Comment la vie a commencé ?

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Lundi 23/02/2009, Alexandre Meinesz – Comment la vie a commencé

D’où vient la vie ? Comment est-elle apparue sur Terre ? Quels ont été les premiers organismes vivants ? À quoi ressemblaient les ancêtres de formes de vies actuelles ? Comment l’évolution a-t-elle sculpté le vivant au fil du temps ? Alexandre Meinesz présentera une synthèse des découvertes les plus récentes sur l’histoire de la vie. Il distinguera trois étapes innovantes majeures, ou Genèses : celle des premières bactéries, celle des premières cellules animales et végétales et celle des organismes composés de plusieurs cellules (dont nous sommes). Et quatre types d’événements fortuits ayant profondément façonné l’histoire du vivant sur Terre: trois événements « créatifs » (les mutations, la reproduction sexuée et la sélection naturelle), un quatrième destructeur (les grands cataclysmes comme celui qui vit disparaître les dinosaures il y a 65 millions d’années).
Alexandre Meinesz spécialiste des milieux marins et des premiers organismes ayant colonisé la Terre (les algues), abordera les mystères de la vie avec un éclairage original sur l’évolution du vivant, différent de celui des microbiologistes, des généticiens ou des paléontologues. Il agrémentera sa conférence de ses expériences d’homme de terrain curieux de tout et amoureux fou de la nature… et d’un tableau, L’Astronome de Vermeer, qui sert de trame à son récit…

La vie et le vivant

Les étapes de la vie, Giorgione

L’épistémologie est définie comme un « discours » sur la science en général c’est-à-dire une théorie qui essaie de définir :

  • Les fondements

  • Les méthodes

  • Les objets

  • la finalité

de chacune des sciences qui aujourd’hui apparaissent comme le savoir scientifique. Malgré la multiplicité des connaissances, la critique philosophique n’a de cesse de prétendre regrouper et classifier les différents savoirs ; elle n’a pas en ce sens renoncer au pari d’Aristote d’être « la science des sciences » ni au vœu Platonicien de se définir comme une discipline panoptique, englobant différents savoirs.

On distingue cependant différents niveaux de réflexion et différents enjeux selon la science étudiée.

La BIOLOGIE est la science du vivant, de son évolution, de ses mutations.

  • L’épistémologie de la biologie s’intéresse plus particulièrement à la définition du vivant.

Mais qu’est-ce que la vie, comment expliquer le vivant semblent être des questions à la fois simplistes et des problèmes insolubles. La vie, « c’est le fait de vivre », le vivant, « c’est celui qui n’est pas mort » et autres expressions tautologiques nous montrent l’apparente évidence de ces définitions. Cependant, le vivant est une de ces notions semblable à ce qu’affirmait Saint Augustin à propos du temps : « Qu’est-ce donc que le temps ? Quand on me le demande pas je me sais mais dès qu’on me le demande et que je tente de l’expliquer, je ne le sais plus. »

  • On peut parler d’une évolution du concept du vivant au fil des recherches scientifiques et des conceptions philosophiques dans la mesure où certaines représentations sont historiquement datées : le vitalisme (Aristote), le mécanisme ( Descartes), le réductionnisme…

  • Enfin l’épistémologie de la biologie nous interroge sur la méthode expérimentale, c’est-à-dire sur ce qu’Auguste Comte nomme « l’usage bien combiné de la raison et de l’observation » sans voir de prééminence entre théorie et expérience, deux démarches qui se complètent. Le développement des sciences humaines au XX° siècle permettra de se demander si cette démarche peut-être exportée dans l’explication des sociétés humaines dans le fameux débat entre sciences dures et sciences de l’homme.

Qu’est-ce que la vie ?

Il y a une prolifération de sens du mot vie ainsi qu’un foisonnement d’expressions courantes qui marquent le terme d’une étonnante vitalité ! Nous pouvons, à partir du langage ordinaire réfléchir sur le sens du mot vie, c’est-à-dire, en philosophe s’étonner de de cette étrangeté qui pour un vivant constitue l’habitude de vivre.

 

La vie, c’est le fait de vivre. Nous n’apprenons rien de plus en énonçant ce qui est un fait, comme si la vie ne renvoyait qu’à elle-même et cependant il y a une dimension métaphysique dans cette circularité, car le fait de vivre renvoie à « l’être » en vie au sens d’Aristote et à la problématique de sa définition ; ainsi pourrait-on penser la vie selon plusieurs catégories. Ou bien vivre serait une manière d’être, le mouvement d’un devenir ou une action en train de se faire. Mais alors cela renvoie à un sujet, un agent actif (une âme ? une raison ?) ou un substrat passif (une matière ?), dont nous ne sommes pas sûrs qu’il vaille pour toute forme de vie en dehors de l’homme agissant, « faisant » sa vie.

La vie, c’est l’existence. N’est-ce pas une nouvelle tautologie ? Le fait d’exister, « abstraction faite de ce qui est » ; « par opposition à l’essence , au concept de l’être » : voilà ce que nous disent les dictionnaires. L’existence serait donc le concret, le vécu et non le pensé, une sorte de présence et d’intuition de ce qui est actuel. Mais le sens glisse alors vers la « réalité vécue » au sens de la durée dont parle Bergson ; en effet poursuivons les sens du dictionnaire, exister c’est « avoir cours, être en vigueur, durer, subsister, exemple : cette variété d’oiseaux n’existe pas en Europe ». Avec le sens de l’existence on entend une genèse, un développement dans l’espace et le temps, ce que le terme allemand exprime par le mot Dasein, être-là, être au monde, exposé aux contingences du devenir spatio-temporel. C’est aussi avoir une réalité dans la nature (nascor = naître) comprise comme le grand tout, la mère nourricière qui accueille et fait subsister ses propres formes. Mais cette existence n’est pas seulement vie, elle est aussi expérience de la vie. En allemand, il existe deux termes voisins, leben et erleben, pour marquer cette distinction ,ce qu’explique V. Jankélevitch : « D’une amibe, jamais on ne dira erleben, car le préfixe r- donnant au verbe un sens transitif, implique la présence d’un sujet agissant, dont l’action serait la vie elle-même, et non la présence d’un être passif auquel la vie serait comme extérieure. En un mot, si je puis ainsi m’exprimer, l’animal vit, mais il ne vit pas sa vie ; l’homme vit, et de plus il vit sa propre vie, il vit ses états de conscience et de durée spirituelle ».

 

Vie = « ensemble des phénomènes (croissance, métabolisme, reproduction) que présentent tous les organismes, animaux ou végétaux, de la naissance à la mort » C’est la définition scientifique alors qu’un scientifique lui-même nous invitait à y renoncer : « Il faut renoncer en physiologie à l’illusion d’une définition de la vie. Nous ne pouvons que caractériser ses phénomènes. Il en est d’ailleurs ainsi dans toute science. Les définitions sont illusoires : les conditions des choses sont tout ce que nous pouvons connaître. » Cette remarque de Claude Bernard renvoie aux phénomènes caractéristiques des êtres vivants contre une prétention à une définition globale. On peut, en biologie considérer la vie par ses propriétés essentielles ; celles ci sont d’ailleurs communes aux animaux et aux végétaux, c’est—à-dire qu’ils s’unifient en ce qu’ils concernent tous les organismes (par exemple la locomotion, la conscience, sont des propriétés de certains vivants qui n’entrent pas dans la définition. Plus la vie s’étend en extension (jusqu’à l’ensemble des vivants) , plus elle s’appauvrit en caractères remarquables. La difficulté reste cependant de considérer ces caractères comme délimitant la compréhension de la vie (par exemple la reproduction est -elle au-delà des bornes de la naissance et de la mort ? Est-elle la condition même de toute naissance et ce qui donne un sens à la mort ? ) La biologie actuelle rend possible ces questions en montrant qu’il y a quelque chose derrière ces phénomènes caractéristiques du vivant, qu’il y a comme une « essence » de la vie qui échappe à toute description. La vie ne se réduit pas à ses phénomènes dans la mesure où les vivants sont avant tout des organismes c’est-à-dire déjà des entités déjà complexes qui fonctionnent mais dont la manière dont il se forment nous échappe encore. Quand nous parlons d’organisme nous confondons en un universel deux logiques de formation du vivant. L’une concerne de la naissance à la forme achevée, l’inquiétude et l’objet de l’embryologie, l’autre fait de la vie une multiplicité de forme dans l’identité d’un type et préoccupe les savants soucieux de classer les vivants dans l’ordre de la nature et de considérer le facteur temps dans l’explication du vivant (dans l’histoire de la biologie on passe des taxinomies aux théories de l’évolution quand l’histoire même de la nature devient mouvante.)

 

La vie dans quelques expressions familières

la vie a-t-elle un prix ? Si l’on tient compte des expressions familières, un registre économique et axiologique se manifeste : c’est la vie qui n’a pas de prix, que l’on donne, que l’on reçoit, que l’on transmet, que l’on sacrifie et qui coûte ; quelque chose qu’on prête, qu’on risque, et qu’on sauve jusqu’à souscrire des assurances lorsqu’il s’agit de la sienne. Rare et unique pour l’individu qualifié de vivant, elle peut se transmettre de parent à enfant mais n’est pas substituable ni même échangeable ( sauf dans le cas diabolique d’un contrat particulier avec Le Malin). Dans le registre économique, la vie donne ou plutôt « dote » les héritiers de quelque chose qui ne relève pas d’une possession comme d’un bien échangeable ou quantifiable. Et quand l’économie devient politique, on ne sait plus, à propos de la vie, qui est propriétaire (le droit de vie et de mort du pater familias, du maître, du seigneur pose déjà problème et l’aspect d’aliénation de la vie est soulignée par Marx lorsque la force de travail n’est plus la propriété de celui qui la produit).

L’aspect unique, irremplaçable et précieux de la vie en fait une raison de combat ou de conflit des intérêts « vitaux » (même dans le cas cellulaire défini par un ensemble de systèmes de défense). Ce combat, prend son sens dans la lutte de la vie contre son contraire, la mort, lutte dont le paroxysme s’illustre par l’agonie, c’est-à-dire la lutte pour la santé et la vie contre la maladie et la mort.

 

La vie et ses connotations morales.

Quelque chose qu’on « mène », une manière de vivre dans la durée comme dans l’ordinaire des jours ( la vie courante, la vie quotidienne), ce sont des formes de vie ou des façons d’être qui échappent à la détermination d’une définition. En effet, la vie en ce sens est individuelle ( la vie simple ou rangée, la vie de Bohème, la vie d’artiste, la belle vie ou même la double vie, sont autant d’expression qui montrent que le propriétaire de la vie s’identifie à la manière dont il en use et en jouit, dans ses affects comme dans ses œuvres. On peut se laisser vivre, même si l’on ne choisit pas forcément de mener une « vie de chien ». C’est que ces formes de vie individuelles rejoignent des formes de vie collective où l’individu participe à une corporation (la vie des marins, la vie des mineurs) comme à une époque (la vie des romains). Même si l’individu se sent en marge de ces modes de vie, c’est encore pour remarquer les multiples normes qui régissent une communauté ou une époque et cependant autorisent à revendiquer sa vie comme son propre, et à nouveau à accorder une valeur incomparable à chaque engagement. Tout ce qui fait qu’une œuvre est vivante, c’est ce caractère unique au-delà de la catégorie de son existence. Ce sens empêche que l’on traite du tropisme des plantes ou de la vie des animaux (sinon à la mettre en fable), car le registre moral ne concerne que l’homme dans son autonomie.

La vie = ensemble des activités et des événements qui remplissent pour chaque être l’espace de temps entre sa naissance et sa mort.

On est ici renvoyé aussi bien à l’existence qu’aux différents modes qu’elle peut épouser « la vie des hommes illustres » est ici un registre caractéristique de la compréhension de la vie comme destin ou destinée. Les romans ou tragédies, les biographies sont l’écho de ce qui se trame dans certains genres de vie, sans compter l’histoire même prise au sens antique d’ »enquête » destinée à nourrir de modèle la postérité (la vie des Césars, la vie des Saints, etc.) Reste à savoir si la vie de ces hommes reflète la vie ordinaire et intemporelle que nous cherchons à définir.

La vie = moyens matériels (nourriture, argent…) d’assurer la subsistance d’un être vivant.

La vie qu’on gagne, les vivres, et en regard leur coût et le niveau de vie qui en résulte. « Il faut bien vivre ! » comme si l’impératif du besoin rejoignait le sens biologique. Aristote caractérise la vie par la faculté nutritive, une faculté qui explique des comportements végétaux et animaux et qui ramène la vie à la conservation de soi . Cependant le sens ne saurait encore une fois, pour l’homme fonder la vie sociale et politique sans lui ajouter la conscience de ces appétits que Spinoza nomme désir.

La vie intérieure, « la vraie vie ».

Aristote distingue en l’âme cette faculté intellective si éloignée de la nutrition ou de la sensation que l’on peut se demander si elle a encore quelque rapport au corps vivant, au besoin ou aux fonctions biologiques dévolues à la matière. Certes, la vie est en ce sens animation, elle intensifie le corporel et achève pleinement le vivant (l’homme) mais toujours dans la scission de l’esprit et de la matière sans que fut résolu le problème de leur union au sens existentiel. La vie dans ce sens serait cette dramatique scission vécue dans l’expérience individuelle de la quête d’une réalisation pleinement humaine. Vie spirituelle, mentale, psychique qui trouve sans doute son accomplissement dans les œuvres qui en témoignent.

La vie = « part de l’activité humaine, type d’activité qui s’exerce dans certaines conditions, certains domaines. »

Si au niveau biologique la vie se reproduit en se séparant d’elle-même (la scissiparité des êtres unicellulaires), elle se différencie et se multiplie chez l’homme par ses activités. Est-ce la même vie, est-ce le même vivant qui a une vie familiale, sociale, politique, économique, culturelle, artistique, religieuse, sportive… et même à l’intérieur d ces exemples chaque vie peut encore être spécifiée (vie municipale ou nationale en politique, musicale ou littéraire en art…) au point que l’on peut se demander comment chaque vivant peut s’unir, se mêler à ces cercles différenciés. Vie privée (de quoi ?) et vie publique (le milieu pour les animaux ?) questionnent encore la définition de l’unité de la vie.

La vie = absolument : le monde humain, le cours des choses humaines, la participation au monde réel.

L’activité humaine, toujours artificielle et transformatrice est possible si l’on considère la spécificité de ce vivant capable à la fois de s’approprier l’évolution de la nature et de faire de cette matière une réalité elle-même historique. L’homme dit qu’il veut changer la vie, il l’aime, la regarde en face, bref, il lui donne un sens qui lui est propre et commun à la fois. C’est la vie qui va, quand le monde devient humain et l’homme mondain. En ce sens la vie est une intuition qui n’existe que comme vécu particulier s’éloignant de l’immédiateté de la nature pour fonder l’ordre de l’histoire.

La vie = existence dont le caractère temporel et dynamique évoque la vie.

Le sens métaphorique du mot vie retient deux propriétés essentielles, le temps , le dynamisme ou, en terme aristotéliciens, le passage de la puissance à l’acte, l’actualisation (la langue vivante). Comme si les idées avaient une vie, une actualité ou une capacité proche de celle de l’homme à organiser, créer, inventer. Même les machines ont une « durée de vie » au-delà de laquelle elles perdent tout usage. La vie des étoiles, des atomes est aussi agitée que celle des corps matériels fabriqués par l’homme. La vie est alors prêtée à l’inanimé compris comme capable de forme, d’informer ou d’agir, tels des corps plein d’énergie et de vitalité.

On retiendra ce dernier sens qui nous dit ce qui est le plus vif de la vie. La vie, dans tous ces états peut-être le débordement, la sauvagerie qui excède le vivant, le vital et ses propriétés biologiques.

F.B.

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Voici la définition que propose Jean Mauchamp (biologiste, CNRS) pour nous aider à comprendre le vivant :

 

D’abord des précisions sur les mots employés. Pour bien savoir de quoi on parle il faut d’abord préciser (encadrer) l’emploi de deux termes: réalité (ou réel) et vivant

-1- Réalité

La réalité c’est ce qui existe indépendamment de tout observateur qu’il soit animal ou humain. La réalité est inconnaissable. Un observateur, quelqu’il soit, ou qu’il soit, n’en voit qu’une partie, le reste restant caché. La partie vue change avec la position de l’observateur, les instruments qu’il utilise et avec le temps. L’observateur crée des représentations de la réalité (du réel) qu’il peut appeler Vérité. Il y a une réalité (un réel). l’observateur crée des représentations, des vérités.

Seul le Démon de Laplace, imaginé par les physiciens, peut voir la réalité en tout point à tout instant…mais c’est un Démon!!!

On peut même poser la question : la Vérité est-elle une Fiction?

-2- Vivant

D’abord nous nous restreindrons au Vivant biologique.Toute utilisation métaphorique..(La terre vivante..L’univers vivant..) liée au fait que la terre, l’univers changent sera exclue.

Ensuite nous emploierons vivant comme un adjectif associé au mot système. Nous parlerons de Systèmes Vivants.

Enfin au lieu d’ essayer de définir un système vivant nous chercherons à expliciter le nombre minimal de propriétés que doit présenter un système pour qu’il puisse être qualifié de vivant. Pour cela nous partirons des propriétés de l’ Atome du Vivant : La Cellule. (« Avec la cellule, la biologie a trouvé son atome » François Jacob , La Logique du Vivant, Gallimard 1970 p. 136. -Atome est employé au sens étymologique de Insécable -)

Nous parlerons ensuite des degrés de complexité des systèmes vivants. (Edgar Morin, Introduction à la Pensée complexe.)

A suivre…

J.M.

SUITE :

 

Encore une précision de langage (la dernière !). L’adjectif vivant (système vivant) est employé dans le sens populaire: mon chien est vivant ,opposition à il est mort.

-1- La cellule vue comme un système vivant

La cellule, atome de la biologie, existe dans deux états: 1- La division qui dure au plus quelques heures

2- L’état stationnaire qui dure des mois voire des années pour les neurones.C’est cet état stationnaire que nous prendrons comme système vivant de référence.

Les propriétés qui font que la cellule stationnaire est vivante sont au nombre de quatre.

1- La cellule est un territoire.

Territoire limité par une frontière semi-perméable, siège d’échanges avec l’extérieur.

La composition chimique et les propriétés physiques de l’espace intérieur sont spécifiques et totalement différentes de celles de l’espace extérieur.

Cette asymétrie génère une activité électrique (origine des mesures du type électro-encéphalogramme, électro-cardiogramme etc).

L’espace intérieur contient un système générateur d’énergie à partir de glucose pour le monde animal ou de lumière pour le monde végétal.

Une grande partie de l’énergie produite est utilisée pour maintenir l’asymétrie entre l’espace intérieur et l’extérieur.

2- L’instabilité microscopique.

L’organisation moléculaire microscopique de l’espace intérieur responsable de l’activité cellulaire est très instable.Elle se défait et se refait sans cesse.

Certains éléments sont instables.Ils doivent être dégradés et remplacés à l’identique.

3- La stabilité macroscopique.

Malgré l’instabilité micoscopique, l’aspect global (macroscopique) est stable. La cellule peut être reconnue par les techniques de l’histologie.

4- Le système a une mémoire.

Une mémoire, l’ADN, permet de reproduire certains éléments essentiels fragiles qui ont été altérés lors du processus Destruction-Reconstruction.

Cette mémoire peut s’altérer ponctuellement et provoquer la modification de certains éléments, d’où des changements discrets et irréversibles.

Conclusion.

Pour que le système cellule stationnaire puisse être qualifié de vivant, il faut que les quatre propriétés soient simultanément satisfaites.

Si par un moyen quelconque on en abolit une seule la cellule ne reste pas vivante.Elle « meurt » rapidement .

VIVANT—-VIE

 

-2-Les Systèmes Complexes

 

La très grande majorité des cellules ne restent pas isolées.Elles forment des systèmes organisés plus ou moins complexes. Ce sont des systèmes vivants puisqu’ils sont formés de cellules vivantes.

Demandons nous si les quatre propriétés définies précédemment, qui permettent de décider que la cellule est un système vivant, sont aussi des propriétés des systèmes complexes. Dans ce cas nous n’aurons plus besoin de savoir si ces systèmes sont effectivement constitués de cellules.

Plutôt que de questionner ces systèmes dans le désordre il peut être commode de les ordonner en groupes en fonction de leurs caractéristiques. Nous avons choisi l’ordre croissant de l’importance de l’intervention du cerveau humain dans la définition du système. Le groupe 1 contient les systèmes qui existent chez les animaux et chez l’homme. Dans les groupes suivants -2, 3, 4- l’homme a modifié de plus en plus des systèmes existant chez l’animal. Enfin le groupe 5 comporte des systèmes totalement créés par le cerveau humain. Ils ne sont même plus constitués de cellules.

 

Les Groupes de Systèmes Complexes

 

-1 Organes. Organismes. Groupe familial.

-2 Groupe social. (fourmilière….village)

-3 Groupe territorial. (territoire….pays)

-4 Groupe national. (nation..patrie)

-5 Groupe culturel. (religion..philosophes..)

 

Les quatre propriétés

1- Le système est un territoire. .

Pour tous les systèmes il y a une limite sur le terrain (frontière) ou dans la culture des membres du groupe. La limite est un lieu d’échanges possible. L’intérieur et l’extérieur sont différents. Beaucoup d’énergie est dépensée pour maintenir cette différence.

2- L’instabilité microscopique.

Les éléments constitutifs du système se renouvellent en permanence.

3- La stabilité macroscopique.

Malgré le renouvellement des éléments le systèmes reste globalement le même.

4- Il y a une mémoire.

Il peut y avoir des changements mais la tradition, les lois, maintiennent le système tout en permettant une évolution.

 

Il est remarquable que ces quatre propriétés permettent de dire que les systèmes du groupe 5 sont des systèmes vivants alors que les règles qui les définissent ne sont pas des cellules.

« Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne »

En tant que telle, la richesse constitue un danger grave; ses tentations sont incessantes; la recherche est insensée, si l’on considère l’importance suprême du royaume de Dieu, mais avant tout elle est moralement douteuse. (…)

Des écrits puritains ont peut tirer d’innombrables exemples de la malédiction qui pèse, sur la poursuite de l’argent et des biens matériels, exemples qu’on opposera à la littérature éthique de la fin du Moyen Age, beaucoup plus accommodante.

Ces scrupules étaient des plus sérieux; il ne faut pas moins y regarder de plus près pour en pénétrer la signification éthique véritable et les implications. Ce qui est réellement condamnable, du point de vue moral, c’est le repos dans la possession, la jouissance de la richesse et ses conséquences : oisiveté, tentation de la chair, risque surtout de détourner son énergie ‘ de la recherche d’une vie « sainte ». Et ce n’est que dans la mesure où elle implique le danger de ce repos que la possession est tenue en suspicion. En effet, le repos éternel des saints a son siège, lui, dans l’au-delà ; sur terre, l’homme doit, pour assurer son salut, « faire la besogne de Celui qui l’a envoyé, aussi longtemps que dure le jour » (Jean IX,4). Ce n’est ni l’oisiveté, ni la jouissance, mais l’activité seule qui sert à accroître la gloire de Dieu, selon les manifestations sans équivoque de sa volonté.

Gaspiller son temps est donc le premier, en principe le plus grave, de tous les péchés. Notre vie ne dure qu’un moment, infiniment bref et précieux, qui devra « confirmer » notre propre élection. Passer son temps en société, le perdre en « vains bavardages », dans le luxe, voire en dormant plus qu’il n’est nécessaire à la santé -six à huit heures au plus-, est passible d’une condamnation morale absolue. (…) Le temps est précieux, infini- ment, car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt à la gloire divine. Aussi la contemplation inactive, en elle-même dénuée de va- leur, est-elle directement répréhensible lorsqu’elle survient aux dépens de – la besogne quotidienne. Car elle plaît moins à Dieu que l’accomplissement de sa volonté dans un métier. Le dimanche n’est-il pas là d’ailleurs pour la contemplation « . (…)

– Le travail cependant est autre chose encore; il constitue surtout le but mime de la vie, tel que Dieu l’a fixé. Le verset de Saint Paul : »Si quelqu’ un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » vaut pour chacun, et sans restriction. La répugnance au travail est le symptôme d’une absence de la grâce. (…)

La richesse elle-même ne libère pas de ces prescriptions. Le possédant, lui non plus, ne doit pas manger sans travailler, car même s’il ne lui est pas nécessaire de travailler pour couvrir ses besoins’, le commandement divin n’en subsiste pas moins, et il doit lui obéir au même titre que le pauvre. Car la divine Providence a prévu pour chacun sans exception un métier qu’il doit reconnaître et auquel il doit se consacrer. Et ce métier ne constitue pas (…) un destin auquel on doit se soumettre et se résigner, mais un commandement que Dieu fait à l’individu de travailler à la gloire divine.

Partant, le bon chrétien doit répondre à cet appel : « Si Dieu vous désigne tel chemin dans lequel vous puissiez légalement gagner plus que dans tel autre (cela sans dommage pour votre âme ni pour celle d’autrui) et que vous refusiez le plus profitable pour choisir le chemin qui l’est moins, vous contrecarrez l’une des fins de votre vocation, vous refusez de vous faire l’intendant de Dieu et d’accepter ses dons, et de les employer à son service s’il vient à l’exiger. Travaillez donc à être riches pour Dieu, non pour ta chair et le péché. (…)

Pour résumer ce que nous avons dit jusqu’à présent, l’ascétisme protes- tant, agissant à l’intérieur du monde, s’opposa avec une grande efficacité à la jouissance spontanée des richesses et freina la consommation, notamment celle des objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de débarrasser des inhibitions de l’éthique traditionaliste le désir d’acquérir. Il a rompu les chaînes qui entravaient pareille tendance à acquérir, non seulement en la légalisant, mais aussi (…) en la considérant comme directement voulue par Dieu. (…)

Plus important encore, l’évaluation religieuse du travail sans relâche, continu, systématique, dans une profession séculière, comme moyen ascétique le plus élevé et à la fois preuve la plus sûre, la plus évidente de régénération et de foi authentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer de l’expansion de cette conception de la vie que nous avons appelée, ici, l’esprit du capitalisme. »

Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, (1920), Pion 1964, pp. 205-236.

Lettre sur la tolérance

Locke montre que l’intolérance vient de la confusion entre le politique et le religieux, en ce sens son texte est considéré comme un des textes précurseurs des Lumières. Il nous parait évident de défendre la tolérance contre tout ce qui engendre des guerres en matière de religion. Pourtant, la religion n’est pas du ressort de l’intervention de l’Etat,il faut penser l’indépendance du sabre et du goupillon…

Voici le début de la lettre :

Monsieur,

Puisque vous jugez à propos de me demander quelle est mon opinion sur la tolé­rance que les différentes sectes des chrétiens doivent avoir les unes pour les autres, je vous répondrai franchement qu’elle est, à mon avis, le principal caractère de la véritable Église. Les uns ont beau se vanter de l’antiquité de leurs charges et de leurs titres, ou de la pompe de leur culte extérieur, les autres, de la réformation de leur discipline, et tous en général, de l’orthodoxie de leur foi (car chacun se croit orthodoxe) ; tout cela, dis-je, et mille autres avantages de cette nature, sont plutôt des preuves de l’envie que les hommes ont de dominer les uns sur les autres, que des marques de l’Église de Jésus-Christ. Quelques justes prétentions que l’on ait à toutes ces prérogatives, si l’on manque de charité, de douceur et de bienveillance pour le genre humain en général, même pour ceux qui ne sont pas chrétiens, à coup sûr, l’on est fort éloigné d’être chrétien soi-même. « Les rois des nations dominent sur elles, disait notre Seigneur à ses disciples ; mais il n’en doit pas être de même parmi vous. » (Luc XXII, 25, 26.) Le but de la véritable religion est tout autre chose : elle n’est pas instituée pour établir une vaine pompe extérieure, ni pour mettre les hommes en état de parvenir à la domination ecclésiastique, ni pour contraindre par la force ; elle nous est plutôt donnée pour nous engager à vivre suivant les règles de la vertu et de la piété. Tous ceux qui veulent s’enrôler sous l’étendard de Jésus-Christ doivent d’abord déclarer la guerre à leurs vices et à leurs passions.

Et un texte significatif qui montre que la tolérance en matière de religion est une chose nécessaire, non pas dans son acceptation négative comme abstention ou indifférence du jugement, mais au regard de l’indépendance de l’État.

La tolérance, en faveur de ceux qui diffèrent des autres en matière de religion, est si conforme à l’évangile de Jésus-Christ, et au sens commun de tous les hommes, qu’on peut regarder comme une chose monstrueuse, qu’il y ait des gens assez aveu­gles, pour n’en voir pas la nécessité et l’avantage, au milieu de tant de lumière qui les envi­ronne. je ne m’arrêterai pas ici à accuser l’orgueil et l’ambition des uns, la passion et le zèle peu charitable des autres. Ce sont des vices dont il est presque impossible qu’on soit jamais délivré à tous égards ; mais ils sont d’une telle nature, qu’il n’y a per­son­­ne qui en veuille soutenir le reproche, sans les pallier de quelque couleur spécieu­se, et qui ne prétende mériter ces éloges, lors même qu’il est entraîné par la violence de ses passions déréglées. Quoi qu’il en soit, afin que les uns ne couvrent pas leur esprit de persécution et leur cruauté anti-chrétienne, des belles apparences de l’intérêt public, et de l’observation des lois ; et afin que les autres, sous prétexte de religion, ne cherchent pas l’impunité de leur libertinage et de leur licence effrénée, en un mot, afin qu’aucun ne se trompe soi-même ou n’abuse les autres, sous prétexte de fidélité envers le prince ou de soumission à ses ordres, et de scrupule de conscience ou de sincérité dans le culte divin ; je crois qu’il est d’une nécessité absolue de distinguer ici, avec toute l’exactitude possible, ce qui regarde le gouvernement civil, de ce qui appartient à la religion, et de marquer les justes bornes qui séparent les droits de l’un et ceux de l’autre. Sans cela, il n’y aura jamais de fin aux disputes qui s’élèveront entre ceux qui s’intéressent, ou qui prétendent s’intéresser, d’un côté au salut des âmes, et de l’autre au bien de l’État.

Prière à Dieu

Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.


Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763), chapitre XXIII.

La religion est l’opium du peuple

Trois textes de Marx qui montrent que si la postérité a surtout retenu la dernière phrase, « la religion est l’opium du peuple », elle est avant tout comprise comme réponse à la question qu’est ce que l’essence du « fait religieux » ? C’est une question sociale affirme Marx, la religion est l’archétype de l’idéologie, elle exprime les pratiques sociales, les modes de production, elle produit des représentations. L’essence de l’homme réside dans le travail, la religion est le revers idéal des formes réelles de misère qui naissent de la détresse qu’il engendre. La religion est à la fois une protestation et un idéal toujours visé, imaginaire ou hallucinatoire. La religion est une illusion : opium

«Le monde religieux n’est que le reflet du monde réel. Une société où le produit du travail prend généralement la forme de marchandise et où, par conséquent, le rapport le plus général entre les producteurs consiste à comparer les valeurs de leurs produits et, sous cette enveloppe des choses, à comparer les uns aux autres leurs travaux privés à titre de travail humain égal, une telle société trouve dans le christianisme avec son culte de l’homme abstrait*, et surtout dans ses types bourgeois, protestantisme, déisme, etc., le complément religieux le plus convenable. (…) 

Le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l’homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature. La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu’elle implique fornent la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l’aspect, que le jour où s’y manifestera l’œuvre d’hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social. Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d’existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d’un long et douloureux développement.»

Karl Marx, Le capital, liv. l, pp. 90-91.

 

«Le christianisme est … la religion spéciale du capital. Dans l’un et l’autre, l’homme seul compte. L’homme en soi qui ne vaut ni plus ni moins qu’un autre. Dans l’un tout dépend de sa croyance, dans l’autre tout dépend de son crédit.» 

K. Marx, Théories sur la plus-value.

« La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple »

Génération romantique

Vendredi 17 février,

Opéra-Théâtre d’Avignon

Yann Maresz : Mosaïques pour orchestre
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°24, en ut mineur K.491
Georges Onslow :  Symphonie n°2 en ré mineur op. 42

Direction : Alexander Vakoulski
Piano : Giovanni Bellucci (photo)

On en parle…

Sur Radio Classique

Par « génération romantique », il faut entendre le romantisme et ses racines dans le classicisme viennois.
Le romantisme : Dans ce concert, le romantisme sera représenté par le trop méconnu George Onslow (1784-1853). Compositeur français issu de la vieille noblesse anglaise, il accomplit, à Londres, de solides études musicales, avant de les terminer à Paris pendant le Premier Empire. Sa génération – celle de Carl Maria von Weber – se situe entre celle de Beethoven et celle des Berlioz, Chopin, Mendelssohn et Schumann. Au lieu de le brimer, cette tension, entre classicisme et romantisme, en fait un créateur passionnant où l’écriture classique viennoise (celle de Haydn, Mozart et Beethoven, avec sa part de contrepoint et d’écriture obéissant à des règles strictes) est contrebalancée par l’expression subjective des sentiments personnels, comme chez son ami Felix Mendelssohn. Écrite en 1831, sa Symphonie ! n°2, en ré mineur, palpite de cette vive tension. À découvrir absolument !

Le classicisme viennois : Dans certaines de ses œuvres, le classicisme viennois révèle, à l’auditeur stupéfait, un pressentiment romantique. Citons quelques-uns de ces compositeurs ainsi prémonitoires : deux des fils de Bach – Emanuel et Friedemann – mais aussi Haydn, Vanhall, Krauss, etc. Et Mozart : son Concerto pour piano n°24, en ut mineur est un de ces trésors, de ces phares qui éclairent le futur XIXe siècle. Instable, tendu, sombre, il aura pour interprète le flamboyant pianiste italien Giovanni Bellucci.

Un éclairage contemporain : Né en 1966, Yan Maresz concilie des études dans de hautes institutions (Berklee College of Music, à Boston ; Juilliard School, à New York ; et à l’IRCAM, à Paris) et un précoce engagement dans le jazz. Ayant reçu des commandes de prestigieuses institutions (Ministère de la Culture, Orchestre de Paris, Radio France, Accentus, Festival d’Aix-en-Provence, Percussions de Strasbourg, etc), il enseigne actuellement à l’IRCAM et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Sa pièce orchestrale Mosaïques honore idéalement son titre : cet alliage de fragments dont la combinaison offre un tout unifié est une fête des couleurs ; par ses multiples copeaux chatoyants, elle crée, pour chaque auditeur, une attente fébrile de l’inconnu, un véritable suspense.

Lois et religion

DES LOIS DANS LE RAPPORT QU’ELLES ONT
AVEC LA RELIGION ÉTABLIE DANS CHAQUE PAYS,
CONSIDÉRÉE DANS SES PRATIQUES ET EN ELLE-MÊME.

CHAPITRE PREMIER.
DES RELIGIONS EN GÉNÉRAL.

Comme on peut juger parmi les ténèbres celles qui sont les moins épaisses, et parmi les abîmes ceux qui sont les moins profonds, ainsi l’on peut chercher entre les religions fausses celles qui sont les plus conformes au bien de la société ; celles qui, quoiqu’elles n’aient pas l’effet de mener les hommes aux félicités de l’autre vie, peuvent le plus contribuer à leur bonheur dans celle-ci.

Je n’examinerai donc les diverses religions du monde, que par rapport au bien que l’on en tire dans l’état civil ; soit que je parle de celle qui a sa racine dans le ciel, ou bien de celles qui ont la leur sur la terre.

Comme dans cet ouvrage je ne suis point théologien, mais écrivain politique, il pourroit y avoir des choses qui ne seroient entièrement vraies que dans une façon de penser humaine, n’ayant point été considérées dans le rapport avec des vérités plus sublimes.

A l’égard de la vraie religionil ne faudra que très peu d’équité pour voir que je n’ai jamais prétendu faire céder ses intérêtsaux intérêts politiques, mais les unir or, pour les unir, il faut les connoître.

La religion chrétienne, qui ordonne aux hommes de s’aimer, veut sans doute que chaque peuple ait les meilleures lois politiques et les meilleures lois civiles, parce qu’elles sont, après elle, le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir.

MONTESQUIEU, Esprit des lois Cinquième partie livre XXIV

« Dieu, cet asile d’ignorance »

Dans cette célèbre citation de Spinoza, l’ignorance est à comprendre comme origine de la religion en même temps que ce qui maintient les hommes dans une communauté déterminée, en apportant des réponses toutes faites aux questions qu’ils se posent : Dieu est l’origine et la finalité de tout ce qui appartient à la nature. Cette ignorance, origine et ciment de la religion, empêche la connaissance scientifique et rationnelle de la nature comme le montrent deux exemples : une pierre tombe d’un toit et tue un homme, la complexité d’un corps humain.

 

 » Les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent, comme eux-mêmes, en vue d’une fin… Si par exemple une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un et l’a tué, voici la manière dont ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer cet homme. Si elle n’est pas tombée à cette fin , par la volonté de Dieu, comment tant de circonstances ont-elles pu se trouver par chance réunies? Peut-être répondez-vous que cela est arrivé parce que le vent soufflait par là et que l’homme passait par là. Mais, insisteront-ils, pourquoi le vent a-t-il soufflé à ce moment? Pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment? Si vous répondez encore: le vent s’est levé parce que la mer, le jour avant, avait commencé à s’agiter, l’homme avait été invité par un ami, alors ils insisteront encore, car ils n’en finissent pas de questionner: pourquoi donc la mer était-elle agitée? Pourquoi l’homme a t-il été invité à ce moment? Et ils continueront ainsi de vous interroger sans relâche, sur les causes, jusqu’à ce que vous vous soyez réfugiés dans la volonté de Dieu, cet asile d’ignorance. De même, quand ils voient la structure du corps humain, ils sont frappés de stupeur, et, de ce qu’ils ignorent les causes d’un ouvrage aussi parfait, ils concluent qu’il n’est point formé mécaniquement, mais par un art divin ou surnaturel. Et ainsi arrive-t-il que quiconque cherche les vraies causes des prodiges et s’applique à connaître en savant les choses de la nature au lieu de s’émerveiller comme un sot est souvent tenu pour hérétique et impie par ceux que la foule adore comme les interprètes de la Nature et des Dieux. Et c’est qu’ils savent que détruire l’ignorance, c’est détruire l’étonnement imbécile, c’est-à-dire la sauvegarde de leur autorité. »

Le droit à l’interprétation

On ne peut pas interpréter librement les lois d’un État, mais on peut, en matière de religion, accorder un sens variable aux textes, aux dogmes et aux pratiques de la religion. Telle est l’affirmation de Spinoza dans ce texte. Revient-il à l’État de définir le contenu de la religion par la loi, ou  bien l’individu peut-il librement interpréter ce qui relève de l’absolu, du sacré dans la religion ?

« Si chacun avait la liberté d’interpréter à sa guise les lois de l’Etat, la société ne pourrait subsister, elle tomberait aussitôt en dissolution, le droit public devenant droit privé. Il en va tout autrement dans la religion. Puisqu’elle consiste non dans des actions extérieures, mais dans la simplicité et la candeur de l’âme, elle n’est soumise à aucun canon, à aucune autorité publique et nul absolument ne peut être contraint par la force ou par les lois à posséder la béatitude : ce qui est requis pour cela est un enseignement pieux et fraternel, une bonne éducation et par-dessus tout un jugement propre et libre. Puisque donc un droit souverain de penser librement, même en matière de religion, appartient à chacun, et qu’on ne peut concevoir que qui que ce soit en soit déchu, chacun aura aussi un droit souverain et une souveraine autorité pour juger de la religion et pour se l’expliquer à lui-même et pour l’interpréter. La seule raison pour laquelle en effet les magistrats ont une souveraine autorité pour interpréter les lois et un souverain pouvoir de juger des choses d’ordre public, c’est qu’il s’agit d’ordre public; pour la même raison donc une souveraine autorité pour expliquer la religion et pour en juger appartient à chacun, je veux dire, parce qu’elle est de droit privé. »
Spinoza, Traité théologico-politique, VII :