nombreuses expositions collectives (Documenta, Biennale de Venise, Galerie nationale du Jeu de Paume…) et a effectué des expositions personnelles dans le monde entier : Paris, Londres, New York, Zurich, Tokyo, Chicago, Athènes, Ottawa, Naples… Il a reçu le Turner Prize en 1989 pour l’œuvre White Water Line.

 

VISITE MARDI à la chapelle SAINT CHARLES

Combien d’esclaves travaillent pour vous ?

UN LIEN INTÉRESSANT EN CLIQUANT SUR L’IMAGE…ET UN TEXTE D’ARISTOTE EN REGARD :

Le même rapport se retrouve entre l’homme et les autres animaux. D’une part les animaux domestiques sont d’une nature meilleure que les animaux sauvages, d’autre part, le meilleur pour tous est d’être gouvernés par l’homme car ils y trouvent leur sauvegarde. De même, le rapport entre mâle et femelle est par nature un rapport entre plus fort et plus faible, c’est-à-dire entre commandant et commandé. Il en est nécessairement de même chez tous les hommes. Ceux qui sont aussi éloignés des hommes libres que le corps l’est de l’âme, ou la bête de l’homme (et sont ainsi faits ceux dont l’activité consiste à se servir de leur corps, et dont c’est le meilleur parti qu’on puisse tirer), ceux-là sont par nature des esclaves; et pour eux, être commandés par un maître est une bonne chose, si ce que nous avons dit plus haut est vrai. Est en effet esclave par nature celui qui est destiné à être à un autre (et c’est pourquoi il est à un autre) et qui n’a la raison en partage que dans la mesure où il la perçoit chez les autres mais ne la possède pas lui-même. Quant aux autres animaux, ils ne perçoivent même pas la raison, mais sont asservis à leurs impressions. Mais dans l’utilisation, il y a peu de différences : l’aide physique en vue d’accomplir les tâches nécessaires, on la demande aux deux, esclaves et animaux domestiques.

ARISTOTE, La politique, L. I, ch. V.  Trad. Pierre Pellegrin

COMME ROUSSEAU, EXPLIQUEZ !

Aristote avant eux tous avait dit aussi que les hommes ne sont point naturellement égaux, mais que les uns naissent pour l’esclavage et les autres pour la domination.
Aristote avait raison, mais il prenait l’effet pour la cause. Tout homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage, rien n’est plus certain. Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d’Ulysse aimaient leur abrutissement. S’il y a donc des esclaves par nature, c’est parce qu’il y a eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués.

Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, I, 2 (1762)

OU COMME Hannah ARENDT, REAGISSEZ !

Dire que le travail et l’artisanat étaient méprisés dans l’antiquité parce qu’ils étaient réservés aux esclaves, c’est un préjugé des historiens modernes. Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie. C’est même par ces motifs que l’on défendait et justifiait l’institution de l’esclavage. Travailler, c’était l’asservissement à la nécessité, et cet asservissement était inhérent aux conditions de la vie humaine. Les hommes étant soumis aux nécessités de la vie ne pouvaient se libérer qu’en dominant ceux qu’ils soumettaient de force à la nécessité. La dégradation de l’esclave était un coup du sort, un sort pire que la mort, car il provoquait une métamorphose qui changeait l’homme en un être proche des animaux domestiques. C’est pourquoi si le statut de l’esclave se modifiait, par exemple par la soumission ou si un changement des conditions politiques générales élevait certaines occupations au rang d’affaires publiques, la « nature » de l’esclave changeait automatiquement.
     L’institution de l’esclavage dans l’antiquité, au début du moins, ne fut ni un moyen de se procurer de la main-d’oeuvre à bon marché ni un instrument d’exploitation en vue de faire des bénéfices ; ce fut plutôt une tentative pour éliminer des conditions de la vie le travail. Ce que les hommes partagent avec les autres animaux, on ne le considérait pas comme humain. (C’était d’ailleurs aussi la raison de la théorie grecque, si mal comprise, de la nature non humaine de l’esclave. Aristote, qui exposa si explicitement cette théorie et qui, sur son lit de mort, libéra ses esclaves, était sans doute moins inconséquent que les modernes ont tendance à le croire. Il ne niait pas que l’esclave fût capable d’être humain ; il refusait de donner le nom d’ « hommes » aux membres de l’espèce humaine tant qu’ils étaient totalement soumis à la nécessité).

Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne, Chap. III

 

L’étonnement

« Ce fut l’étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, ce furent les difficultés les plus apparentes qui les frappèrent, puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils cherchèrent à résoudre des problèmes plus importants, tels les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des étoiles, enfin la genèse de l’univers. Apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance (et c’est pourquoi aimer les mythes est, en quelque manière se montrer philosophe, car le mythe est composé de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, il est clair qu’ils poursuivaient la science en vue de connaître et non pour une fin utilitaire. Ce qui s’est passé en réalité en fournit la preuve : presque tous les arts qui s’appliquent aux nécessités, et ceux qui s’intéressent au bien-être et à l’agrément de la vie, étaient déjà connus, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Il est donc évident que nous n’avons en vue, dans la philosophie, aucun intérêt étranger. Mais, de même que nous appelons homme libre celui qui est à lui-même sa fin et n’existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit libre, car seule elle est à elle-même sa propre fin. »

Aristote, Métaphysique A

Éléments de correction pour ce texte.

Idée générale et argumentation.

Aristote s’interroge sur la définition de la philosophie. D’une part il détermine l’origine, d’autre part la finalité de cette discipline qu’il place au rang des sciences et dont la spécificité est d’être libérale. Peut-on définir par le désintérêt une science qui a pour but la recherche de la vérité ? L’enjeu est de comprendre l’unité d’une démarche de pensée au-delà d’un simple événement historique (l’origine n’est pas le commencement de la philosophie)

I. Origine de la philosophie : « Ce fut l’étonnement…genèse de l’univers ». Cette origine est d’abord définie par les objets d’étude ou plus précisément d’étonnement. Sur quoi porte cet étonnement ? Du plus proche au plus lointain objet de cette curiosité.

  • Ce qui nous entoure , c’est la nature, phusis en grec ; c’est cette nature que l’homme cherche à comprendre et à maitriser pour vivre (domaine des besoins). Les premiers penseurs à l’origine de la philosophie sont des physiciens (Thalès par exemple)
  • Des problèmes plus importants tels « les phénomènes de la lune , ceux du Soleil et des étoiles ». L’étude la nature se détache des explications surnaturelles grâce à l’observation et au raisonnement? Cela permet d’étendre l’objet d’étude à des phènomènes de moins en moins visibles, les astres deviennent objet de science physique.
  • L’interrogation, le questionnement va plus loin que ce que l’on voit à l’œil nu ou avec une lunette d’astronomie, lorsque les hommes ont satisfait la sphère des besoins immédiats, ils s’interrogent « enfin sur la genèse de l’univers ». rappelons l’origine du mot métaphysique, non pas encore le sur-naturel mais ce qui vient à coté, après la physique (nature). La question de la genèse est celle du pourquoi, pourquoi y a t-til un monde dans la mesure où les réponses de la mythologie, de la religion, des pensées irrationnelles ne satisfont plus.

2. L’étonnement « Apercevoir une difficulté…aucun intérêt étranger ». Définir l’étonnement permet de comprendre l’origine de la philosophie. Cette origine n’est pas seulement historique mais définit une démarche de tout apprenti philosophe.

  • Face à une difficulté, le philosophe s’interroge. Il n’est pas passif et ne se contente pas d’observer le monde. Pour lui, le monde ne va pas de soi, il pose problème. La condition d’entrer en philosophie est la reconnaissance de son ignorance. Cette modeste attitude montre la nécessité de se débarrasser de préjugés, opinion, en particulier de toute croyance. Celui qui croit savoir, ne philosophe pas (voir l’attitude de Socrate dans l’apologie)
  • L’amour des mythes. Cette parenthèse est difficile à comprendre lorsque l’on connait la rupture historique entre mythe et raison ‘les historiens parlent du « miracle grec ». Mais c’est « en quelque sorte, d’une certaine manière seulement se montrer philosophe que d’aimer les mythes : c’est seulement si l’on se réfère à l’étymologie du mythe : le mot, ce qui effraie, frappe de stupeur, laisse bouche bée. C’est cette attitude que le philosophe adopte qui peut être comparée à l’effroi du mot magique, merveilleux, mystérieux.
  • Aucune fin utilitaire. La philosophie se distingue des autres disciplines en ce qu’elle ne poursuit rien d’autre qu’elle même. comme si elle arrivait après les questions urgentes (les réponses aux besoins en particulier matériels).

3. La philosophie est un loisir « Mais, de même que nous appelons…fin ». La définition de la philosophie la place au rang de science car c’est le dommaine de la connaissance qui est en jeu. C’est la verité quecherche le philosophe en s’enterrogeant sur différents objets à connaitre. Ce désir de savoir n’a cependant d’autre but que lui-même.

  • L’analogie avec l’homme libre permet d’expliquer ce qu’est une activité libérale. C’est l’absence d’intérêt étranger et de lien à tout autre  qui donne le sens à la liberté humaine. L’homme libre est acteur et non passif, il est auteur de sa vie et non marionnette de quelque être suprême ou extérieur? De même la philosophie recèle en elle même sa propre justification d’être ce qu’elle est.
  • La philosophie est amour de la sagesse, c’est -à -dire amour du savoir, elle ne vise pas autre chose que la connaissance (activité contemplative ou intellectuelle qui n’a aucune autre raison qu’elle même. Elle ne sert à rien ! qu’à aimer le savoir.
  • La philosophie suppose du loisir, du temps libre où l’esprit ne soit pas accaparé par des tâches matérielle. Ce n’est pas une occupation pour les esclaves pris par les nécessités de subsister.